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Révision constitutionnelle: Petites réformes, gros couacs
Publié le jeudi 25 fevrier 2016  |  Enquête Plus
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© Présidence par DR
Le président de la République Macky Sall renonce à réduire son mandat en cours




“Dans sa substance, le projet de révision constitutionnelle apporte des innovations importantes”, avait indiqué Macky Sall lors de son message à la Nation en début d’année. Ces 15 “innovations importantes” seront donc soumises au référendum le 20 mars prochain, conformément à la volonté présidentielle. Seulement, l’importance de ces innovations pose question. Quand on passe à la loupe les points clés de cette réforme constitutionnelle, on y décèle pas mal de couacs et beaucoup de contradictions.

La restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, y compris la question de l’applicabilité immédiate de la réduction à cinq ans du mandat de sept ans en cours ; c’était là le, piment de la grande réforme constitutionnelle promise par Macky Sall, et qui aujourd’hui est vidée de sa substance. Macky Sall aurait été le premier président africain qui, après avoir été légalement élu sur un mandat bien déterminé, accepte volontairement de le réduire. Ce geste digne de Mandela est aujourd’hui hors de sa portée.

A la place, il faudra se contenter de petites réformes.

Si le « Oui » l’emporte le 20 mars, l’article 4 de la Constitution sera modifié dans le sens d’une meilleure définition des missions démocratiques des partis politiques qui ne se confinent plus à concourir à l’expression du suffrage. Le but est de rationaliser le système de partis au Sénégal et de garantir aux candidats indépendants une participation à tous les types d’élection.

Derrière ce jargon, la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique devrait aboutir, en résumé, à une limitation du nombre de partis politiques dans la compétition politique. Le Sénégal comporte une densité élevée de partis politiques au kilomètre carré. A l’avenir, créer un parti politique pourra s’avérer tout aussi facile, mais participer à une élection deviendrait un vrai parcours du combattant. Il faudra, sans doute comme il est d’usage dans certaines démocraties, réunir un certain nombre de signatures de citoyens et/ou d’élus pour participer à un scrutin.

“La participation des candidats indépendants à tous les types d’élection”, telle que le prévoit la réforme constitutionnelle, sera sans doute soumise à ce préalable. Jusque-là, pour être candidat, il suffit juste d’être sous couvert d’un parti politique qui bénéficie d’une existence légale. Au Sénégal, les candidats indépendants jouent un rôle insignifiant dans le jeu démocratique. L’histoire électorale de notre pays est riche de flopées de candidats indépendants. La réalité montre que les élections sénégalaises sont la chasse gardée des grandes formations politiques qui disposent d’un appareil et d’une base militante bien ancrés dans l’étendue du territoire national.

Le danger aussi avec les “candidats indépendants”, c’est de pervertir la nature du jeu politique. Un parti a l’avantage d’avoir une vision, une orientation politique connue des électeurs. Mais derrière une candidature dite “independante” peut se cacher des intérêts politiques et financiers inconnus. Une porte ouverte vers l’inconnue, quand on sait l’importance souvent décisive qu’a l’argent dans l’issue d’une élection au Sénégal. Ceci est encore plus vrai à l’échelle locale.

Pour la promotion de la gouvernance locale et du développement territorial L’article 6 de la future Constitution intègre dans la liste des Institutions de la République le Haut Conseil des collectivités territoriales. En réalité, c’est une version « Mackyllée » du Sénat, censée répercuter la voix des élus locaux. Le Sénat fait un yoyo sur la carte institiutionnelle du Sénégal depuis Diouf, sans vraiment convaincre les contribuables de sa pertinence, autre que pour caser un personnel politique pléthorique. En plus d’être budgétivore, cette nouvelle institution risque de faire doublon au Conseil économique, social et environnemental.

Pour consolider la citoyenneté et élargir les droits du citoyen, il est ajouté à la Constitution des articles relatifs aux droits des citoyens sur leurs ressources naturelles et leur patrimoine foncier, le droit à un environnement sain. Cette réforme se veut un clin d’oeil à l’Acte III de la décentralisation, largement décrié dans sa mise en œuvre. C’est aussi une constitutionnalisation de l’adhésion du Sénégal à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives. L’ITIE est devenue la norme mondiale visant à promouvoir une gestion ouverte et responsable des ressources naturelles. L'ITIE part du principe que les ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, les métaux et les minerais appartiennent aux citoyens d’un pays. Et leur extraction devrait donc profiter aux populations locales en leur apportant croissance économique et développement social. C’est comme si le Sénégal, avec la promesse de gaz et de pétrole récemment découverts aux larges de Dakar, se mettait déjà dans les habits d’un émirat africain. Mais cette disposition constitutionnelle part avec un sérieux handicap. Comme chacun sait, les États africains peinent à dicter leurs lois aux géants des industries minières. En atteste l’affaire Arcelor Mittal.

