Alors que la campagne de commercialisation de l’arachide tire à sa fin, l’ensemble des opérateurs de la filière arachide au Sénégal n’a pas collecté plus de 104 mille tonnes d’arachide. Dont à peine 30 mille pour tous les industriels, c’est-à-dire le dixième de ce dont la seule Suneor a besoin pour faire une production moyenne dans l’année. Une situation qui présage la mort prochaine de l’industrie huilière du Sénégal.
Il y a trois jours, le dimanche 7 février dernier, la Suneor, le plus important industriel huilier du Sénégal, avait reçu précisément 7 075 tonnes 610 kg de graines d’arachide. La Copéol, le second opérateur industriel, a pour sa part reçu un peu plus, à savoir 18 mille 593 tonnes 219 kg à la même date. L’huilier attend un peu plus de 236 tonnes cette semaine. West african oils, un autre industriel, compte en stock plus de 4 800 tonnes et espère en avoir 1 021 autres.
Quoi qu’il en soit, à la date d’aujourd’hui, l’ensemble des huiliers établis au Sénégal n’ont pas réceptionné plus de 30 millions 780 mille 625 tonnes d’arachide. On imagine donc les conséquences éventuelles de ce qu’il n’est pas exagéré de désigner comme une catastrophe.
Mais la question ne concerne pas que les industriels parce que même les autres opérateurs se plaignent de ne pas trouver de graines en vente. A ce jour, la somme de l’arachide collectée par tous les opérateurs n’a atteint que 104 mille tonnes. D’où la question de savoir où sont passés le million et 125 mille tonnes de production nationale annoncés à cor et à cri par les services du ministère de l’Agriculture ? Il semble en effet difficile de croire que ce sont les Chinois qui auraient acheté toute cette quantité.
Pour sa part, le Comité national interprofessionnel de l’arachide (Cnia) a calculé que les exportations d’arachide, au 7 février, ont été de 52 mille 997 tonnes 887 kg, soit «105 mille 995 tonnes 774 kg de coque avec un taux de conversion de 50 %». Et pour la destination, la Chine vient en tête avec plus de la moitié des exportations, suivie du Vietnam, tous deux très loin devant l’Indonésie, le Maroc ou le Congo. Toutefois, le Cnia n’écarte pas que des quantités d’arachide aient pu être écoulées en des circuits parallèles, mais cela ne pourrait néanmoins pas être des quantités que personne ne pourrait remarquer.
L’une des raisons qui poussent les observateurs à se convaincre que les achats des spéculateurs chinois n’ont pas atteint les quantités escomptées, c’est la présence sur le marché international de la production d’arachide des Etats-Unis. Or, à 445 dollars américains la tonne, cette arachide est plus compétitive que la production sénégalaise, et les Chinois ne sont pas des philanthropes. Et les huiliers sénégalais, dont la production est destinée à l’exportation, ne peuvent pas non plus s’aligner au niveau des prix proposés.
On ne sait pas si le gouvernement a véritablement pris conscience des enjeux d’une campagne qui s’annonce la plus désastreuse que les producteurs d’huile du Sénégal aient jamais connue. Les 7 075 tonnes de la Suneor ne représentent absolument rien pour les capacités de cette entreprise. On se rappelle encore, quand le gouvernement avait annoncé le départ amiable de Abbas Jaber, que les ministres concernés avaient déclaré à la face du Peuple sénégalais que l’Etat avait pris des mesures pour sécuriser au moins 300 mille tonnes d’arachides pour permettre à la Suneor de fonctionner. Les autorités avaient même annoncé la réquisition de l’équipe dirigeante de la boîte pour permettre à l’entreprise d’être opérationnelle à la veille du lancement de la campagne de commercialisation. Et aujourd’hui, on se retrouve dans une situation que tout le monde juge désastreuse pour la boîte et pour la filière. Alors qu’il lui était promis une ligne de crédit d’environ 25 milliards, la Suneor n’a pu débloquer qu’un peu plus de 1,6 milliard de francs Cfa pour la quantité d’arachide qu’elle a collectée. Seule Copéol, qui semble disposer d’une organisation un peu mieux structurée que les autres, a pu injecter plus de 4,2 milliards de Cfa dans le monde paysan. Les chiffres de la Cait ne sont pas disponibles, mais on sait que cet opérateur bénéficie d’une ligne de crédit auprès de la Cnca qui paie au fur et à mesure que lui sont présentés les titres d’achat de l’arachide. Wao, pour sa part, plus d’1 milliard 102 millions de francs et doit encore plus de 200 millions qu’elle paiera dans la semaine.
Toutefois, une chose rassure. On n’a pas encore entendu de plainte de la part du monde paysan, concernant une quelconque mévente de l’arachide. Ce qui signifierait que la production a été emportée et au moins au prix plancher de 200 francs le kilo, fixé officiellement par le Cnia.