La dimension économique serait-elle plus importante que l’apport culturel pour le développement de la culture au Sénégal ? C’est la question qui est ressortie d’une rencontre réunissant divers acteurs culturels à Kër Thiossane. L’impact économique de la culture est réel, mais pas assez mis en avant. Babacar Ndiaye a appelé les organisateurs de manifestations à mesurer leur impact économique.
La culture est une économie, ce n’est pas un secret. Pourtant, il semble qu’à Dakar, cette dimension soit trop souvent négligée par les acteurs culturels. C’est ce qui est ressorti d’une réunion entre divers agents du milieu, parmi lesquels des artistes et des organisateurs
de festival. Babacar Ndiaye, expert indépendant sur la culture à la Jipec, a expliqué durant de longues minutes que «si le secteur de la culture peut montrer qu’il apporte de la valeur ajoutée à l’économie de ce pays et crée des emplois, il est en droit de revendiquer une part plus importante dans le dispositif de l’Etat». C’est autour de cette thématique que les débats ont eu lieu. L’impact de la culture en matière économique, si infime soit-il parfois, est indéniable. Rokhaya Daba Sarr, organisatrice du festival Africa fête, qui grossit chaque année, a rappelé ce que les festivals, même petits, apportaient aux artistes et à l’économie locale. En plus du cachet qui est une part non négligeable du revenu de l’artiste, le festival lui apporte aussi une visibilité. «Les autres organisateurs de festival qui viennent à Africa fête et qui voient
un artiste qui les intéresse, c’est une chance pour cet artiste d’être programmé dans un autre festival», explique la directrice de l’évènement. Il y a en plus, les petits commerces du quartier, les prestataires techniques et internationaux qui font marcher l’économie locale et nationale à travers un évènement culturel. Toutes les activités sont liées, c’est une chaîne.
Présentée ainsi, la culture est donc un levier de développement local conséquent et en accord avec un gouvernement criant sur tous les toits vouloir renforcer le développement d’une démocratie locale. «La culture apporte une plus-value à l’économie, crée des emplois et participe au développement du pays. Mais nous n’utilisons pas les outils et nous ne nous rendons pas compte des aspects qui montrent notre contribution à l’économie de ce pays», expose Babacar Ndiaye. A l’en croire, l’impact économique est difficilement mesurable, car la plupart des acteurs de la culture ne prennent pas la peine de le mesurer.
Pourtant, «une telle démarche pourrait leur offrir une crédibilité et une visibilité supérieure à celle qu’ils possèdent actuellement », dit-il, avant d’évoquer la Lettre de politique sectorielle validée récemment et qui, selon lui, veut promouvoir l’économie de la culture, c’est-à-dire développer toutes les manifestations culturelles qui apportent une plus-value à l’économie du pays.
Lors de la validation de cette lettre, le ministre de la Culture et de la communication, Mbagnick Ndiaye, avait en effet déclaré vouloir «faire de la culture un véritable levier pour le développement du Sénégal». Dans ce cadre-là, «il apparaît pertinent de faire un bilan économique
avec des outils reconnus par le gouvernement et qui lui permettent de mesurer l’impact réel de telle ou telle manifestation», a analysé Babacar Ndiaye. Il faut quand même rappeler que la Lettre de politique sectorielle n’est pour l’instant qu’une série de recommandations qui n’ont rien de concret. Cependant, il faut reconnaître que les gouvernements aiment les chiffres et qu’un bilan économique intéressant
peut avoir plus de poids que tous les plaidoyers du monde concernant l’apport culturel d’une manifestation. Babacar Ndiaye le pense fortement : «Le jour où on pourra dire ce que le secteur culturel apporte à l’économie, on sera mieux considéré », assure-t-il.