Des transporteurs sénégalais sont déterminés à ne pas avaler la pilule de la hausse unilatérale, par les autorités gambiennes, de la taxe douanière versée par tonne de marchandises par les camions sénégalais en transit sur son territoire. Celle-ci est passée de 4.000 à 400.000 F CFA. Ce, quel que soit le tonnage. Pour matérialiser ce refus, la mesure de blocus, jusqu’à nouvel ordre à l’initiative de transporteurs sénégalais, des frontières entre les deux Etats en gestation depuis lundi dernier à Karang est désormais effective depuis hier, jeudi 18 février.
C’est le énième blocus décrété ou imposé par ces routiers suite aux nombreuses tentatives d’augmentation unilatérale de taxes ou prix de la traversée du bac de Farafenni, sur la transgambienne, par le régime de Yahya Jammeh en une décennie. Ces entorses à la libre circulation des personnes et des biens, garantie par la CEDEAO, remettent chaque fois, au goût du jour, la question de la construction d’une voie de contournement qui, malheureusement, ne semble pas encore constituer une priorité pour les différents régimes successifs à la tête du Sénégal. Seulement, contrairement aux précédents mouvements de boycott largement suivis par les syndicalistes et travailleurs du secteur des transports, certains, notamment à Sédhiou, se démarquent de la mesure au motif que non seulement ils n’ont pas été associés à la prise de cette décision, mais aussi et surtout que la hausse ne concerne que les camions et non les véhicules de transport en commun et autres moyens de transport dénommés «horaires».
CONSEQUENCE DE LA HAUSSE DU TARIF FORFAITAIRE SUR LES CAMIONS SENEGALAIS : Blocus total aux frontières sénégambiennes
Aucun moyen de locomotion n’a franchi la frontière sénégambienne hier, jeudi 18 février, nous informe le secrétaire général du Syndicat des travailleurs des transports routiers du Sénégal, Gora Khouma joint au téléphone par la rédaction de Sud quotidien. La cause, confie-t-il, c’est que les autorités gambiennes ont décidé de fermer leurs frontières après que les transporteurs sénégalais, contestant la mesure de hausse unilatérale des taxes douanières sur les gros porteurs, ont décidé de bloquer le passage à leurs collègues gambiens. Eu égard à cette situation, le syndicaliste interpelle l’Etat pour une accélération des travaux de la voie contournement afin d’éviter le passage par la Gambie pour rallier la Casamance et vice versa. Mieux, pense-t-il, les tracasseries doivent être diminuées sur la voie de contournement pour que les transporteurs désertent définitivement la Gambie. A signaler que le différend entre les transporteurs sénégalais et la partie gambienne résulte de la décision des autorités de ce dernier pays de relever le coût de la taxe douanière des gros porteurs à 400.000 FCfa quelque soit la marchandise transportée. Or, avant cette mesure, la taxe par tonne, pour les produits autres que le ciment et le fer, était de 3000 F Cfa. Ces deux produits (ciment et fer) étaient facturés à 4000 F Cfa, la tonne. Déjà, depuis mercredi 17 février, les transporteurs de Karang, dans la région de Fatick et plusieurs autres syndicats de transport du Sénégal, avaient décidé de bloquer jusqu’à nouvel ordre l’entrée au Sénégal de tout véhicule gambien pour protester contre la décision des autorités de Banjul.
KAOLACK : Chauffeurs et transporteurs sénégalais accusent l’Etat
Depuis lundi 15 février dernier, la partie Ouest de la transgambienne, située sur l’axe Karang/Hamdalai, est fermée à ses usagers par le Regroupement des chauffeurs et transporteurs de la gare routière de la commune de Karang, présidé par le maire de la commune de Toubacouta, Pape Seydou Dianko. Un mouvement d’humeur qui, pour la énième fois, a été décrété sur cette partie de la frontière entre le Sénégal et la Gambie, et qui, pour cette fois-ci, est motivé, signale-t-on, par la décision de l’Etat gambien d’augmenter les droits de taxe intérieure jusqu’à 400.000 F Cfa, l’équivalent de 28.000 dalasis (monnaie gambienne).
