Dans son rapport 2015, Amnesty international fait le point sur la situation des droits de l’Homme au Sénégal. Elle cite les manquements en matière de liberté d’expression et les arrestations et détentions «arbitraire». Elle rappelle que les forces de sécurité ont arrêté au moins sept personnes, dont deux imams et deux femmes, pour des chefs liés au terrorisme. Sans oublier l’affaire Karim Wade dont le procès est jugé «inéquitable».
Le rapport 2015 d’Amnesty international, qui sera présenté ce matin, est un condensé de faits ayant marqué l’année écoulée. Le synopsis du document le dit clairement : Les autorités ont continué de restreindre la liberté de réunion pacifique et d’utiliser la force de manière excessive contre des manifestants. Des hommes et des femmes ont été arrêtés en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée. Selon l’organisation, Le Sénégal a été placé sous le regard de la communauté internationale à l’occasion du procès de Karim Wade qui n’a pas été conforme aux normes d’équité. En outre, dit-elle, l’impunité prévalait pour les membres des forces de sécurité, responsables de violations des droits humains.
Affaire Karim Wade : «Procès inéquitable»
«En mars, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a condamné Karim Wade, ancien ministre et fils de l’ex-président de la République Abdoulaye Wade, à six ans d’emprisonnement et une amende de 138 milliards 239 millions 086 mille 396 francs Cfa pour enrichissement illicite. Sept coprévenus ont été déclarés coupables de complicité. Les décisions rendues par la Crei ne sont pas susceptibles d’appel sur le fond, ce qui est contraire aux normes régionales et internationales. En avril, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que la détention provisoire de Karim Wade était arbitraire, notamment en raison du retard accumulé pendant la procédure et de la différence de traitement observée par rapport aux autres prévenus. (...)»
Affaire des jeunes de Colobane
«En février, la Cour d’assises de Dakar a condamné deux hommes à 20 ans de travaux forcés pour la mort de Fodé Ndiaye, un jeune auxiliaire de police. Leurs déclarations avaient pourtant été obtenues sous la torture.»
Recours excessif à la force
«Cette année encore, les forces de sécurité ont utilisé la force de manière excessive. En juillet, Matar Ndiaye a succombé à une blessure par balle à la jambe à la suite d’une opération de police menée à Dakar. Un policier aurait fait feu sans sommation en direction d’un groupe d’hommes qu’il poursuivait et Matar Ndiaye a été pris dans la ligne de tir. La Division des investigations criminelles (Dic) de la Police nationale a été chargée de l’enquête, ce qui laissait craindre que celle-ci ne soit pas véritablement indépendante ni impartiale.»
Impunité des forces de l’ordre
«Les autorités assuraient qu’elles menaient des enquêtes sur les homicides perpétrés par des agents des forces de sécurité dans le contexte de manifestation, ainsi que sur les actes de torture et les autres mauvais traitements, mais ces investigations étaient rarement menées à leur terme et rares étaient les auteurs présumés à comparaître devant la justice. Ainsi, sur les 27 cas de torture pour lesquels Amnesty international a recueilli des informations depuis 2007, seuls six ont donné lieu à des poursuites aboutissant à une condamnation – avec une peine clémente dans tous les cas. Aucun des sept homicides commis par les forces de l’ordre pendant des manifestations depuis 2011 n’a fait l’objet de poursuites débouchant sur une condamnation.
En janvier, le Tribunal régional de Kolda a déclaré deux policiers coupables de violences et voies de fait à l’encontre de Dominique Lopy, mort en garde à vue en 2007. Il les a condamnés à six mois d’emprisonnement et leur a ordonné de verser 100 mille francs Cfa de dommages et intérêts à la famille de la victime.»
Liberté de réunion
«Les autorités ont continué d’interdire des manifestations organisées par des partis politiques et des défenseurs des droits humains, et de poursuivre en justice des manifestants pacifiques. En septembre, le Tribunal régional de Kolda a condamné 12 hommes à 21 jours d’emprisonnement pour participation à un rassemblement non autorisé. Une centaine de personnes avaient manifesté pacifiquement le 27 août dans la commune de Diana Malary pour demander aux autorités de leur fournir de l’électricité. Les forces de sécurité avaient utilisé du gaz lacrymogène et tiré en l’air pour les disperser, ce qui avait entraîné des affrontements entre manifestants et gendarmes.»
Répression des lesbiennes, des gays...
«Au moins 22 personnes, dont trois femmes, ont été arrêtées en raison de leur orientation sexuelle présumée. En août, le Tribunal de Dakar a déclaré sept hommes coupables d’«actes contre nature» et les a condamnés à une peine de deux ans d’emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. En juillet, la police avait effectué une descente sans autorisation dans un appartement et procédé à leur arrestation. Plusieurs journaux ont révélé l’identité de ces hommes et publié des commentaires homophobes et diffamatoires. Six de ces personnes ont été transférées dans une prison de Diourbel, loin de leur famille et des réseaux de soutien susceptibles de leur fournir nourriture et médicaments.
Dans le cadre d’une autre affaire, un homme a été condamné en juillet à six mois d’emprisonnement en vertu du même texte de loi. Trois femmes ont par ailleurs été arrêtées à Grand Yoff le 25 novembre. Onze hommes ont été arrêtés par la police à Kaolack le 24 décembre. Maintenus en détention pendant cinq jours, ils ont été soumis à de mauvais traitements – coups et injures notamment – avant d’être remis en liberté.»