L’ancienne ministre libérale résiste aux sirènes du pouvoir. Et d’autres forces politiques. Ngoné Ndoye, annoncée moult fois aux côtés de Macky Sall, préfère gérer son association Femmes, enfants, migrations et développement communautaire (Femidec). Elle parle de l’Acte 3, du Haut conseil des collectivités territoriales, des deux députés devant revenir aux Sénégalais de l’extérieur, de la libération de Oumar Sarr et de son espoir de voir Karim Wade le suivre hors des ténèbres de la prison.
Vous avez dit à l’émission Grand jury de la Rfm : «Je ne suis ni à l’Apr ni au Pds.» Alors, vous êtes où ?
Je suis à la maison et à la disposition de mon pays. Je préside une association dénommée Femmes, enfants, migrations et développement communautaire (Femidec) qui travaille dans les domaines concernant la femme, qui s’occupe de toutes les questions de prise en charge sociale des enfants, du droit des enfants migrants, des enfants nés sur le territoire d’origine comme ceux nés dans le pays d’accueil. Femidec s’intéresse aussi au retour des émigrés et surtout à l’ancrage des populations pour éviter l’émigration clandestine et ramener tous les Sénégalais dans leur localité de départ.
Donc, vous ne retournerez jamais au Pds et vous n’irez jamais à l’Apr ?
C’est vous qui utilisez le mot jamais, ce n’est pas moi. Je ne suis pas restée au Pds parce que j’ai eu une blessure. Je ne suis pas à l’Apr parce que je ne vois pas l’utilité de quitter une formation pour une autre. Même si, pour moi, le Pds et l’Apr sont des partis libéraux, donc de la même famille. Je suis une femme politique par essence, par ses actions, par sa vie, par son esprit. Je reste donc à œuvrer avec d’autres canaux pour le mieux-être des populations.
Aujourd’hui, est-ce qu’on peut s’attendre à voir Ngoné Ndoye lancer son mouvement politique ?
Peut-être pas un mouvement politique. Mais il faut s’attendre à ce que je puisse conduire ou accompagner une liste indépendante pour les Législatives. Je suis de plus en plus convaincue qu’il nous faut au Parlement, une liste neutre qui ne soit arrimée à aucun parti structuré et qui soit le réceptacle de beaucoup de personnes qui ont besoin d’une relecture des lois ou d’un recadrage de programme républicain, laïc et institutionnel et en conformité avec notre religion et notre culture. Il faut aider les Sénégalais à recadrer ce qu’ils sont en train de vivre et qu’ils ne comprennent pas.
Qu’est-ce qu’ils sont en train de vivre ?
Aujourd’hui, il y a la question d’homosexualité qui est brandie, la laïcité qui ne dit pas son nom, tous ces guides religieux qui ont des problèmes avec les Daaras (écoles coraniques), les talibés, leurs marabouts, etc., qui ont des difficultés pour mettre en corrélation ces lois islamiques et les lois républicaines. Nos institutions nous viennent surtout de l’extérieur sans aucune dose culturelle africaine. Toutes ces femmes sans voix se sont battues pour arriver à la parité et être dans les instances de décision.
Ce que je voudrais, c’est qu’on remette sur la table tout ce programme, y compris le code de la famille, celui du travail, tout ce qu’on a pu voter à l’Assemblée nationale. Nous ne sommes pas obligés d’être régis par cette mondialisation où nous n’avons point notre parole. En réalité, nous avons fait la République sans les guides religieux. Ce qui fait que cela ne marche plus et cela ne peut pas marcher. On nous disait que Senghor allait dans les mosquées écouter les sermons.
Est-ce la dernière marche contre les homosexuels réprimée qui vous le fait dire ?
Lorsqu’on a commencé à faire tomber nos dogmes, nos mythes, nos valeurs, à réduire à néant ce à quoi nous croyons, je me suis dit qu’on est en train de préparer quelque chose. Ce qui me choque, c’est lorsqu’on a commencé à assimiler les serigne daara (marabouts) à des pédophiles, des violeurs. Même si c’est vrai, ce n’est même pas une goutte d’eau. Je ne dis pas que c’est bien, au contraire. C’était tout de même une cabale et cela doit faire réfléchir. Nous commençons à avoir un libertinage plutôt qu’une liberté. La manière dont s’habillent nos jeunes choque tout le monde. Que ce soient des jeunes garçons efféminés ou des jeunes filles complètement nues avec des jumbax out et presque toutes les parties en l’air, cela est choquant et ne nous ressemble pas.
