Une semaine après l’effectivité du blocus aux frontières avec la Gambie, les transporteurs et chauffeurs sénégalais maintiennent toujours le cap du contournement, même s’ils sollicitent des mesures d’accompagnement. Toutefois, du côté des usagers de la trangambienne, les conséquences de la fermeture des frontières commencent à se faire sentir dans les poches aussi bien des passagers que des transporteurs qui ont revu les tarifs du transport à la hausse. L’autre conséquence directe de ce blocus, c’est le rush sur les bateaux assurant la desserte Dakar-Ziguinchor. Sud Quotidien fait le point dans les différentes gares routières à Dakar, Kaolack, Ziguinchor et Kolda. Un carnet de voyage Dakar-Sédhiou, via Tambacounda, sera diffusé vendredi.
KAOLACK : Les chauffeurs prêts à annuler le transit par la Gambie
Bientôt une semaine après son effectivité, les chauffeurs et transporteurs sénégalais maintiennent toujours le blocus sur les différents axes de la transgambienne. Mais malgré les difficultés auxquelles ils sont confrontés ces cinq (5) dernières jours, la plupart des chauffeurs et transporteurs interrogés, pensent qu’il est temps que l’Etat du Sénégal annule la voie transitant par la Gambie et ouvre celles du contournement en passant soit par Tambacounda, Kolda ou Nganda.
Lundi 22 février, à la gare routière «Nioro» de Kaolack, le décor était celui de tous les jours, en apparence. Les véhicules en partance vers le pays de Yahya Jammeh, comme d’habitude étaient bien stationnés dans cette grande aire bitumée et attendaient sans cesse l’arrivée des clients à destination de cet Etat et même plus loin, le Sud du Sénégal.
Les petits commerçants ambulants, tout comme les spéculateurs fixes et autres tabliers poursuivaient encore leurs activités de routine. Certains discutaient avec des clients, d’autres attendaient impatiemment les voyageurs désireux se payer un cadeau, petit jouet, quelques biscuits, du pain ou même un sachet d’oranges pour les enfants laissés à la maison.
Malgré cette canicule qui venait fraichement de mettre un terme aux trois journées de fraicheur vécue dans la capitale du Saloum vendredi, samedi et dimanche, le tableau (espace) réservé aux véhicules à destination de poste Keur Ayip ne désemplissait pas. Le chef de garage Pape Niang que nous avons pu rencontrer dans ce local nous apprend que tout se passe bien malgré le blocus. «Nous poursuivons inlassablement nos activités. Les chauffeurs, une fois arrivés à Keur Ayip, font descendre les clients sans franchir la frontière. C’est de-là qu’ils sont ensuite transportés en territoire gambien soit par des taxis-autos, soit par des vélos-taxis moyennant la modique somme de 500 F Cfa» à 1000 F Cfa, c’est selon jusqu’au bac de Farafenni.
Au tableau Foundiougne, Passy, Sokone et Karang, c’est aussi le même climat qui s’est offert à nous, à notre arrivée, sauf que dans cette partie de la gare routière «Nioro», le chef de garage Aboubacar Niang n’a pas voulu s’avancer sur beaucoup de choses. Toutefois, il confie: «nous sommes chauffeurs, notre métier consiste à conduire des véhicules. Depuis le blocage de la frontière, on nous a demandé de limiter nos activités à la gare routière de Karang. Nous ne nous sommes jamais opposés à cela et nous avons suivi le mot d’ordre. Bientôt une semaine, nous conduisons les clients jusqu’à la gare routière de Karang. Et, une fois à destination, nous faisons descendre tout le monde».
A LA PISTE DE ZIGUINCHOR, LES VEHICULES SONT CONTRAINTS AU CONTOURNEMENT
Jusqu’aux environs de 11h lundi dernier, à la piste de Ziguinchor de la gare routière «Nioro» de Kaolack, rabatteurs («coxeurs») et chauffeurs attendaient sans cesse le départ du 3ème car en partance pour cette région du Sud du pays. Pape Ismaïla Ndiaye, secrétaire administratif du Regroupement des chauffeurs de cette gare routière, qui officie en même temps comme coxeur dans ce carré, nous apprend que le dernier véhicule qui a quitté Kaolack lundi aux environs de 16h est déjà arrivé à destination (Ziguinchor) depuis 7h du matin. A l’en croire, ce véhicule pouvait même arriver plutôt que prévu s’il n’avait pas connu quelques arrêts techniques.
Ainsi, moyennant 13.000 F Cfa, le ticket pour le transport des clients se rendant à Ziguinchor, et 10.000 F Cfa pour ceux qui descendent à Kolda, les chauffeurs de taxis-brousses (sept (7) places) assurent à leurs passagers le trajet, passant par Tamba, Kolda avant de rallier Ziguinchor. Soit une distance de 705 kms par voie normale ou 698 kms pour les véhicules transitant par Tanaff.
