La question de financement du sport sénégalais et de gestion des compétitions internationales et n’a jamais été aussi actuelle que durant ces dernières années. La baisse drastique des crédits alloués par les pouvoirs publics a mis à nue les limites du mode de financement face à l’incapacité de satisfaire la forte demande formulée par le mouvement associatif qui englobe plus de 47 fédérations sportives. Sans parler des contraintes qu’imposent les règles de comptabilité publique et de décaissement des fonds étatiques qui ont fini de soulever l’urgence d’un nouveau mode de financement. Dans le diagnostic fait par le mouvement associatif, le règlement des problèmes de moyens et la prise en charge correcte de la demande devrait passer par la création d’une fondation du sport habilitée à capter des fonds publics et privés à hauteur de dix milliards de FCfa par an. Malgré cette option contenue dans les conclusions de la commission de reformes des nouveaux textes du sport sénégalais, la balle reste dans le camp de l’Etat sénégalais et du président Macky Sall qui n’a toujours pas sorti le décret pour la mise en place de cette nouvelle entité.
De la forte demande aux limites de l’arbitrage budgétaire
Faut-il réinventer un nouveau mode de financement du sport sénégalais ? La question a le mérite d’être posé plus de trente ans après la loi 24-59 du 23 mai 1984 portant Charte du Sport. Une question qui est d’autant plus pertinente au regard de la demande toujours aussi forte des fédérations sportives.
Et l’une des réponses qui revient est que l’on ne peut pas développer le sport uniquement par les ressources de l’Etat, principal bailleur, ni par les ressources des sportifs. En effet, les moyens financiers que réclament l’organisation et le développement du sport sont nettement au dessous des nombreuses sollicitations et engagement du Sénégal dans la quasi-totalité des compétitions internationales. Sans parler de la prise en charge du développement du sport à la base.
Comme le résume, Latsouk Faye, «il y a des besoins réels. C’est pourquoi, comme pour l’éducation, il faut une politique hardie. En hissant le drapeau du pays très haut, c’est tout le pays qui en gagne. Le sport amateur ne peut plus produire des résultats par rapport à ce qui se fait dans le reste de l’Afrique et dans le monde. C’est là, toute la problématique. Il faudra tendre vers la professionnalisation du sport surtout pour le sport de haut niveau qui exige des moyens», souligne-t-il.
Il faudra sans doute la conjonction entre l’Etat et du mouvement associatif pour répondre aux besoins et aux défis.
Avec quarante cinq fédérations à gérer, pour administrer et développer le sport, plusieurs options avaient été initiées. En 1994, le ministère du Sport avait ouvert la voie en lançant un système d’arbitrage afin de rationaliser la participation du Sénégal aux compétitions Internationales.
Ce, en complément de cette intervention de l’Etat de manière directe par des rallonges budgétaires ou par des subventions de la Présidence de la République, Primature, etc. Mais aussi des autres méthodes comme la participation de vente et d’achat de cartes de membres ou encore la contribution des mécènes.
Autant de méthodes qui ont tout simplement atteint leurs limites face aux exigences de la haute compétition et les réajustements budgétaires.
«C’est vrai que nous sommes dans un pays à maigres ressources financières. Le budget que l’on doit accorder au sport doit être raisonnable, doit être à la hauteur des ambitions. Le budget n’est jamais suffisant. Le Sénégal étant un pays sous développé. Donc, demander aux fédérations sportives de se financer, ce sera difficile parce qu’ils n’ont pas les moyens et cela pose problème. Ce n’est pas évident que les fédérations sportives puissent le faire. On pouvait tenter d’épauler les fédérations avec des structures qui ont des moyens, c’est plus conséquent et cela éviterait les problèmes de décaissement. Il faut des grandes sociétés qui peuvent inscrire dans leurs lignes budgétaires pour faire face à certains problèmes de sponsoring», campe Lat Souk Faye, ancien trésorier de la Fédération sénégalaise de basket.
Quand la comptabilité publique plombe la haute compétition
La haute compétition bute également sur les règles de comptabilité publique qui se traduit par les problèmes de décaissement lors des campagnes. L’intervention de l’Etat obéit en effet à des règles classiques de décaissement du trésor public. En effet, les dépenses inscrites au sport obéissent aux mêmes procédures d’exécution conformément aux règles de la comptabilité publique. Alors que le financement du sport de haut niveau se caractérise par des actions répétitives, urgentes et ponctuelles et nécessiterait un mode de gestion autonomisée. Ce qui se traduit par les nombreux impairs notés à la veille des compétitions marquées par les problèmes de transports des athlètes et au lendemain de ces joutes, par la récurrente question du paiement des primes.
Le mouvement sportif a toutefois fait le diagnostic. Le problème du sport c’est bien son financement. «Chercher 20 millions au trésor public, c’est parfois un casse-tête. A la fin du mois, on paie les salaires, les fournisseurs, la fondation n’a pas toutes ces contraintes», note Santy Agne, vice-président du Cnoss et par ailleurs, président du Handisport.
