Moins d’une année avant la présidentielle de 2017 (si Macky Sall réussit son référendum), les grands partis qui se partagent l’électorat, depuis 2000, sont traversés de part et d’autre par des « crises » internes qui présagent d’une probable reconfiguration dynamique du champ politique. Du Parti socialiste (Ps) où le parfum de scission entre Ousmane Tanor Dieng (Sg du parti) et Khalifa Sall (maire de Dakar) se sent de loin, à l’Afp de Moustapha Niasse où l’exclusion de Malick Gakou (Sg du Gp) est aujourd’hui consommée, en passant par le Pds de Me Abdoulaye Wade où la fronde de Modou Diagne Fada a fait perdre au parti son groupe parlementaire, voire Rewmi d’Idrissa Seck où la rébellion d’Oumar Sarr n°2 est un véritable défi à l’ancien Pm et maire de Thiès, des leaders aux dents de loups cherchent vaille que vaille à bousculer la hiérarchie dans leur parti respectif. Souci d’alternance générationnelle, luttes de positionnement ou processus irrépressible vers la recomposition de l’espace politique, à la veille de 2017 ! Sud Quotidien pose, dans ce dossier, le débat sur la pomme de discorde entre jeunes leaders aux ambitions parfois démesurées et dinosaures de la scène politique toujours déterminés à s’accrocher au fauteuil de leader de parti. Tout en requérant l’analyse d’observateurs très au fait de la problématique, en l’occurrence Moussa Diaw, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, et Mouhamadou Tidiane Kassé journaliste éditeur et formateur.
RENOUVELLEMENT DU LEADERSHIP AU PS, AFP, PDS.. : La pomme de discorde
La lancinante question du renouvellement des instances ou du personnel politique dans les grands partis au Sénégal n’est pas prête à trouver de sitôt une réponse. Zoom sur ces partis qui ont toujours accaparé l’électorat, depuis la première alternance politique en 2000, et où les divergences et confrontations provoquent parfois fronde, souvent rébellion allant même jusqu’à la séparation. Ps, Afp, Pds, Rewmi…
Même si pour le moment, le maire de Dakar, en l’occurrence Khalifa Ababacar Sall, ne s’est pas clairement déterminé sur sa possible candidature à la prochaine présidentielle, il n’en demeure pas moins que la question semble diviser profondément le Parti socialiste (Ps). L’édile de la capitale sénégalaise est plébiscité par certains membres du parti et même certains observateurs de la sphère politique, comme étant le successeur logique d’Ousmane Tanor Dieng, Sg du Ps, capable de donner du fil à retordre au chef de l’Etat, Macky Sall. Par conséquent, sa candidature est de plus en plus agitée, créant ainsi un certain malaise au sein du parti de feu Léopold Sédar Senghor. Pour le moment, le patron du Ps fait la sourde oreille, laissant entendre que la question de la candidature du Ps à la prochaine présidentielle n’est pas encore à l’ordre du jour. Pourtant, Ousmane Tanor Dieng avait promis de partir et de céder la place aux jeunes. Mais, il est toujours là. En tout état de cause, sa présence à la tête des ‘’Verts de Colobane’’ semble barrer la route au jeune Khalifa Sall, à qui l’on prête une ambition présidentielle, même si il avance à pas feutrés. Ce qui risque de créer un clash entre les deux hommes, si toutefois le Ps décidait de ne pas présenter un candidat contre Macky Sall. Toute chose que récuse ouvertement le député-maire socialiste Barthélémy Dias qui trouve « impensable » que le Ps ne présente pas de candidat en 2017
NIASSE ET GAKOU, LE DIVORCE CONSOMME
Si pour le moment, ce n’est qu’un parfum de clash qui échappe des entrailles du Ps, le divorce est entièrement consommé entre Malick Gakou, actuel président du Grand parti (Gp) et son ancien parti, l’Alliance des forces de progrès (Afp). L’origine de la séparation est liée au soutien sans réserve de l’Afp à l’actuel chef de l’Etat à la prochaine présidentielle, alors qu’il y a des jeunes qui nourrissaient des ambitions présidentielles. En effet, Malick Gakou n’a pas pu avaler la pilule qui lui a été servie par Moustapha Niasse et le Bureau politique dudit parti. L’ex-numéro 2 de l’Afp qui pensait avoir maintenant ses chances à la tête de la formation politique, après l’annonce de son leader Niasse de raccrocher les gants, a vu son rêve foulé au pied. Bonjour la séparation et la création du Grand parti !