A qui la faute pour vous ?
La famille a été absente parce que les parents vont au travail, choisissent de s’isoler dans des appartements, alors que nous sommes une famille africaine sociale. C’est ce qui a créé l’exode rural, au détriment de l’agriculture, de l’élevage, etc. Donc, c’est tout un processus qui a été programmé, élaboré, fait exprès par un système à revoir et à remodeler. Aujourd’hui, quelqu’un peut venir dans un quartier y habiter, vaquer à ses occupations, sans être identifié. On ne sait pas d’où il vient, comment il vit et c’est bonjour le terrorisme, le banditisme et les dégâts.
Voulez-vous dire qu’avec les habitudes peu prudentes des Sénégalais, notre pays est menacé par le terrorisme ?
J’ai une conception du terrorisme qui n’est pas forcément la vôtre. Je pense que le terrorisme dans le monde est le résultat de frustrations, d’ingérence dans l’affaire des autres. Le terrorisme nous vient, dit-on, d’un islamisme radical qui peut choquer par certains comportements dont j’ai parlé. Il est resté en notre sein, nous en tant que population, nous devons en prendre garde parce que justement les gens se sont efforcés à mettre certains Sénégalais au-dessus d’autres. Certains vivent mieux pendant que d’autres triment et se fatiguent.
Les inégalités aussi sont une source du terrorisme...
Pour moi, il y a plusieurs types de frustrations et de terrorismes. Au Sénégal, c’est le terrorisme qui ressemble un peu à l’attaque de Charlie Hebdo et au Bataclan, etc. c’est de cela que nos autorités parlent. Ce terrorisme n’est pas à nos portes parce que c’est une réponse qu’on a servie à des Occidentaux qui ont participé ou participent encore à une guerre qui n’est pas la leur.
Sauf qu’ils ne tuent pas que des Occidentaux maintenant...
J’ai pris un exemple précis. Et justement, à mon avis, ces attaques sont une réponse à l’action de la France en Syrie. Je peux me tromper mais c’est ma conviction. Et donc ils ont dit : «Vous avez lancé des drones et amené des avions. Nous aussi, nous allons vous faire mal avec nos moyens.» Si maintenant le Sénégal pense qu’il est en danger à cause de cela, c’est parce qu’il veut se mettre tout seul dans cette affaire. Mais le Sénégal n’a même pas les moyens de combattre ce terrorisme. Il y a des personnes qui circulent librement dans nos sociétés, qui parlent à nos enfants, nos sœurs, nos imams et qui parfois offrent même des mosquées. C’est cela qui devrait plutôt nous inquiéter.
L’Etat surveille certains sermons de nos imams, comme l’avait annoncé le président de la République...
Cela, c’est le rôle des Républiques islamiques. Le Sénégal n’en est pas une. Voilà pourquoi je suggère qu’on revisite les lois qui nous régissent. Le Sénégal est à un moment de brainstorming pour ne pas perdre son identité culturelle, sa foi, ne pas se laisser emporter par cette vague de mondialisation qui ne dit pas son nom.
Pour vous, nous sommes embarqués par les Occidentaux dans cette lutte contre le terrorisme ?
Nous sommes emportés par tous ceux qui nous fournissent des informations. Nous consommons des informations préparées et livrées ? C’est le cas aussi quand des terroristes attaquent le Mali, ou le Burkina il y a quelques jours ?
Il y a des attentats dans des hôtels où on a ciblé généralement des personnes qui étaient de couleur différente.
Ils tuent aussi des musulmans et des noirs...
Je pense qu’il y a un déséquilibre mondial qu’il faut réajuster. Je reviens à cette question parce que j’y crois. Le Sénégal est un havre de paix. Nous avons un legs à préserver. Quand on parle de «niane (prières de nos ancêtres et guides)», ce n’est pas la fatiha. Mais un comportement, un savoir-être, une manière d’exister. Nous avons su, depuis l’aube des temps, vivre avec nos différences et nous réussissons à mettre tout le monde à l’aise. Nous pouvons continuer ainsi à être assez vigilants, à ne pas choquer, à ne pas stigmatiser. L’important, c’est qu’aucun terroriste ne peut réussir au Sénégal s’il n’y a pas des complices. Donc, battons-nous pour que nos enfants, nous-mêmes les familles ne soyons pas des complices. Ceux qui ont en charge de gérer le pays n’ont qu’à s’occuper des questions de Sécurité nationale. Nous autres, notre rôle c’est d’alerter, de veiller, mais de ne pas stigmatiser.