Le mouvement associatif table sur 10 milliards par an
«En 2010, le mouvement associatif s’est réuni avec tout ce que le sport sénégalais compte comme sommités. De Lamine Diack en passant par tous les présidents de Fédérations et du ministère des sports. Le diagnostic a été unanime. Au-delà du problème des infrastructures qui étaient du domaine de l’Etat, le gros problème du sport sénégalais c’est son financement. Ce diagnostic est encore d’actualité et il a été rappelé en 2011 lors du conseil du Sport qui a dit que le problème du sport, c’est son financement. Ce qui l’illustre, c’est cette baisse drastique du budget des compétitions internationales. Il y a cinq ans, il était de l’ordre de 2,5 milliards de FCfa. Aujourd’hui, il est de 900 millions de FCfa. Or, les compétitions n’ont pas baissé, le tarif des avions n’ont plus. Cela veut dire concrètement que nous n’avons plus les moyens de notre politique », relève vice président du Cnoss.
S’il a estimé les besoins des sportifs sénégalais à 5 milliards de FCfa pour la couverture des compétitions internationales, il a table sur 10 milliards de FCfa pour booster le sport sénégalais. «Si vous prenez les compétitions internationales, la demande des fédérations, toutes compétitions et toutes disciplines confondues, c’est 4 milliards de FCfa. Si on y ajoute certains besoins de développement local. Si on pouvait avoir demain sur la fondation 10 milliards de FCfa, cela nous permettrait de faire un bond en avant. Dix milliards de FCfa, c’est quoi pour un Etat et pour le secteur privé ? C’est epsilon pour quelqu’un qui veut développer le sport. Commençons pour cela. Nous avons besoin de 10 milliards par an pour régler le problème du sport à la base et des compétitions internationales », confie-t-il, précisant que l’atteinte des 1% du budget national pour le sport sénégalais n’est pas une fixation du mouvement associatif.
«1%, ce n’est pas une fixation du mouvement associatif»
« Le 1%, n’est pas une fixation du mouvement associatif, c’était juste pour dire que nous devons aller au-delà de ce pourcentage. Le mouvement associatif pense que pour régler le problème de manière durable, il faut aller vers 1% du budget au ministre des sports. Nous en sommes très loin. Ce n’est pas progressif et nous sommes loin du compte », confirme le vice-président du Cnoss dont le choix est orienté vers la mise en place de la fondation.
«Le ministère est représenté dans la gestion de la fondation. Cela est géré comme une entreprise privée où le besoin étant exprimé, la procédure étant suivie, les décaissements sont rapides. On ne dira plus qu’il y a des problèmes de billets d’avions parce que l’argent est disponible. On donne le chèque aux Présidents des Fédérations et les corps de l’Etat contrôlent », confie-t-il.
FINANCEMENT DU SPORT SENEGALAIS : Fondation du sport, le choix de la raison
Entre Fonds du développement du sport et la Fondation, le mouvement associatif a déjà fait le choix en optant pour cette deuxième entité. Il sera le meilleur moyen de faciliter la levée les fonds et de régler le problème du financement d’une manière durable. «Il est établi qu’on ne peut développer le sport uniquement par les ressources de l’Etat et non plus avec les ressources des sportif. Il faut donc la conjonction de l’Etat et du mouvement associatif. C’est pourquoi, nous avons réclamé la mise en place d’une Fondation du sport », soutient Santy Agne.
Ancien trésorier de la Fédération de Basket, Latsouk Faye est comme bon nombre de ses paires favorable à la mise en place d’un mécanisme durable qui s’apparenterait à bien des égards à cette fondation. «Quand on était à la fédération sénégalaise de basket sous feu Ibou Diagne, il y avait un fonds de relance. Mais ce fonds n’a pas eu les résultats escomptés. On l’avait fait pour relancer la petite catégorie. On l’a fait deux ou trois ans. Créer un fonds de façon spontanée pour régler un problème ponctuel ne peut pas durer. Ce n’était pas une technique durable. Il faudrait un mécanisme durable permettant aux clubs d’organiser les compétitions toutes les semaines.
Sans de gros moyens ont peut faire jouer régulièrement les petites catégories et prendre en charges les compétitions», fait-il remarquer.
Dans cette perspective, Santy Agne vice-président du Cnoss indique la que fondation est la structure idéale. Selon lui, elle permettra de manière transparente à une société d’investir dans le sport tout en attendant de l’Etat des mesures incitatives. Mais elle devrait contribuer à contourner les problèmes qui plombent aujourd’hui la haute compétition en réduisant les lenteurs du Trésor public. « Si vous mettez de l’argent dans une fondation du sport, cette partie que vous mettez doit être exonérée d’impôts. Ce que l’on attend de l’Etat, c’est qu’il puisse, par des mesures incitatives, pousser le secteur privé à investir dans cette fondation.