FADA, PLUS PROCHE DE LA CREATION DE SON PROPRE PARTI
Ailleurs, notamment au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds), la question de la restructuration du parti a fait des dégâts collatéraux. En effet, même s’il se réclame toujours du parti du « Pape du Sopi », car n’ayant pas été saisi d’aucune notification de son exclusion de la formation libérale, Modou Diagne Fada paie en ce moment sa volonté de procéder à une alternance générationnelle. Leader des «frondeurs» du Pds, qui réclament vaillent que vaillent une refondation du parti, Fada est aujourd’hui beaucoup plus proche de la création de son propre parti, que de vouloir éjecter Abdoulaye Wade de son fauteuil de secrétaire national du Pds. D’ailleurs, il a fait remarquer ressèment dans les colonnes de Sud Quotidien, que cette option est périlleuse et moralement difficile. En tout état de cause, Fada est «vomi» par ses camarades du Pds, car étant considéré comme la «botte secrète» du régime en place, pour déstabiliser le Pds. Au-delà du cas Fada, il importe de signaler qu’au lendemain de la défaite électorale de 2012, moult responsables libéraux ont choisi de quitter la barque libérale pour créer leur propre parti et voler de leurs propres ailes, à l’instar d’Abdoulaye Baldé, Pape Diop, Souleymane Ndéné Ndiaye, Aliou Sow…
LE «VAIN» COMBAT D’OUMAR SARR N°2
Au parti Rewmi, même si la donne n’est pas de la même envergure qu’au niveau des autres partis vu l’âge avancé, il n’en demeure pas moins que la question de la refondation n’a pas épargné la formation politique d’Idrissa Seck. Accroché jalousement à sa place de leader de Rewmi, l’ancien Pm d’Abdoulaye Wade ne compte pas céder son «fromage» à Oumar Sarr n°2. Ce dernier qui dit être porté à la tête du groupe de refondation de Rewmi, s’est fixé comme objectif, avec ses camarades, de démettre Idrissa Seck de son poste de président de Rewmi. Cela, selon lui, pour remettre le parti sur les rails, après avoir constaté d’une part une certaine léthargie, de l’autre un manque de démocratie à l’interne. Ce qui semble être une bataille «perdue» d’avance, quand on constate la forte présence du président du Conseil départemental de Thiès sur le terrain politique, avec des attaques très sévères contre le régime de Macky Sall. En tout cas, la résolution des ténors, de se faire une place au soleil, est l’un des facteurs déterminants de l’implosion des partis au Sénégal.
MOUHAMADOU TIDIANE KASSÉ JOURNALISTE ÉDITEUR ET FORMATEUR : «On va assister... à une recomposition des hommes politiques»
Le journaliste éditeur, consultant Média et formateur, Mouhamadou Tidiane Kassé, apporte ici des éclairages sur les luttes de positionnement interne qui secouent certains grands partis politiques. Et, c’est pour mettre en garde les responsables de ces formations politiques en faisant remarquer que l’issue peut être une radicalisation plus poussée en interne ou bien, dans les cas extrêmes, une rupture tout simplement. Qui plus est, Mouhamadou Tidiane Kassé révélera qu’en perspective de la prochaine présidentielle, on va assister à une recomposition des hommes politiques plus… qu’une recomposition politique
«C’est trop fort de parler de crise au sein des partis. On assiste plutôt à des luttes de positionnement internes aux partis, dont l’issue peut être soit une radicalisation plus poussée en interne soit, dans les cas extrêmes, une rupture. Ces phénomènes ne sauraient surprendre au regard du contexte politique actuel. On ne s’en rend pas encore compte de manière franche, mais on est déjà engagé dans une année pré-électorale. Avec la présidentielle qui s’annonce pour 2017, les luttes de position vont s’affirmer. Et beaucoup de partis risquent d’être d’autant plus secoués que les lignes de mobilisation actuelles sont floues. Entre un alignement sur le pouvoir et une opposition radicale, la ligne de démarcation n’est pas toujours nette. Un autre élément risque de jouer : c’est la manière surprenante dont Macky Sall a pris le pouvoir en 2012, avec un parti qui n’avait que trois ans d’existence. Cela démontre la faiblesse des appareils existants et confirme le fait que le vote déterminant s’affirme hors de l’espace politique formalisé. Ce fait peut pousser beaucoup d’hommes politiques à tenter le coup, à penser que le moment peut leur être favorable, qu’il leur est possible de surfer sur le mécontentement ambiant des Sénégalais.
En perspective de la prochaine présidentielle, on assistera plus à un jeu de chaises musicales qu’à une recomposition de la classe politique. Les gens vont essayer de se positionner tout en veillant à ne pas trahir leur ligne idéologique. C’est difficile, mais le fait est facilité par la capacité d’adaptation dont les hommes politiques font aujourd’hui montre. Tout le monde dérive aisément vers le centre que représente le pouvoir. Et plus qu’une recomposition politique, on va assister, comme à chaque élection, à une recomposition des hommes politiques ».