Parlons des migrations. Est-ce que les jeunes que l’Occident refuse d’accueillir représentent une menace pour le terrorisme ?
Je vous ai parlé de frustrations. On accuse l’Occident de beaucoup de maux et j’ai utilisé le mot «ingérence». Si aujourd’hui nous connaissons toute cette ruée par la Lybie vers l’Europe, c’est parce que Kadhafi est tombé. Et pourquoi est-il tombé ? Parce qu’il y a l’ingérence des Occidentaux. Aujourd’hui, il y a toute cette ruée d’Arabes provenant de la Syrie vers l’Europe. Si aujourd’hui les Africains noirs ont décidé de braver le désert du Sahara pour aller en Europe, continuent de briser les barrières, c’est parce qu’ils sont convaincus que dans nos politiques intérieures, tous les capitaux sont détenus par l’Occident et qu’ils n’ont aucune chance de trouver un emploi. C’est une frustration profonde chez les jeunes. Il faut rester vigilant, savoir communiquer et gérer cette frange de la population qui est aujourd’hui très au fait des nouvelles technologies, donc de potentielles victimes. On peut les enrôler par la religion ou par cet engagement populiste. Et donc il revient à chaque pays de mener des politiques pour ramener la sérénité dans nos berges, cultiver l’espoir pour ces jeunes et les inciter à venir travailler plutôt que de se battre avec le terrorisme par les armes. Cela passera par la redistribution des ressources, le respect de l’autre.
Revenons à la politique. La presse avait fait état de votre probable transhumance vers l’Apr et Fekké ma ci boolé, le mouvement de Youssou Ndour. Expliquez-nous ?
(Rires) Ce serait dangereux pour une femme comme moi, qui a fait de la politique depuis l’âge de 15 ans et qui a vraiment rampé… (elle ne poursuit pas). Il est très rare de voir une personne partir de la base pour arriver au sommet. La majorité des personnes, qui aujourd’hui font de la politique, sont parachutées par des postes et ont dû retourner pour chercher une base politique. En revanche, moi j’ai commencé par le bas de l’échelle. Ce qu’on ne comprendrait pas, c’est que personne ne vienne me solliciter.
C’est-à-dire ?
Après la défaite du Président Wade avec qui je travaillais, si j’avais des difficultés et que personne ne soit venu me voir pour me demander de travailler avec lui, c’est cela qui devait créer des problèmes. On dirait que c’est parce qu’elle a très mal travaillé. C’est normal que les gens viennent me voir.
Sont-ils nombreux, ceux qui sont venus vous voir ?
Bien sûr, beaucoup sont venus me voir. Presque tous.
Même le Président Macky Sall ?
Oui, j’ai dit au président de la République que j’étais blessée. En fait, quand il m’a appelée, c’était juste au début de mes problèmes avec Wade. Je lui ai dit que je préfère aller panser mes blessures. Wade m’a tout donné. Avec lui, j’ai occupé tous les postes. Il m’a permis d’exercer le pouvoir et de me former. S’il y a un problème avec lui, je ne peux pas courir tout de suite et dire que je m’en vais. Il fallait que j’attende ce qui allait se passer. C’est justement durant cette période que j’ai commencé à étudier la situation politique. Avec des organisations religieuses et communautaires, des associations d’artisans et de transporteurs, je me suis rendu compte que mon rôle n’était plus dans les partis politiques, d’avoir un poste et l’exercer. Ma mission était plutôt de redresser la barre parce que je voyais que les choses changeaient parce que les hommes politiques qui avaient de la valeur, de l’éthique et qui étaient respectés, ont commencé à changer de comportement. Sur les plateaux de télés, ils ont commencé à se crêper les chignons et à se traiter de tous les noms d’oiseaux. Les autres sont entrés dans cette brèche pour les discréditer aux yeux de l’opinion. J’ai vu que la Société civile qui, normalement, devait être un arbitre et devait accompagner tous les processus de développement, a commencé à vouloir exercer le pouvoir.
L’actuelle ou l’ancienne Société civile ?
Je parle d’une certaine Société civile. Je ne veux jeter la pierre à qui que ce soit ; je souhaite que les choses aillent bien. J’ai vu également que certaines populations restent toujours sur leur faim en criant tout le temps : «Nous avons aidé à votre élection mais nos problèmes restent entiers.» Donc, cela veut dire qu’il y a un problème de prise en charge de certaines questions ou il y a un problème de communication entre les décideurs et ceux pour qui, ils prennent des décisions. En somme, j’ai choisi mon camp. C’est celui de pouvoir me prononcer sur des questions importantes à chaque fois que de besoin mais en ayant de parti que le Sénégal.
