Dans le cadre de ses activités d’animations scientifiques et culturelles, le Laboratoire des Etudes juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a animé hier, dans l’amphi 3 de la Faculté de Droit, une conférence sur le thème : ‘’Réformes des institutions politiques au Sénégal : jeu, enjeux et perspectives’’.
A la lecture du projet de réformes constitutionnelles qui sera soumis au peuple sénégalais le 20 mars prochain, le Dr El Hadj Amadou Diop de la Faculté de droit retient les leçons suivantes : ‘’Innovations, manquements et oublis’’. Dans le registre des ‘’innovations’’, il cite ‘’la constitutionnalisation des devoirs des citoyens, le verrouillage du mandat présidentiel et sa limitation à 5 ans et du mode d’élection du président de la République, la consécration constitutionnelle et la généralisation des candidatures indépendantes à toutes les élections, la représentation parlementaire des Sénégalais de l’extérieur, l’évaluation des politiques publiques par l’Assemblée nationale’’ qui, selon lui, constituent, sans aucun doute, des ‘’innovations majeures’’ dans le projet de réformes.
Au nombre des ‘’manquements’’, le conférencier souligne ‘’l’augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel nommés par le président de la République, la constitutionnalisation du chef de l’opposition, la constitutionnalisation de la décentralisation (qui existait déjà, le droit à un environnement sain (qui n’est pas non plus une nouveauté)’’.
S’agissant des ‘’oublis’’, le Dr Diop, égrène ‘’la non-prévision par le projet de réforme constitutionnelle, la définition entre le président de la République et le Parlement de la politique de la nation en cas de non-concordance présidentielle et parlementaire, la non-constitutionnalisation, dans la réforme des institutions, de la suppression de la constitutionnalisation du chef de parti et la déclaration du patrimoine du président de la République (pourtant consacrée dans la Constitution de 2001’’.
A en croire le Conférencier, il n’y a pas eu de véritables concertations autour de ce projet de réformes constitutionnelles. Car, ‘’En partant de l’idée que le Sénégal ne sort pas d’une guerre et qu’il n’y a pas de crises constitutionnelles majeures, les promoteurs de la réforme constitutionnelle n’ont pas été très audacieux pour tirer toutes les conséquences des luttes populaires, notamment celles du 23 juin 2011 mais aussi des multiples réformes constitutionnelles‘’, regrette le juriste non sans rappeler tout de même qu’‘’un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Il s’agit de marquer un temps d’arrêt pour faire le bilan de la place institutionnelle. Dans ce cas, la réforme des institutions se justifie par la nécessité d’adapter les institutions politiques à l’évolution politique’’, justifie-t-il.
Pr Ismaïla Madior Fall : ‘’Le Conseil constitutionnel a donné un acte juridictionnel’’
Il n’y avait pas que des universitaires et juristes comme l’on pourrait présumer à cette conférence, car le gouvernement y était bien représenté à travers son Secrétaire général, Abdoul Latif Coulibaly et le Pr Ismaïla Madior Fall, Conseiller du président de la République. La double casquette de ce dernier (universitaire et Conseiller du président de la République) s’est beaucoup reflétée dans ses propos qui ont été très nuancés sur l’appellation d’‘’avis’’ ou de ‘’décision’’ de la délibération du Conseil constitutionnel. Selon lui, le Conseil constitutionnel a donné ‘’un acte juridictionnel’’ qui peut être interprété diversement. Mais, souligne-t-il, que cet ‘’acte juridictionnel ‘’soit une ‘’décision’’ ou un ‘’avis’’, ‘’les deux points de vue sont d’une égale dignité scientifique’’ et que ‘’les textes sont certes importants mais ‘’le plus important, c’est le tempérament, le comportement et l’éthique des acteurs’’.
Sur l’adoption du texte par la voie référendaire ou parlementaire, le constitutionnaliste soutient que ‘’si le texte passe à l’Assemblée nationale, la majorité parlementaire (qui est contre la réduction du mandat du Président) pourrait le rejeter, d’où l’option du chef de l’Etat portée sur le référendum’’.
En outre, le Pr Ismaila Madior Fall n’a pas manqué de prendre le contre-pied du Dr El Hadj Amadou Diop qui a déploré le manque de concertations. ‘’Les sources intellectuelles de ce projet de réformes constitutionnelles sont diverses. La Commission nationale des Réformes institutionnelles (Cnri) avait l’avantage d’être plurielle. Il n’y avait pas que des juristes au sein de ladite commission’’, a-t-il-soutenu. Mieux encore, estime le Pr Ismaïla Madior Fall, la Cnri a sillonné l’ensemble du territoire national pour recueillir les perceptions et avis des uns et des autres’’. C’est pourquoi, souligne le Conseiller du président de la République, les 15 points contenus dans le projet de la réforme institutionnelle sont une sorte de l’essentiel de la substance qui a été présentée par la Cnri.