L’intersyndicale des agents de la Sonatel annonce 120 heures de grève dès lundi, pour dénoncer le partenariat liant leur entreprise à Orange France, dont les actions se traduiraient par un "néo-colonialisme économique" impactent "significativement l’économie et la souveraineté’’ du Sénégal.
"La Sonatel, opérateur historique au même titre qu’Orange France (ex-France Télécom), tend à être transformée en filiale d’Orange France", a déclaré Ndèye Founé Niang Diallo, responsable syndicale à la Sonatel, au cours d’une conférence de presse, jeudi, à Dakar.
Selon la syndicaliste, "Orange France s’est engagée depuis quelques années dans la mise en œuvre de projets d’externalisation des réseaux de télécommunications de ses filiales ou partenaires dans la zone AMEA (Afrique, Moyent-orient, Asie)".
"Le trafic international de nos filiales qui passait par le Sénégal est détourné pour transiter par la France, la nomination des directeurs généraux sont faites par Orange France qui n’en a ni le droit ni la légitimité, la plateforme Orange Money initiée et démarrée au Sénégal est déportée en Roumanie suspendant dans les airs des milliards de francs CFA", a déploré Mme Diallo.
"De tels projets ont un impact sur l’économie et la souveraineté (…) et cela au mépris des objectifs déclinés dans le pacte de partenariat entre la Sonatel et Orange France", a-t-elle poursuivi, ajoutant qu’"il est de notoriété publique, à travers le presse, qu’Orange France entretiendrait des relations étroites avec la DGSE, les services de renseignements français".
Contactée par l’APS, la Direction de la communication institutionnelle et des relations extérieures de la Sonatel fait observer que "le modèle de partenariat entre le groupe Orange et le groupe Sonatel est gagnant gagnant".
S’y ajoute que l’opérateur historique sénégalais des télécommunications compte, de son côté, "des filiales dans d’autres pays avec différentes nationalités qui y travaillent ensemble au quotidien en toute intelligence".
S’agissant de la mise en œuvre des projets d’externalisation des réseaux, les responsables de la Sonatel afirment que cette démarche "répond à une tendance lourde du secteur des télécommunications en Afrique, qui voit la plupart des opérateurs mutualiser la supervision de leur réseau", ce qui devrait selon eux induire "des retombées intéressantes pour le Sénégal et pour le groupe Sonatel".
Dans la mise en œuvre de ces externalisations, "Sonatel ne cédera aucune infrastructure" et "toutes les mesures nécessaires ont été prises pour la préservation des acquis des salariés en leur assurant la stabilité de leur emploi et de leurs revenus".
Concernant la délocalisation de la plateforme Orange Money en Roumanie, ils répondent que pour "avoir une haute disponibilité, assurer une bonne sécurité et garantir la continuité des services en cas de catastrophe naturel, les transactions sur Orange Money sont gérées via plusieurs plateformes techniques qui sont logées au Sénégal et dans d’autres pays pour assurer la redondance".
"L’indisponibilité des ressources techniques est particulièrement critique dans le domaine des services financiers, notamment en cas d’arrêt d’une chaîne de production", font valoir les responsables de la Direction de la communication institutionnelle et des relations extérieures de la Sonatel.
Plusieurs mouvements de la société civile dont le M23 et Legs Africa étaient présents à cette rencontre avec la presse de l’intersyndicale des travailleurs de la Sonatel, "en solidarité" avec ses membres.
"Au-delà de la lutte contre l’injustice, il y a un intérêt du patriotisme économique", a estimé Elimane Haby Kane de Legs Africa, avant de lancer "un appel pressant à tout le peuple sénégalais, à se mobiliser pour défendre ce patrimoine national qu’est la Sonatel".
"Nous exhortons le chef de l’Etat et son gouvernement à prendre les dispositions utiles pour endiguer la stratégie d’Orange France de démanteler la Sonatel d’ici la fin de la concession qui interviendra en 2017 et à renforcer la position de l’Etat dans le contrôle de la Sonatel", a ajouté M. Kane.
Le coordonnateur du M23, Mamadou Mbodj, a pour sa part dénoncé "une recolonisation consentie de l’Afrique et du Sénégal" de la part d’Orange France, soutenant que "ce qui se passe à la Sonatel est fait avec l’accord des Sénégalais".
L’intersyndicale des travailleurs de la Sonatel et les acteurs de la société civile ont annoncé, vendredi, un rassemblement à la place de l’obélisque pour "faire front commun avec les autres secteurs en lutte".
"Je ne sais pas encore si nous avons reçu la permission de manifester, mais on verra bien", a confié Mamadou Mbodj à l’APS.