C’est ce que disent tous les politiciens…
Je suis d’accord. Mais je demande à Dieu de vous donner une très longue vie pour pouvoir comprendre ce que je dis. C’est sincère en moi. Dans mon engagement politique, Dieu m’a aidée. J’ai exercé le pouvoir. Mais la plupart du temps, j’ai accompagné des populations sans avoir un quelconque poste. Et je continue de travailler avec elles.
Voulez-vous dire que vous êtes déçue par ceux qui combattaient Wade au nom de la Société civile et qui exercent aujourd’hui le pouvoir ?
Ce n’est pas que je suis déçue. Vous savez, il y a certains mots qui choquent pour rien. Le Sénégal est un et indivisible et a besoin de tous ses fils, hommes politiques et Société civile d’alors, d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi je suis contre le concept de «Nouveau type de Sénégalais», mais je le prendrais avec toute sa valeur, son histoire et sa culture,…
Donc vous êtes contre le concept du «Nouveau type de Sénégalais» défendu par le mouvement Y’en a marre ?
J’aurais mieux aimé que nous soyons dans l’authenticité du Sénégalais, l’ancien avec son ancrage culturel.
Mais ce mouvement promeut des valeurs…
C’est tout ce que je veux dire. Dès lors qu’on parle de «nouveau type», c’est comme si l’ancien était mauvais. J’aurais souhaité qu’on harmonise les termes que nous utilisons. Ils doivent tenir compte de cet ancien Sénégalais. Tous ont une expérience, un savoir, une détermination et ont envie que le Sénégal aille de l’avant. C’est pourquoi, je suis contre le fait de dire que les gens du Pds ne sont pas utiles, ce sont des voleurs et les autres sont bien. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas possible ! Je me tue à dire au Président Sall de tout faire pour entrer en contact avec le Président Wade afin qu’on décrispe l’atmosphère politique. Il est heureux qu’il ait compris ce message que j’avais déjà lancé il y a quelques jours (Ndlr: lors de l’émission Grand jury de la Rfm), puisque Oumar Sarr a été libéré tous comme des jeunes du Pds qui étaient en prison. Je remercie et félicite très chaleureusement le chef de l’Etat pour cette décrispation. C’est dans la stabilité et la sérénité qu’on peut développer ce pays. Espérons que Karim Wade sera le prochain à recouvrer la liberté. Le Président peut le faire car il en a les prérogatives.
Vous dites que vous avez de l’expérience et que vous êtes au service du Sénégal, si on vous propose un poste, allez-vous l’accepter ?
D’abord, je ne cherche pas de postes. En réalité, je servirai mieux mon pays en étant libre. Ce qu’il faut éviter, c’est de prendre des postes et de tomber dans des travers d’administration, d’exclusion, de vouloir signer un document, d’être dans des travers de jalousie. Ce sont des choses qui vont vous retarder. Et moi je suis à l’aise dans cette posture. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons réaliser sans être dans un gouvernement. Alors, le président de la République gagnerait à pouvoir fructifier tous ces Sénégalais valeureux et à ne pas en faire des membres de son parti, de son gouvernement,… Ce ne sera plus désormais possible. Wade l’a dit : aucun candidat ne sera plus élu à plus de 25% parce qu’il y a tellement de personnes, de courants, de partis, d’associations, et chacun va obtenir quelque chose.
Vous voulez dire que Macky Sall n’aura pas 25% lors de la prochaine Présidentielle ?
Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Ses 25% l’ont amené au Palais. C’était largement suffisant. C’est pour vous dire que c’est simplement ce qu’il faut parce que tout le reste est un additif de coalitions. Macky Sall n’ira pas seul mais avec une coalition. Donc, s’il conserve ses 25%, il pourra compter sur la coalition qui va le maintenir au pouvoir.
En tant qu’ancienne sénatrice, le Haut conseil des collectivités territoriales serait-il un «Sénat bis» comme certains le pensent ?
Pourquoi vous dites «territoriales» et non «locales» ?