CONTOURNEMENT: LE TRACE DES CHAUFFEURS POUR ECONOMISER 300 KMS
Ces chauffeurs et transporteurs en opération sur la piste de Ziguinchor ont toutefois réitéré leurs accusations à l’endroit de l’Etat qu’ils prennent pour principal responsable de cette situation. En marge des négociations répétées entre le Sénégal et la Gambie et les multiples échecs enregistrés dans la bonne marche du système de transport terrestre entre les deux pays, ils estiment en effet que l’Etat devait relativement penser à la réalisation des autres voies de contournement depuis longtemps. Mieux, ils restent également convaincus que l’Etat doit associer, à la réalisation de ce projet, les bénéficiaires qui ne sont autres que les chauffeurs.
Sauf qu’il reste à s’accorder sur l’itinéraire que va emprunter cette nouvelle voie de contournement. Et, pour ce projet, Pape Ismaïla Ndiaye, qui parlait au nom de ses pairs, dit connaître les moyens de réduire ce (long) trajet de 300 kms. Selon lui «il s’agit, pour l’Etat, d’étudier l’axe Nganda/Pont de Gouloumbou/ le contour des 27 kms bordant le territoire gambien pour ensuite déboucher sur le carrefour Diaroumé et rallier Ziguinchor», propose-t-il aux autorités sénégalaises chargées éventuellement de la réalisation de ce projet.
ZIGUINCHOR - UNE SEMAINE APRES LE BLOCUS : Difficile prix à payer pour les populations du Sud
Plus d’une semaine après le blocus au niveau des frontières gambiennes, les effets se font cruellement sentir chez les populations et transporteurs et camionneurs. Ces derniers, d’ailleurs, ont préféré immobiliser leur véhicule. Les activités de ces camionneurs qui font le trajet entre le Sud du pays et Dakar sont paralysées. Les populations, elles, sont obligées de faire le grand détour par Tambacounda pour rallier Dakar. Un long voyage, selon un passager embarqué de la gare routière de Ziguinchor qui s’est confié à nous en ces termes: «c’est difficile de faire le contournement. Même si c’est mieux car, on est chez-nous, loin des tracasseries et discriminations que nous sommes obligés d’encaisser lors des traversées du bac de Farafenni en Gambie».
Une épreuve de parcours de combattant, certes difficile pour ces passagers qui, pour la plupart, estiment qu’il faut prendre des mesures d’accompagnement pour soulager leur souffrance sur ce long trajet.
Les camionneurs, eux, ont été contraints à un «chômage technique», le temps de voir les choses se décanter. Car, pour Ousmane Djiba, «il n’est pas question de débourser une fortune pour les gambiens qui veulent tout simplement nous divertir et renflouer leurs caisses à partir du bac, ce qui ne saurait prospérer», martèle ce camionneur qui préfère immobiliser son camion le temps que durera ce blocus. «Nous pouvons passer par Tambacounda, mais le problème c’est parfois l’état de la route difficile à certains endroits, appliqué à la consommation exorbitante de carburant», renchérit cet autre camionneur qui se désole de l’attitude des autorités gambiennes.
HAUSSE DE 1500 SUR LES BILLETS DES HORAIRES
Le Regroupement des chauffeurs de Bignona, qui s’est réuni le weekend dernier, s’est félicité de cette mesure de blocus opéré sur les frontières tout en exhortant les autorités des deux pays à trouver une solution à cette sempiternelle équation de la traversée au bac de Gambie. Ils estiment d’ailleurs que, pour ne pas éprouver davantage les populations du Sud, ils n’ont décidé que de d’opérer de légères hausses sur le tarif du transport. 1500 F Cfa pour les bus, «c’est raisonnable», lance Karamba Goudiaby, le président national du mouvement des horaires.
RUSH SUR LES BATEAUX …DAKAR-ZIGUINCHOR
D’ailleurs, une des conséquences directe de ce blocus opéré sur les frontières sénégalo-gambiennes c’est le rush noté au niveau des bateaux. Les responsables des navires, débordés par la forte demande, cherchent des solutions pour les populations du Sud confrontées au long trajet sur le contournement et la quête difficile de billet de bateau pour rallier ou quitter le Sud du pays. Ce blocus opéré au niveau des frontières a fait resurgir les difficultés de l’enclavement notoire de cette région Sud qui, malgré le renforcement de la liaison maritime par l’arrivée de deux nouveaux bateaux, continue son désenclavement.
