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Afrobasket, son limogeage, son avenir : Cheikh Sarr vide son panier
Publié le mercredi 2 mars 2016  |  Le Quotidien
Cheikh
© Autre presse par DR
Cheikh Sarr, coach de l`équipe du Sénégal de basketball




Le ton est posé, plein de sérénité et de lucidité. Cheikh Sarr a son style propre quand il parle, à l’image de son comportement sur le banc où il dégage une force tranquille. Dans cet entretien exclusif, le désormais ex-coach des Lions fait le tour du panier, en revenant sur l’Afrobasket 2015, sur les conditions de son limogeage, tout en dégageant des pistes concernant son avenir.

Etes-vous déçu de ne pas être reconduit à la tête des Lions ?
Je ne vais pas dire que c’est une déception, car j’ai le sentiment d’avoir accompli ma tâche et tout fait pour atteindre mes objectifs. Parce qu’au Sénégal, on te nomme pour des objectifs, mais on ne te demande pas tes besoins. C’est un gros problème, mais comme tout bon Séné­galais, j’ai tout fait pour donner le maximum de moi-même pour arriver à ce niveau-là. Je pense qu’on doit tout faire pour que le gap entre la pose des objectifs et les conditions de préparation et de compétition s’améliore. Il faut tout faire pour diminuer ce gap.

Quelque part vous êtes déçu de n’avoir pas atteint vos objectifs…
Je suis en effet déçu de n’avoir pas gagné la Coupe d’Afrique. C’est ça que voulaient les joueurs, le public et le Sénégal. Mais l’objectif principal était d’aller aux Jeux olympiques. On a une place de préolympique. On pouvait continuer à jouer à fond notre chance, mais bon, c’est lui (le Dtn) qui a pris la décision de nous enlever. Je crois qu’il l’a fait de manière objective même si les critères, on ne les connaissait pas.

Sûrement pour le Dtn, c’est parce que vous n’avez pas atteint l’objectif qui était de remporter la Coupe d’Afrique…
Je crois qu’on n’est pas les premiers entraîneurs à avoir perdu une Coupe d’Afrique. Partout dans le monde, les entraîneurs font des années pour continuer leur travail, car on croit que c’est un groupe qu’on a construit. Je suis là depuis 2009. Vous savez les conditions dans lesquelles je suis venu en 2009. C’est parce que personne ne voulait de l’équipe. On nous a fait confiance pour nous dire qu’il faut aller se qualifier et on est allé au Cap-Vert pour nous qualifier. Ce n’était pas évident du tout. On travaillait sous pression. On voulait tout le temps t’enlever. A chaque campagne, on disait : «S’il reste ou s’il part», jusqu’à maintenant.

Y a-t-il eu avant les nominations une discussion avec le Dtn pour une éventuelle reconduction ?
Non. Il m’a appelé une semaine avant de sortir la liste. Je ne l’ai pas vu, ni entendu depuis 2 mois. Il m’a dit : «On veut que vous preniez un peu de recul.» Avant d’ajouter : «Vous êtes un bon entraîneur, vous avez de l’expérience, vous avez la compétence, mais il faut que vous preniez un peu de recul.» J’ai dit oui, il n’y a pas de soucis.

Face à la presse, le Dtn a dit qu’il lui fallait trouver un «entraîneur de haut ni­veau». Qu’est-ce que vous en pensez ?
Si les «Toubabs» ont créé chez eux le haut niveau et qu’on ne le fait pas chez nous, eh bien il faut chercher tout le temps quelqu’un d’autre. Le haut niveau, c’est quoi ? Si tu vas à la Coupe du monde, tu atteints les huitièmes de finale, tu entraînes des joueurs de la Nba, tu développes des choses, et ces joueurs commencent à être meilleurs marqueurs parce que tu les as mis dans les conditions pour jouer au basket. Si cela n’est pas le haut niveau, c’est quoi le haut niveau ? Tout est question de compétence.

Ce n’est pas l’avis du Dtn apparemment…
Le haut niveau, c’est des étapes. Quand on parle de haut niveau, il y a l’élite, les espoirs. A-t-on des espoirs de haut niveau au Sénégal ? On n’en a pas. Il faut créer les conditions. Dans l’élite, je pense que Malèye Ndoye faisait partie des meilleurs marqueurs. A Praia, Gorgui (Sy Dieng) a été meilleur marqueur, Mouhamed Faye également. Malèye a été dans les 5 meilleurs joueurs en Coupe d’Afrique en 2011. On a des conditions pour que ces gens puissent jouer au basket. Maintenant, cela ne tient à rien de gagner une Coupe d’Afrique. Les entraîneurs qui sont arrivés ici, il y en a quelques-uns qui ont pris 7e, 5e. Nous, nous sommes arrivés 3e. Maintenant, sur la question du développement du basket au Sénégal, il faut réunir les conditions pour jouer au basket. Les gens s’entraînent dans des terrains de basket et on les fait jouer dans une salle. Le décalage est énorme. On ne peut pas comparer ce que font la France et le Sénégal. Le haut niveau, ce n’est pas ça. Ce n’est pas parce que l’entraîneur est dans un Pro D1 ou D2 qu’il est de haut niveau. Le championnat de France, il n’y a qu’un entraîneur qui va le gagner sur 16. Ne me dites pas que c’est le seul entraîneur capable. D’ailleurs, concernant la sélection qu’il (le Dtn) a faite en prenant les entraîneurs-assistants, je ne sais pas si le maillage est bien fait. Les gens sont en train de critiquer, peut-être qu’ils ont raison. Je ne connais pas pourquoi il a fait ces choix-là, mais je les respecte. Il m’a enlevé, je respecte cette décision. Je n’ai pas grand-chose à dire parce que ce sont des collègues. On leur souhaite bonne chance et ils pourraient faire de bonnes choses avec le coach étranger.