C’est le Président qui le dit dans son projet de réformes…
Voilà pourquoi je ne suis pas d’accord avec l’Acte 3 de la décentralisation qui ne rend pas le pouvoir aux populations. Cette réforme renforce plutôt les pouvoirs de l’Etat. Les collectivités territoriales sont une administration territoriale. C’est revenir au centralisme d’Etat. Et cela me choque. J’avais dit qu’il fallait qu’on reporte les élections locales. Je n’y ai pas participé par principe. Je vous ai dit que tout ce que j’ai fait, vous aurez le temps de voir que c’est par principe que je le défends. Vous ne pouviez pas aller aux élections avec l’Acte3 tel que conçu. Ils ont été aux élections locales avec l’Acte 3 et le résultat est connu. Aujourd’hui, ce qui crée des problèmes au Président à Dakar, c’est Taxawu Dakar qui a profité des frustrations nées de l’Acte 3.
Vous insinuez que c’est Khalifa Sall, parce que c’est lui qui dirigeait Taxawu Dakar ?
Je ne personnalise pas le débat. Si Taxawu Dakar existe aujourd’hui, c’est parce qu’il y a eu des manquements dans l’Acte 3 qui ont créé des frustrations jusqu’à ce que les gens se barricadent parce qu’il y a des difficultés avec le personnel communal et son administration qui devait être le premier partenaire de cette réforme. L’Etat central a dû payer toute l’année dernière, les salaires des personnels et ce n’était pas prévu. Les collectivités ainsi créées ne peuvent pas supporter car, elles n’ont pas assez de ressources pour le faire. Pis, ce qui me gêne, c’est que l’Etat se substitue aux collectivités locales. Un Etat ne construit pas des logements sociaux. Dans tous les pays du monde, ce sont les maires qui construisent des Hlm parce que ce sont eux qui savent qui est dans le besoin social. Cela leur permet d’ailleurs de renflouer leurs caisses.
Revenons au Haut conseil des collectivités territoriales.
Dans l’Acte 3, dites-vous bien que c’est une départementalisation puisque les régions n’existent plus en tant qu’entité ou collectivité locale. Mais, elles sont remplacées par des Pôles régionaux qui seront régis par une autorité. C’est-à-dire, tout ce qu’on a donné aux populations comme pouvoir décentralisé est récupéré au niveau régional par l’autorité centrale. Je vous ai dit que l’Acte 3 n’est qu’un retour à l’Etat central. Ce sont ces pôles régionaux où on mettra un fonctionnaire de l’Etat qui sera lui-même sous les ordres du président de la République. Pour répondre à votre question, ce futur Haut conseil des collectivités territoriales ou sénat va, fort heureusement, permettre aux élus au moins d’avoir une tribune pour s’exprimer. C’est en cela que le Haut conseil est important. Puisqu’on leur a pris les régions, il faut qu’on leur redonne la parole. Je pense qu’ils vont se battre à ce niveau-là pour qu’on puisse, au niveau des pôles régionaux, mettre un conseil d’élus plutôt que de mettre un seul fonctionnaire qui va diriger.
C’est un sénat ?
Ça peut-être un sénat, et je vous rappelle que je ne suis pas contre un sénat. En tout cas, c’est important que les élus aient une chambre. Ils sont l’émanation de la base, de la population. On parle de cumul de fonctions, mais pour moi, député-maire ou sénateur-maire, cela ne fait pas partie des cumuls de fonctions, encore moins être membre de ce Haut conseil et maire, parce que c’est la suite logique de l’existence même des conseils locaux.
Les deux députés réservés à la Diaspora, qu’est-ce que vous en pensez en tant qu’ancienne ministre des Sénégalais de l’extérieur ?
Ils avaient déjà des députés qui étaient sur les listes des différents partis parce que chaque parti avait la latitude de mettre sur ses listes des députés issus des Sénégalais de l’extérieur. Si aujourd’hui on met directement des députés qui vont aller en quête de suffrages, c’est une bonne décision, mais qui est plus politique qu’autre chose. La nouveauté, c’est que les candidats vont devoir battre campagne. Cependant, si on les met d’office sur la liste nationale, c’est plus sûr. Mais si, par extraordinaire, on les battait, le parti perdrait toute forme de représentation des Sénégalais de l’extérieur à l’Hémicycle.
Vous voulez parler du mode de désignation des députés de l’extérieur ?
Oui, parce que c’est cela qui peut créer des problèmes. S’ils ne sont élus que par leurs confrères, quelque part, il n’y aurait pas de représentation. L’un dans l’autre, je pense que c’est un risque qu’il faut prendre, c’est la démocratie.