Très remontés contre cette décision unilatérale prise par le gouvernement gambien, les chauffeurs et transporteurs sénégalais accusent l’Etat du Sénégal dont la passivité est à l’origine de cet incident malheureux. Car, selon eux, si l’on était à la première expérience, on pouvait certes comprendre. Mais Pape Seydou Dianko et ses protégés estiment que ce n’est pas la première fois que ce genre de malentendu intervienne dans le système de trafic terrestre entre le Sénégal et la Gambie. Et, à chaque fois qu’il se déclare, la frontière est simultanément bloquée pendant plusieurs jours, voire des semaines. A les en croire, ces formes de violation répétées des accords de transport terrestre entre les deux pays émanent en partie des mauvaises négociations que les autorités sénégalaises mènent habituellement avec la partie gambienne.
Bien que la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), est aujourd’hui présidée par le chef de l’Etat du Sénégal, le Regroupement des chauffeurs et transporteurs de la gare routière de Karang reste surtout convaincu que le Sénégal négocie mal ses accords avec ses voisins de la sous-région. Notamment avec la Gambie qui ne s’est jamais sacrifiée à respecter ses engagements vis-à-vis du Sénégal. La preuve la plus récente vient de la signature du partenariat pour la réalisation du pont de Farafenni. Malgré la publicité à grandes pompes de la pose de la première pierre d’ailleurs co-présidée par le Premier ministre sénégalais, Mahammed Boun Abdallah Dionne, et la Vice-présidente de Gambie, Dieynaba Seydi, ce projet a finalement été jeté dans des eaux troubles, à cause des humeurs du président Yahya Jammeh.
Selon les chauffeurs de Karang, la liste est loin d’être exhaustive car, dans plusieurs domaines, les autorités gambiennes ont toujours failli à leurs promesses partenariales. Alors que dans le camp adverse, le Sénégal ne cherche jamais à prendre des dispositions palliatives. Toutefois, pour ce qui concerne la crise d’aujourd’hui, le président Pape Seydou Dianko et ses protégés réclament un arbitrage strict de la part des autorités sénégalaises. Autrement dit, ils demandent au gouvernement de les laisser fermer la frontière pendant six mois au minimum. Non pas au niveau de Karang seulement, mais sur l’ensemble des postes frontaliers de Fadjara, Farafenni, Séléti qui ont aussi été fermés au trafic.
Ainsi, avec la diminution du prix du carburant, rendue effective ces deux derniers jours sur l’ensemble du territoire national, les chauffeurs et transporteurs de Karang somment leurs collègues désirant se rendre en Casamance ou dans certains pays du Sud de procéder à un grand détour en passant par Tambacounda. Aussi, leur suggèrent-ils d’être solidaires dans ce combat et de comprendre que tout ce qu’ils vont dépenser sur le trajet contournant la Gambie doit sans doute revenir au Sénégal, leur pays.
BOYCOTT DE LA TRANSGAMBIENNE PAR LES TRANSPORTEURS : La gare routière de Sédhiou se démarque
Les transporteurs de la gare routière de Sédhiou ne sont pas en phase avec leurs homologues du Syndicat national des transports routier du Sénégal, affilié à la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS). Ils ont, en effet, décidé de ne pas participer au mouvement de boycott de la transgambienne, initiée par Alassane Ndoye. Pour cause, ils disent ne pas avoir été conviés à la réunion tenue mercredi dernier à Keur Ayip, rencontre à l’issue de laquelle cette décision a été prise. C’est ce que nous apprend Lamine Coura Guèye, Chef de garage, membre du Regroupement des transporteurs de la gare routière de Sédhiou joint au téléphone.
Alassane Ndoye, secrétaire général du Syndicat national des transporteurs routiers (SNTRS), affiliés à la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), n’aura pas le soutien des transporteurs de la gare routière de Sédhiou. Les amis de Lamine Coura Guèye ont refusé d’obéir au mot d’ordre de boycott de la transgambienne lancé par leurs camarades. Ils se sont sentis, en effet, frustrés pour n’avoir pas été conviés à la réunion de Keur Ayip, tenue mercredi dernier pour décider du contournement de la Gambie. «On ne peut pas se réveiller comme ça, un bon jour et décider de barrer la route sans se concerter avec les gens. Ils (Alassane Ndoye et Cie, ndlr) devaient discuter avec nous. C’est la raison pour laquelle le président (Modou Fall, ndlr) a décidé que nous ne participerons pas à ce mouvement dans la mesure où nous ne sommes pas impliqués. Donc, nous ne sommes pas concernés», a signalé Lamine Coura Guèye, Chef de garage, membre du Regroupement des transporteurs de la gare routière de Sédhiou.
