Le propre d’un réformateur, c’est de réussir ses réformes. Cela n’est pas encore le cas pour le Président Macky Sall. Plusieurs projets de réforme ont été engagés depuis 2012. Au moment où le processus de changement institutionnel est amorcé, l’Acte 3 de la décentralisation et le secteur de l’éducation cassent des têtes du gouvernement. La Crei, les mines et le foncier attendent aussi d’être fixés sur leur sort.
Les trois actes d’un flop
Malgré les nombreuses commissions créées et mises à contribution, le Président Macky Sall n’a pas encore porté les habits d’un grand réformateur. Soit les tailleurs choisis traînent encore avec les lettres de mission, ou la mise en pratique révèle des ciseaux peu inspirés. Par conséquent, les projets initiés perdurent et usent le réformateur en chef, le Président Macky Sall. L’Acte 3 de la décentralisation, dont le processus est lancé depuis le 19 mars 2013 et en grande pompe, étale de jour en jour ses insuffisances faute de mesure transitoire. Les travailleurs des collectivités locales observent un mouvement d’humeur à cause d’arriérés de salaire. Les collectivités locales s’enlisent dans la dèche. Les domaines de compétence manquent de clarté et engendrent des conflits entre les municipalités et les ministères. Les Conseils départementaux sont atteints du syndrome des défunts conseils régionaux. Le Comité de pilotage n’a plus de président alors que la deuxième phase relative à la décentralisation économique et financière devrait retourner le Code général des collectivités locales à l’Assemblée nationale.
La Casamance, région naturelle choisie comme «Pôle expérimental de la territorialisation des politiques publiques» lors du Conseil des ministres du 28 juin 2012 tenu à Ziguinchor, demeure encore une expérience dont le reste du Sénégal n’a pas encore eu grand écho. Toutefois, la récente trouvaille a été l’avènement de la Commission nationale du dialogue des territoires (Cndt) confiée à Djibo Leyti Kâ. Verra aussi le jour le Haut conseil des collectivités territoriales, si le projet de révision constitutionnelle est adopté.
«Je pendrai ce que j’en jugerai bon»
En attendant d’arriver à des «territoires cohérents et économiquement viables», le chef de l’Etat s’est engagé dans des réformes au niveau central. Macky Sall a entériné son projet de quinze propositions qui, s’il prend en compte le document de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), n’a pas totalement satisfait l’équipe de Amadou Makhtar Mbow. Des acteurs des Assises nationales le qualifient de «réformette qui ne permettra pas de refonder les institutions». Nombre de ses alliés, les «Assisards» notamment, veulent saisir l’ultime occasion qui est la concertation ouverte sur le projet de révision de la Constitution pour formuler leurs dernières recommandations. Quoi qu’il en soit, face au tolet qui avait suivi la remise du rapport de la Cnri, le Président Sall avait déclaré depuis la Chine : «Je prendrai ce que j’en jugerai bon.» C’était suffisant pour rassurer ses partisans encore hostiles à toute interdiction faite au président de la République d’être un chef de parti.
Education en quête de stabilité
L’autre front en ébullition qui a fait l’objet d’assises et de réforme, c’est l’éducation. Les treize recommandations de la Commission nationale de réforme de l’enseignement supérieur que présidait le Pr Souleymane Bachir Diagne n’ont pas encore stabilisé les espaces universitaires. Si ce ne sont pas les étudiants, ce sont les professeurs qui vont en grève pour un motif relatif au non-respect des accords signés avec le gouvernement. Un autre professeur et non moins ancien recteur, Pr Abdou Salam Sall, a conduit une réflexion sur l’éducation nationale. Les Assises de l’éducation n’ont pas permis aux élèves de l’école publique d’atteindre la barre recommandée des 900 heures de cours. Là aussi, la recette proposée a été encore une fois institutionnelle. Le Président Sall a décrété la création du Haut conseil du dialogue social confié à l’ancienne égérie libérale, Innocence Ntap Ndiaye.
Mines et foncier
A plusieurs occasions, le chef de l’Etat a réitéré sa détermination à surmonter les résistances. A l’épreuve, celles-ci ont gagné en temps. Depuis l’évaluation des conventions minières qui a révélé la moins-value fiscale de 400 milliards de francs Cfa en 2013, la Commission de révision du Code minier ne voit pas sa mouture finale adoptée par les députés. Suite à des observations formulées par la Chambre des mines, l’avant-projet de Code minier daté du 20 janvier 2015 avait été renvoyé à la commission pour une seconde lecture. Lors du vote du budget du ministère de l’Industrie et des mines, Aly Ngouille Ndiaye avait promis l’examen du texte dans les meilleurs délais.
La problématique de l’accès à la terre a aussi mobilisé le successeur de Abdoulaye Wade. Macky Sall a créé la Commission nationale de réforme foncière (Cnrf) par le décret n° 2012-1419 du 6 décembre 2012. Le premier président qu’il a nommé, en l’occurrence Me Doudou Ndoye, a par la suite jeté l’éponge. Son successeur à ce poste, le Pr Moustapha Sourang, a relancé les travaux. Initialement prévue en décembre 2015, la remise du rapport de la Cnrf au président de la République a été reportée à une date ultérieure. Le document de politique foncière, dont la rédaction n’est pas encore terminée, devra être partagé et validé par les familles d’acteurs.
Crei ou Crief ?
La Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) devant remplacer la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) attend encore d’être dépoussiérée. Une mouture d’un projet de loi existe depuis janvier 2014. L’Assemblée nationale n’est pas encore saisie dudit projet. Lors de l’examen du budget de son département en séance plénière le 3 décembre dernier, le ministre de la Justice, Sidiki Kaba, avait indiqué que la réforme de la Crei allait juste introduire la possibilité pour la personne condamnée de faire appel. Près de deux mois auparavant, l’ancien Premier ministre, Aminata Touré, avait déclaré que cette juridiction devrait être réformée. En répondant aux questions de la journaliste de la chaîne i-télé, Audrey Pulvar, le 25 octobre dernier, le chef de l’Etat l’a confirmé. Mais la matérialisation tarde encore.