CONTOURNEMENT DE LA GAMBIE : Voix discordantes dans les «garages» d’horaires
La fermeture des frontières, entre le Sénégal et la Gambie pour tous les camions de marchandises et les voitures de transports en commun et autres particuliers, effective depuis le jeudi 18 février dernier se rajoute à une autre survenue en 2014 et qui avait duré 3 mois environ. Habitués de la situation, les horaires de la Casamance qui sont obligés de procéder au grand détour, en passant par Tambacounda, pour rallier leurs destinations situées dans les régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor apprécient différemment ce blocus imposé par des Syndicats et Regroupements des transporteurs du Sénégal.
Situé au quartier Arafat de Grand-Yoff, le garage de Gaby Sonko, avec 21 ans d’existence, est l’un des plus anciens points de départ et d’arrivée des horaires de la Casamance. Ici, la route de contournement est très bien appréciée.
Toutefois, au moment où certains sont catégoriques et appellent au maintien du boycott de la transgambienne, des transporteurs d’horaires regrettent les difficultés et autres tracasseries subies en parcourant près de 900 kms avant d’arriver à destination.
Trouvé assis, entouré de quelques rabatteurs, communément appelés «coxeurs», le sexagénaire (qui a donné son nom au garage d’Arafat), appelle les transporteurs à abandonner totalement la transgambienne. «Cette voie de contournement arrange tout le monde. Car, la traversée de la Gambie a toujours été un parcours du combattant pour les chauffeurs et les populations sénégalaises. Il faudra comprendre que les gambiens étant chez-eux, font tout ce qui leur convient. C’est pourquoi il faut contourner la Gambie une bonne fois pour toute. Même après la construction d’un pont, ce passage ne sera jamais facile. Car, ce sont eux qui vont décider de l’ouverture et de la fermeture de leurs frontières», a expliqué Gaby Sonko.
Il sera appuyé, dans ces propos, par un chauffeur du nouveau garage de maraudage sis au quartier Bignona de Grand-Yoff, un site qui accueille désormais tous les horaires (de Grand-Yoff). En destination de Marsasoum (Sédhiou), Mbaye Hann a abondé dans le même sens que le chef de garage d’Arafat. Seulement, pour lui, la construction de la voie de contournement, c’est-à-dire la route (pour le raccourci) qui passera par Koungueul pour arriver directement à Saré Alkaly, reste l’unique solution à travers laquelle, l’Etat du Sénégal pourra sauver ses populations. Cette voie de contournement permettra d’économiser plus 100 Kms au moins en ce sens que les transporteurs n’auront plus besoins d’aller jusqu’à Tambacounda.
«Même si cette route sera payante, pour remplir les caisses de l’Etat, le Sénégal doit réaliser cette voie de raccourci. L’argent restera au Sénégal. Il faut aussi que le syndicat soit catégorique envers les gens qui procèdent par étape en passant par la Gambie. Car, beaucoup de clients nous laissent de côté et optent pour ce système pour rallier la Casamance et vice-versa. Si les clients sont constants, nous allons suivre jusqu’au bout la décision du syndicat. Avec la transgambienne, après avoir quitté Dakar à partir de 19 ou 20h pour arriver au poste frontalier de Keur Ayip à partir de 5h (et attendre l’ouverture de la frontière à 7h) on reste de 7h a 15h en Gambie avant de traverser le bac de Farafenni. Alors qu’en passant par Tambacounda, on quitte Dakar à 17h pour arriver à Marsassoum le lendemain à 14h. Donc, il faut maintenir le boycott», car le contournement permet de gagner en temps, a persisté le chauffeur en destination de la Casamance.
CONSQUENCES DU CONTOURNEMENT DE LA GAMBIE : Hausse de 1000 à 1500 F Cfa sur les tickets de transport des horaires
Les conséquences du blocus de la transgambienne commencent à se faire sentir dans les poches des clients et autres usagers, avec la hausse constatée de 1000 à 1500 F Cfa sur les billets des horaires et les coûts de transport des marchandises.
Les passagers à destination des régions méridionales du Sénégal et vice-versa sont obligés de casquer plus. Qu’ils optent pour le contournement ou le voyage par étape en passant par la Gambie, pour rallier la Casamance ou Dakar, c’est selon.
Un tour au niveau de certains garages d’horaires à Grand-Yoff permet de faire le constat. Sur place, les coûts du transport ont augmenté de 1000 à 1500 F Cfa pour permettre aux chauffeurs de couvrir leurs dépenses supplémentaires, explique-t-on.
«On a augmenté le prix du transport de 6500 à 8000 F Cfa, soit 1500 F Cfa de plus. La consommation du carburant a augmenté, donc c’est normal qu’on revoit à la hausse le coût du transport. Les chauffeurs consomment 250 mille F Cfa en aller comme au retour en empruntant cette voix de contournement», a soutenu Gaby Sonko, chef du garage d’horaires d’Arafat, Grand-Yoff.
