C’est avec beaucoup d’enthousiasme que les créateurs ont accueilli la nouvelle de l’agrément accordé à la Sodav par le président de la République qui a reçu en audience, il y a quelques semaines, certains acteurs culturels. Au sujet de cette audience justement, l’on en apprend un peu plus au fur et à mesure que les jours passent. Les intentions inavouées de cette «belle initiative» du ministre-conseiller, Youssou Ndour, font encore couler bien de salive.
Depuis quelques jourst, les langues ont commencé à se délier au sujet de l’audience-surprise à laquelle n’ont pris part que des «culturels triés sur le volet». «Des privilégiés !», pour reprendre l’expression des mauvaises langues. «C’est le Cabinet du ministre-conseiller, Youssou Ndour, qui avait managé cette audience. Cela n’avait rien à voir avec la communication du ministère», avait-on rétorqué au niveau de la tutelle pour expliquer l’absence d’une bonne partie des médias, qui n’ont pas été associés à cette initiative, mais aussi de nombreux acteurs culturels qui auraient pu être convoqués. On se souvient d’ailleurs que très vite, une conférence de presse, présidée par Youssou Ndour et le conseiller technique du ministre, Aziz Dieng, avait été organisée au Centre culturel Douta Seck par les rappeurs afin de rendre compte des grandes décisions prises lors de cette audience. Awadi et compagnie ont ainsi annoncé en son temps, la volonté du chef de l’Etat de doter les rappeurs d’un fonds pour la culture urbaine de 300 millions de francs Cfa, mais aussi la décision du Président de signer l’agrément pour la Sodav. Ce dernier point a d’ailleurs été effectif depuis le mercredi dernier.
Toutefois, ce qui n’a pas été dit durant cette rencontre, mais qui reste tout de même l’objectif fondamental de la démarche de Youssou Ndour, initiateur de cette audience, c’est que l’ancien ministre de la Culture veut «donner une nouvelle orientation à la culture». Il l’a même évoqué en substance : «Je suis acteur culturel avant d’être ministre. Donc je ne vais pas déléguer ma responsabilité, je vais l’assumer comme vous le faites. Notre démarche tend à faire évoluer notre politique culturelle et aider les Sénégalais, qui sont acteurs dans ce domaine-là, à réussir.» En réalité, informe-t-on, le roi du Mbalax, dans son propos liminaire à cette audience, proposait «la réforme du ministère de la Culture pour faire évoluer les choses». Comment entend-il faire «évoluer les choses» ? Il se dit au palais de la République que Youssou Ndour, dans un document remis au président de la République, lui propose «la création d’une agence nationale de promotion culturelle dans laquelle seront versées les infrastructures culturelles que sont entre autres : le Grand Théâtre national, le Théâtre Daniel Sorano, le Musée des civilisations noires, le Monument de la renaissance, la Place du Souvenir…». L’idée du ministre-conseiller auprès du président de la République est que «dans cette agence nationale de promotion culturelle, l’Etat sera actionnaire à côté des artistes. Du moins, ceux qui le souhaitent en tout cas. Et ces derniers devront mettre en hypothèque leurs droits d’auteur au niveau de la Sodav pour devenir actionnaires au sein de la structure». On imagine bien que dans ce schéma d’hypothèque des droits d’auteur pour devenir actionnaire, «le roi du Mbalax», vu son rang sur la scène de la musique, serait l’actionnaire majoritaire de cette agence.
Hypothèque sur les droits d’auteur
Mieux, Youssou Ndour aurait expliqué au chef de l’Etat que «dans la configuration de cette agence nationale de promotion culturelle, l’Etat et les artistes vont être partenaires et, au bout de 10 ans, l’Etat va se retirer de la structure en la cédant aux artistes qui deviendront propriétaires». Autrement dit, après dix années de gestion, l’Etat se fera déposséder de cette agence et de ses immeubles culturels au profit des artistes. Pour l’heure, informent nos sources, le Président Macky Sall a écouté son ministre et pris connaissance de ses propositions consignées dans un document, sans y donner encore une suite. Mais déjà, certains acteurs, informés de ce projet, s’en offusquent. «Pourquoi soudain, Youssou Ndour vient proposer une réforme avec la proposition d’une agence nationale culturelle sur laquelle il aura forcément une main mise ? Pourquoi cherche-t-il aujourd’hui à obtenir du Président, une réforme au ministère de la Culture, alors que quand il était ministre de la Culture, il n’a jamais fait ces propositions ?», s’interroge l’un de nos interlocuteurs, qui se dit convaincu qu’ «il y a anguille sous roche». D’ailleurs, un autre va jusqu’à noter que cette démarche de Youssou Ndour pourrait mettre mal à l’aise l’actuel ministre de la Culture et de la communication. Puisque cette «injonction», relève-t-il, est une autre façon de «montrer le chemin à suivre à Mbagnick Ndiaye».