Pour toute explication, Lamine Coura Guèye déplore le manque de considération dont ont fait montre leurs amis à leur égard. «Ils ont tenu une réunion hier (avant-hier mercredi 17 février, ndlr) sans nous tenir informés, alors que nous sommes à la sortie de la Gambie, juste derrière la frontière. Nous n’avons pas été impliqués dans cette réunion tenue à Keur Ayip», regrette-t-il. Selon lui, s’ils étaient conviés à la réunion, ils pourraient comprendre les raisons qui ont poussé ce syndicat à aller en grève. Ce qui n’est pas le cas. Par conséquent, il est d’avis qu’il leur est impossible d’observer une grève dont ils ne maitrisent pas les modalités. Lamine Coura Guèye en veut pour preuve la présence des médias locaux à qui ils ne seraient capables de fournir la moindre information par rapport aux enjeux de la grève, s’ils venaient à être interpelés par les journalistes de ces organes de presse.
Toutefois, le garagiste soutient que si la route est barrée par l’administration, comme le lui ont indiqué des gens qui étaient présents à la réunion de Keur Ayip, ils sont partants. Mais au cas contraire, si c’est une initiative d’Alassane Ndoye, ils lui donnent une fin de non recevoir, même s’ils sont affiliés à son syndicat. «Si ce sont les syndicats qui barrent la route, ils mettent des troncs d’arbres, mais si c’est l’Etat, on descend les barrières», fait-il remarquer.
EN ATTENDANT L’EFFECTIVITE DE LA VOIE DE CONTOURNEMENT : Faire avec les humeurs de Jammeh
«Ce blocus imposé non loin de la frontière entre les deux pays au niveau du poste de Karang est entré en vigueur depuis le lundi passé à 8 heures et se poursuivra jusqu’à nouvel ordre». D’ailleurs, «du côté des postes frontaliers de Keur Ayib (Kaolack) et Sénoba (Sédhiou) les transporteurs ont pris également la mesure de ne laisser entrer en territoire sénégalais aucun véhicule gambien». Pape Seydou Dianko, membre du Syndicat national des travailleurs routiers du Sénégal (SNTRS, affilié à la CNTS et dirigé par le député Alssane Ndoye) et président de la gare routière de Karang, annonçait déjà la couleur avant-hier, mercredi 17 février, dans un entretien accordé à l’antenne régionale de la radio publique (RTS 5) de Kaolack, repris par l’Agence de presse sénégalaise (APS).
En effet, la pilule de la revue à la hausse, de manière unilatérale par la Gambie, de la taxe douanière versée par tonne de marchandises par les camions en transit sur son territoire de 4.000 à 400.000 F CFA, quel que soit le tonnage, ne passe pas chez les transporteurs sénégalais. Et, pour manifester cette désapprobation, ils ont décidé de bloquer les entrées et sorties des gros porteurs au niveau du poste frontalier de Karang (Fatick), dès le début de la semaine, avant d’étendre, depuis hier, la mesure à tous les autres points de passage entre les deux pays. Joint au téléphone par l’APS, le gouverneur de Fatick, Souleymane Cissé, a confirmé le blocage au poste frontalier de Karang, depuis lundi dernier, par les transporteurs.
C’est la énième fois que les transporteurs sénégalais décrètent et imposent le blocus des frontières entre les deux Etats suite toujours à des décisions unilatérales d’augmentation de taxes ou frais de traversées de bac en territoire gambien par l’actuel homme fort de Banjul. Du temps du régime de l’ancien président Abdoulaye Wade à celui du président Macky Sall, Yahya Jammeh à plusieurs fois, a procédé à des hausses unilatérales, affectant la libre circulation des personnes et des biens entre les deux pays, avant de revenir à de meilleurs sentiments face à la riposte «vigoureuse» de Dakar, à travers des syndicats de transporteurs.
Et, l’une des dernières réponses à pareille décision de Yahya Jammeh remonte à janvier/février 2014, avec le blocus pendant trois mois de la transgambienne dans les deux sens par le Syndicat des travailleurs des transports routiers du Sénégal (STTRS, affilié à la CNTS/FC). A l’époque, Gora Khouma et ses camarades dénonçaient l’augmentation unilatérale des droits de la traversée du bac de Farafenni et l’exigence de son paiement en francs CFA décidés en début d’année par le gouvernement gambien. Les prix étaient passés de 9500 à 17.000 F CFA, soit une hausse de près de 100% qui avait «heurté» le syndicat, décidé d’aller au bras de fer et de faire plier la Gambie.