En vue d’une consolidation de la démocratie pluraliste, l’article 58 de la “future” Constitution prévoit de définir un statut au chef de l’opposition et de lui fixer des droits et devoirs. L’opposition est un maillon essentiel au rouage démocratique. Certains pays lui ont érigé une place particulière. Le « chef de l’opposition à Sa Majesté » est par exemple une institution respectable en Grande Bretagne…En France, la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale est confiée à un parlementaire de l’opposition. Au Sénégal parlementaire, l’opposition n’est pas si lotie. Aïda Mbodji, député libéral, préside la Commission culture et communication de l’Assemblée. Mais cette volonté présidentielle de renforcer l’opposition est en parfait paradoxe avec l’attitude de sa majorité parlementaire qui, par instinct de conservatisme, a augmenté le nombre de députés nécessaire pour former un groupe parlementaire, de 10 à 15. Ce qui constitue aux yeux de l’opposition un recul démocratique par rapport à un pays comme la Côte d’Ivoire où il suffit simplement d'avoir 8 députés sur les 255 pour constituer son groupe parlementaire.

Autre hic ? Cette institutionnalisation de l’opposition donne l’impression d’une distribution de strapontins entre politiciens. L’inconvénient, c’est que l’opinion risque de confondre pouvoir et opposition en blanc bonnet et bonnet blanc.

Et qu’adviendra-t-il du statut du chef de l’opposition, si l’opposition significative décide de boycotter les élections, comme ce fut le cas aux législatives de 2008 ?

Dans l’intention louable d’élargir les missions de l’Assemblée nationale, il est ajouté à l’article 59 de la Constitution à voter une nouvelle prérogative : celle de l’évaluation des politiques publiques. Et en reconnaissance à la contribution de la diaspora sénégalaise à l’économie nationale, le constituant - c’est une première - accorde, pour la première fois, aux Sénégalais de l’extérieur le droit d’élire des députés. Les émigrés sénégalais injectent plus d’argent dans le pays que l’aide publique au développement. La représentation des Sénégalais de l’extérieur par des députés à eux dédiés est donc légitime. Cependant la migration sénégalaise est très mal documentée. La majorité des migrants sénégalais se trouve dans la sous-région, où ils ne disposent pas de papiers. Du coup, la représentativité à la place Soweto risque d’être biaisée, et ne profiter qu’à des groupes organisés généralement en partis ou en mouvements politiques. Cette ouverture de l’Assemblée aux émigrés est en fait bien partie pour être récupérée par la clientèle politique établie hors de notre pays.

S’agissant du pouvoir judiciaire, on retiendra l’augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel de 5 à 7 et la désignation par le Président de l’Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel. On sait qu’au Sénégal, chaque Président nouvellement élu a comme souci premier de s’assurer une majorité parlementaire confortable et un president de l’Assemblée qui lui est totalement soumis. La nomination de deux sages par ce dernier risque donc de renforcer la mainmise de l’Exécutif sur la machine judiciaire, d’autant que le Conseil constititionnel devient, avec la réforme, compétent pour se prononcer sur les lois organiques et donner des avis sur les décisions de la Cour d’appel. A la place, de nombreux juristes auraient souhaité la création d’une Cour constitutionnelle.

Dans la nouvelle loi fondamentale, il est mentionné, noir sur blanc, la constitutionnalisation des principes de la décentralisation et de la déconcentration. L’intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République.

Le président est élu au suffrage direct et au scrutin majoritaire. Ce mode de scrutin favorise un régime de type présidentialiste qui a l’inconvénient d’écraser et de satelliser les autres institutions. Cette nouvelle constitution écarte donc définitivement le débat sur le régime parlementaire, comme alternative au système politique actuel, un moment agité par les Assises nationales. Ces dispositions scellent ‘’la maturité démocratique du Sénégal’’. Pourtant dans les pays que le Sénégal cite généralement comme référence en matière de démocratie, le nombre de mandats présidentiels n’est pas inscrit dans la Loi, mais relève d’une convention tacite respectée par tous les acteurs du jeu politique.
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