Tous les problèmes de primes et de sollicitation du Chef de l’Etat pour lui dire qu’une délégation est coincée doivent être réglés sur la base des ses fonds privés qu’il met dans le sport. Le président de la République sur la base des ses fonds privés qu’il met dans le sport n’a qu’à le transférer dans la fondation.Cela permettra une gestion plus rationnelle, plus équitable et plus transparente. Si vous avez besoin d’envoyer toute de suite une délégation, il y a toute une procédure. Ces procédures sont allégées quand il s’agit d’une fondation. De la même manière, le secteur privé qui met son argent dans la fondation a, au moins, une possibilité de contrôler l’utilisation de son argent dans la fondation dont la gestion est tripartite», dira-t-il, avant de préciser : « la Fondation n’est pas sortie comme cela. Ce sont des sommités du sport, des juristes, des économistes, des professionnels du ministère des Sports, des universitaires, des athlètes, qui ont dit que notre problème peut être réglé par la fondation qui va faciliter la levée des fonds. Nous avons déjà travaillé sur les textes fondateurs. Il suffit simplement que l’on décrète que la fondation existe, que l’on mette en place les organes que l’on fasse appel à des fonds», précise M. Agne.
Le président du Handisport n’a pas manqué de relever le manque d’équité et de rationalité dans l’utilisation des fonds provenant du président de la République. Il arrive à la conclusion que certaines disciplines sont tout bonnement privilégiées par rapport à d’autres.
«Le président, à chaque fois qu’il y a une compétition internationale, est obligé d’intervenir. Cela pose problème car cela ne répond à aucune rationalité, aucune transparence et c’est discriminatoire. Ce n’est pas tout le monde qui a accès aux fonds. C’est évident ! On n’a pas dit égalité mais, équité. Ce que l’on fait pour le football, tout le monde applaudit. Nous demandons équité au lieu d’égalité», dira-t-il, avant de poursuivre : «Les Lionnes du basket qui ont remporté la Coupe d’Afrique ont été décorées. Des championnes d’Afrique ont remporté 6 fois la médaille d’or. C’est le cas de la lutteuse Isabelle Sambou, Bineta Diédhiou. Il y a les médaillés d’or des Jeux africains qui n’ont rien reçu. Ce n’est pas de l’équité !»
Décret d’application : la balle dans le camp du président Macky Sall
Le vice-président du Cnoss est convaincu que la balle est désormais dans le camp du président Macky Sall qui n’a jusqu’ici pas encore pris le décret d’application pour mettre en place la fondation. «L’option d’une fondation a été validée par le ministre des sports et adoptée par le président de la République en plein conseil des ministres. Tout le monde est d’accord sur le diagnostic et pour les solutions. Maintenant, la balle est dans le camp du président de la République qui a dit en conseil de ministre qu’il est d’accord sur la fondation. Il faudra donc l’appliquer.»
COMBLER LE GAP EN INFRASTRUCTURES SPORTIVES : Une autre manière de produire du spectacle et de vendre le sport
La résorption du gap infrastructurel engagée par l’Etat participe au financement du sport. Cette Politique infrastructurelle à tout cas répond à un besoin incompressible du mouvement associatif.
«Le gap est énorme. Depuis l’indépendance combien de stades ont été construits, combien de piscines olympiques, de stadiums, de dojos, de boulodromes, de vélodromes ? Il y a un gap extrêmement profond. Il est heureux que de manière volontaire que le Président de la République ait décidé de combler une partie de ce gap. Il a promis l’arène nationale, il a promis dans le budget de commencer le Palais du sport. Cela est combiné à la réfection de stades que nous voyons actuellement, on est sur le bon chemin », a noté le président Santy Agne vice-président du Cnoss qui est d’avis que les infrastructures contribuent à vendre le sport.
«Il faut dire que les recettes des guichets sont faibles. Combien on paie pour aller regarder un match de football ? C’est 1000 FCfa ! Quand on paie la quotepart aux clubs, qu’est ce qu’ils ont ? Il faut que l’Etat prenne en charge la question des infrastructures et le mettre à la disposition du mouvement associatif. C’est sur cette base là que l’on produira du spectacle et le vendre », explique-t-il. Poursuivant son analyse, «On ne peut pas inverser la dialectique. On prend les infrastructures, on fait les transferts de compétences et on demande aux fédérations de faire du spectacle. La lutte utilise les infrastructures de l’Etat. C’est en multipliant les infrastructures que l’on parvient à faire du spectacle. Les télévisions vont venir. Aujourd’hui, elles n’ont pas encore cette culture. Vous organisez votre spectacle et vous payez la télévision pour qu’elle produise votre spectacle. Il faut renverser cela».