D’ailleurs, en son temps, après la levée de la mesure de blocus suite aux accords entre les deux parties, la Gambie avait, à son tour décrété la fermeture, du 19 au 24 avril 2014, sans raison officielle, des ses frontières avec le Sénégal. Même si peu d’informations avaient circulé sur les raisons de cette fermeture, des sources relevaient que Banjul n’avait pas apprécié le mutisme de Dakar face au boycott de la transgambienne qui avait beaucoup affecté l’économie gambienne. Mais du côté gambien, certaines sources avaient lié cette fermeture à des questions de sécurité. Car, tout le week-end, soulignait-on à Banjul, le président Yahya Jammeh était en tournée à l’intérieur du pays avec l’ensemble de son gouvernement.
En attendant l’élévation de la question de la construction d’une voie de contournement au rang de priorité nationale ou dans le programme de désenclavement de la Casamance, les populations, transporteurs et autres usagers peuvent continuer de faire les frais des humeurs du président Jammeh.
ZIGUINCHOR : L’urgence d’une route de contournement
Longtemps une préoccupation majeure des populations du Sud, la question de cette voie de contournement n’est agitée que lorsque Banjul manifeste «ses caprices» sur la traversée de son territoire. La récente décision des autorités gambiennes de hausser la taxe sur les camions est venue dépoussiérer l’urgence de la construction d’une voie de contournement de la Gambie. Une voie qui permettra d’extirper une épine des pieds des populations de la Casamance sur la lancinante question de l’enclavement qui étouffe cette partie méridionale du pays.
Et, les chauffeurs et autres transporteurs habitués de cet axe routier de la transgambienne ne font ressurgir l’idée de la construction de cette voie que lorsqu’ils sont en bras de fer avec les autorités gambiennes sur les questions de traversée de la Gambie. Pourtant, languis de subir les tracasseries dans le territoire gambien, ils préfèrent souvent traverser le pays de Yahya Jammeh plutôt que de faire le grand détour par Tambacounda pour préserver leurs force et énergie dans le territoire sénégalais.
Plus de carburant, plus de dépenses; ce sont là quelques uns des prétextes agités souvent par ces chauffeurs dont certains se rendent à l’évidence que la construction d’une route de contournement, reste le seul remède à leur chapelet de souffrances sur les axes routiers. Les avantages de cette voie de contournement ne sont plus à démontrer. En plus d’un désenclavent des régions Sud, elle contribuerait à booster l’économie des localités le long de cette voie, notamment les escales de Tambacounda, Manda Douane, Diaoubé, Vélingara, Kolda, Médina Wandifa, Tanaff, etc. Il y va également de la préservation des devises par les populations sénégalaises elles-mêmes, sans compter le confort des passagers dans leur pays.
C’est à se demander pourquoi cette voie de contournement tarde à se concrétiser ? Les autorités sénégalaises sont-elles insensibles aux souffrances des populations du Sud qui sont obligées de passer une demie journée, voire plus, sur la routes pour avaler les 450 kms (de route) qui séparent Ziguinchor de la capitale Dakar ? Autant d’interrogations qui méritent réflexion. Les sempiternelles promesses sur la construction d’un pont sur le fleuve Gambie ont fini par faire somnoler les populations du Sud quant à la volonté des autorités gambiennes de réaliser un tel projet.
Des préoccupations qui avaient enfantées un collectif dénommé Convergence pour le désenclavement et le développement de la Casamance dont les membres s’étaient engagés à mener le combat contre l’enclavement de la région. Le temps de leur brève sensibilisation à travers les régions Sud, leur salvatrice initiative s’est vite effritée, laissant en suspens cette question de l’enclavement qui continue de susciter des grincements de dents chez les populations, surtout avec le diktat de Yahya Jammeh qui continue de briller par ses décisions unilatérales qui ont fini par donner du tournis aux chauffeurs, transporteurs et autres usagers qui traversent la Gambie pour rallier les localités sénégalaises. L’arrivée de bateaux pour renforcer la liaison maritime est loin de transcender cette lancinante question du désenclavement qui figure en bonne place parmi les préoccupations des populations du Sud.