Au Sénégal, les femmes sont souvent défavorisées par rapport aux hommes quand il s’agit d’accéder à la terre, surtout quand elles ont perdu leur mari. Du moins, c’est le cas dans certaines localités, comme dans la commune de Djilor, signale Ndèye Lam. Mais en réalité, selon Yandé Ndiaye, chargée de programme à l’Association des Juristes sénégalaises (AJS), les femmes souffrent des pratiques coutumières car il n’y a aucune discrimination entre les hommes et les femmes dans l’accès au foncier aux yeux de la loi.
Accéder à la terre est une aubaine pour les femmes dans certaines localités en milieu rural. Surtout quand il s’agit de femmes dont les maris sont décédés. C’est le cas dans la commune de Djilor, dans le département de Foundiougne. Selon Ndèye Lam, point focal de l’Ong ActionAid dans la localité, il est très difficile pour les femmes, surtout les veuves, d’accéder à la terre pour la cultiver. «Mon expérience locale en matière d’accès des femmes à la terre est très négative. Il est difficile, dans notre commune, pour une femme dont le mari est décédé d’accéder à la terre. Il y a ici des femmes veuves, responsables de familles, qui ont besoin de terres pour cultiver mais qui ne peuvent pas y accéder», nous apprend-elle.
Pour Ndèye Lam, la raison est à chercher dans le mode de vie local, la vie en communauté. «Le mari décédé vivait en communauté avec ses frères et n’avait peut-être pas ses propres parcelles de terre. Il utilisait une partie des terres de la famille. Quelque fois, dans la famille, on essaie de priver la veuve qui a la charge de ses enfants. Elle est généralement lésée par rapport à l’accès à la terre pour cultiver et nourrir sa famille. On lui donne une petite parcelle insignifiante», explique-t-elle. «L’ainé de la famille du défunt préfère prêter la terre à d’autres personnes, étrangères à la famille, que de la donner à l’épouse de son frère décédé. Alors que celle-ci a besoin de cette terre pour la cultiver et nourrir ses enfants. C’est une situation que nous voyons assez souvent dans notre commune», renseigne-t-elle.
TOUS EGAUX DEVANT LA LOI
Toutefois, dans la législation sénégalaise les femmes et les hommes sont égaux devant la loi. Il n’y a aucune considération discriminatoire entre les deux sexes. C’est ce que nous explique Mme Yandé Ndiaye, chargée de programme à l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS). «Il n’y a pas de discrimination entre les femmes et les hommes quand il s’agit de l’accès à la terre».
Mme Yandé Ndiaye, chargée de programme à l’AJS a rappelé les dispositions de l’article 15 de la Constitution du Sénégal, à son alinéa 2. «Dans l’article 15 de la Constitution, en son alinéa 2, il est stipulé que l’homme et la femme ont un égal droit d’accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi», rappelle Mme Ndiaye.
Avant d’évoquer la loi n°64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national. «La loi ne fait pas de discrimination à l’égard de la femme pour ce qui est de l’accès à la terre. Les femmes et les hommes ont les mêmes droits pour accéder à la terre. Il est d’ailleurs expliqué dans la loi sur le Domaine national que tout citoyen a le droit d’accéder à une parcelle de terrain. Il suffit juste de faire la demande d’attribution de terre à la localité dont on appartient», dit-elle.
Dans le décret d’application n°64-573 du 30 juillet 1964 (de la loi sur le Domaine national), il est stipulé, à l’article 18, que «les terres de culture et de défrichement, sont affectées aux membres de la communauté, groupés ou non en associations ou coopératives, en fonction de leur capacité d’assurer directement ou avec l’aide des membres de leur famille, la mise en valeur de ces terres conformément au programme particulier du terroir», nous relève la juriste.
L’HERITAGE REGLE PAR LA LOI
La question de l’héritage est prise en charge par le décret d’application de la loi de 1964 en son article 22. «En cas de décès de l’affectataire, ses héritiers obtiennent l’affectation à leur profit de tout ou partie des terres affectées à leur auteur, dans les limites de leur capacité d’exploitation, telle que prévue à l’article 18 et sous réserve de ne pas aboutir à la constitution de parcelles trop petites pour être susceptibles d’exploitation rentable. La demande d’affectation doit être adressée au président du Conseil rural (devenu Commune) sous peine de déchéance, dans le délai de six mois à compter de la date du décès», poursuit Mme Ndiaye. Selon elle, le certificat de mariage, le jugement d’hérédité ou les extraits de naissance des enfances sont les pièces justificatives qui permettent à la veuve et à ses enfants d’hériter des biens du défunt.
En revanche, dans la pratique, c’est autre chose. Le poids des coutumes l’emporte sur les dispositions de la loi. «Le problème se trouve au niveau de la pratique avec les pratiques locales et coutumières qui discriminent la femme», fait-elle noter. «Quand on est épouse, il y a le certificat de mariage qui le prouve. Il y a aussi le jugement d’hérédité. Donc, il n’y a pas de discrimination quand il s’agit de la loi. Mais aussi dans le Code de la famille, l’héritage est réglementé. Les épouses doivent produire un certificat de mariage ou un jugement d’hérédité et les enfants leur extraits de naissance. Et on recense l’ensemble des biens qui ont été laissés par le défunt et on les partage», poursuit-elle toujours.
Il y a toutefois deux types de droits qui existent et dont on fait recours assez souvent. «On a le choix dans le partage soit d’appliquer le droit positif ou le droit musulman. Dans le droit positif, le partage est égal. Les parts de l’homme sont égales à celles de la femme. Dans le droit musulman, l’homme a deux parts alors que la femme en a une», explique Yandé Ndiaye. En définitive, il n’y a pas de discrimination entre la femme et l’homme dans les dispositions de la loi sénégalaise.