Est-ce une bonne chose de faire à nouveau confiance à l’expertise étrangère ?
Je ne sais pas si c’est un recul ou une avancée, mais la première chose qu’il faut faire, c’est de développer le haut niveau au Sénégal. On parle d’entraîneur de haut niveau. Pourquoi ne pas prendre un directeur technique de haut niveau alors ? Il faut magnifier l’expertise. Si on continue à faire les mêmes choses sans développer le basket local, on va faire un recommencement perpétuel. Et tout le temps, on va chercher quelqu’un d’autre. C’est à la fédération de développer le basket avec une bonne expertise. Et l’expertise, c’est la compétence, la connaissance et l’expérience.

La presse a annoncé que vous aviez refusé d’être l’adjoint de Abdourahmane Ndiaye «Adidas» qui était pressenti pour le poste…
On ne m’a jamais proposé de poste d’adjoint. Je n’ai jamais eu à parler avec Maguette Diop du poste d’assistant. Je pense qu’il n’ose pas me le proposer d’ailleurs. Je ne pense pas que cela lui ait passé par la tête de me proposer un poste d’assistant.

Qu’est-ce qui doit être fait pour que cette équipe progresse ?
Ce n’est pas une question d’entraîneur sénégalais, étranger ou africain. La question ne se trouve pas là. Plusieurs fois, on a eu des coachs étrangers, mais on a fait mieux qu’eux. Le problème, ce sont les conditions de préparation. Il y a beaucoup de frustrations qui naissent dans la Tanière. Ces frustrations ont un impact réel sur le comportement des joueurs. On demande à l’entraîneur de s’adapter tout le temps. On nous a demandé de magnifier notre capacité d’adaptation par rapport à l’environnement sénégalais. Un étranger ne peut pas comprendre cette adaptation. Je pense que Alain Weisz (ancien coach des Lions) a failli devenir fou avec ça. Il faut qu’on essaie de professionnaliser la Tanière sur le plan environnemental, au niveau du management.

Cela risque donc d’être compliqué pour le coach espagnol ?
Je ne sais pas. Peut-être qu’avec lui, ils vont changer. En tout cas, j’ai écrit un rapport et je n’ai pas eu de feedback. D’ailleurs, j’ai toujours écrit des rapports, mais je n’ai jamais eu de feedback. En lisant bien ce rapport, ils peuvent épargner le nouveau coach afin qu’il ne rencontre pas les mêmes problèmes parce que les problèmes nous les connaissons. Ce sont des retards sur les assurances, problèmes de primes… La dernière fois, on est parti là-bas sans primes jusqu’au retour. Ce sont des frustrations qui continuent de manière perpétuelle et ce n’est pas bon. Que je le dise ou que quelqu’un le dise, il faut aider les gens qui sont ici, qu’ils soient africains ou étrangers. Ce n’est pas une question de peau, mais de prise de conscience de la réalité du haut niveau. Si on te met dans les conditions de haut niveau, c’est très possible qu’on y arrive. Quand on demande de faire 9 matchs d’entraînement et qu’on t’en donne 4 seulement, cela pose problème. Les remplaçants n’ont pas le temps d’avoir le rythme et de connaître le jeu en fond. Tu es obligé de prendre des risques. Justement pour revenir sur le haut niveau, c’est une application de méthodes et cela, on ne peut pas le faire tant que l’environnement est comme ça. La fédération n’a pas les mains libres. C’est la tutelle qui gère tout cela. Ils font des propositions qui peuvent passer ou pas. C’est toute cette question-là qu’un étranger ne va pas comprendre et que nous nous comprenons. Cette adaptation qu’on demande n’est pas professionnelle.

Votre avenir c’est quoi ? Qu’allez-vous devenir ?
J’ai pris les reines de l’équipe en 2011. Je vais faire ce que je faisais. Je suis enseignant chercheur. J’ai un diplôme Fiba, et je vais essayer de l’utiliser à fond, continuer à avoir la passion de développer le basket dans mon pays. J’ai été entraîneur de l’Université Gaston Berger (Ugb). J’écris sur le basket, je suis en train de finir ma thèse sur ça.

Pensez-vous vous expatrier ?
Je ne l’ai pas envisagé bien qu’ayant reçu des propositions dans la sous-région.

Venant de quels pays ?
Je ne peux rien dire pour l’instant. Je suis dans mon pays pour aider le basket sénégalais.
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