C’est le même constat au garage Bignona, vers le bassin de rétention situé entre l’Hôpital général de Grand-Yoff (Hoggy) et la zone de captage. Ici, en plus du ticket de transport, les prix des bagages ont aussi multiplié, si l’on se fie à cette femme à destination de Hélinkine (Ziguinchor). «Je viens souvent acheter des marchandises pour aller les revendre en Casamance. Mais, cette fois-ci, le prix qu’on m’a facturé est le double de ce que j’avais l’habitude de payer. Le président de la République doit faire de son mieux pour qu’on retrouve la transgambienne», a souhaité Aminata Danfa.
Et Omar Sané de relever, par la suite, que les prix du transport pour les passagers à destination de Kafountine, Diembéring, Baïla et Afigname (région de Ziguinchor) également ont tous connue une augmentation de 1000 à 1500 F Cfa.
HAUSSE DES BILLETS, ETAT DE LA ROUTE DE CONTOURNEMENT : Ces obstacles qui avantagent Banjul
Désormais les Koldois souhaitant aller à Dakar sont condamnés de passer par Tambacounda. Fini, pour l’instant, le passage par le sol gambien. Conséquences : en plus de la hausse des prix du transport, c’est l’état de la route et la longueur du périple qui inquiètent les usagers. Dans le Fouladou, chacun y va avec son commentaire.
C’est difficile de faire une journée de voyage pour aller à Dakar en passant par la corniche, l’autre appellation de la voie de contournement. Aliou, un enseignant qui va à Dakar pour régler certains papiers se plaint de l’état des routes et de la longueur du trajet.
«La route entre Kounkandé et Vélingara, c’est 30 kms de clavaire. Certes les travaux ont démarré, mais c’est difficile. En plus, le chemin est véritablement long. Sans occulter le risque avec des taxis-brousses qui ne sont bonnes pour que la casse. Le renouvellement du parc automobile devait commencer par les zones enclavées comme Kolda. Mais, vous avez vu…», se désole-t-il.
«A la gare routière de Kolda, mardi dernier à l’aube 3 taxis-brousses communément appelés «7 places» ont quitté vers 4h du matin pour Dakar. Il faut débourser désormais 14.000 F Cfa sans bagages pour embarquer, contre 9500 F Cfa pour la transgambienne. Pour ce long voyage les difficultés concernent aussi l’état des véhicules qui sont d’un autre âge. Et cela ne semble préoccuper personne», peste Amadou. «Car, les décideurs viennent par vol (avion) ou, au pire des cas, ils ont des 8x8 venus directement du paradis, ironise-t-il. Ils ne peuvent pas savoir ce que nous vivons sur ce chemin».
El Mamadou Diang Ollo Barry, président des Regroupement de transporteurs poids lourd du Sud est d’accord pour ce blocus. Toutefois, il souhaite que l’Etat puisse prendre des mesures urgentes pour aider les populations de la zone. Selon lui, il faut, aux transporteurs de la région, des véhicules de qualité capables d’atténuer les souffrances sur la route. Aussi invite-t-il les autorités à profiter de cette situation pour en finir avec les humeurs insaisissables du président gambien Yahya Jammeh. «Nous n’avons pas de problème avec le peuple gambien mais avec les autorités» de la Gambie, précise-t-il.
Souleymane, lui, ne comprends pas l’attitude des autorités sénégalaises qui ne parviennent pas à contenir les humeurs d’un «dictateur». «Comment des démocraties peuvent-elles céder aux caprices d’une dictature ? Pourquoi notre pays ne peut rien faire ?», s’interroge-t-il non sans dénoncer la déforestation en Casamance soutenue, selon lui, par ce pays frère. «Vous voyez comment le pillage de nos forêts est organisé à partir de ce pays au vu et su de tous».
Néanmoins, les personnes interrogées sont unanimes à reconnaitre que cette situation (contournement) va régler au moins une chose: plus de brimades en Gambie. Et le Sénégal y gagne en termes de retombées économiques. Car, les achats vont désormais se faire dans le pays. Des communes comme Koungueul ou Kaffrine, escales des voyageurs, vont voir le petit commerce connaitre un nouvel dynamisme. Les vendeuses d’eau fraiche et de «Frox Thiaya» (sauté de viande) vont eux voter «Oui», pour le maintien du blocus.
Reste que les Koldois souhaitent que l’Etat puisse trouver un privé pour avoir un vol quotidien sur le Fouladou, avec un tarif social (de 30.000 F Cfa) par exemple. Présentement un seul vol hebdomadaire est disponible, mais il n’est pas accessible pour la grande majorité des Koldois.