Débarqué de la tête du gouvernement, Abdoul Mbaye avait créé le Club travail et vertu. Il était alors surveillé de près par un pouvoir qui voyait en lui un potentiel adversaire qui se positionnait. Mais depuis lors, sa structure semble être un mort-né. En plus d’avoir rencontré récemment le président de la République, on apprend qu’il est retourné dans le monde des affaires. De quoi s’interroger sur ce qui était vu comme le début d’une nouvelle vie politique.
L’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye a créé une entreprise qui a obtenu le statut Casablanca Finance City (CFC). La société dénommée Helix International Africa & Middle East est le fruit d’un partenariat avec d’autres hommes d’affaires répondant aux noms de Denis Chabaneix, Florian Sabbag et Samir Agoumi, d’après le site marocain challenge.ma. La ‘’structure spécialisée dans le conseil stratégique et financier cross border accompagne les entreprises de toute taille, les gouvernements et les institutions financières’’, précise le support. Comprenant que le Maroc est un hub régional pour les affaires en Afrique, l’ex-PDG d’Attijari Sénégal et ses partenaires ont choisi le royaume chérifien, afin de ‘’conseiller les entreprises africaines mais également européennes dans leur stratégie internationale, tout en apportant des solutions de financement grâce à un réseau d’investisseurs en dette ou en capital’’.
Cette information remet l’ancien Premier ministre au-devant de la scène, après ce qui semble être l’intermède Club travail et vertu. En effet, après avoir quitté la Primature, le fils de Kéba Mbaye avait donné l’impression de vouloir se positionner, en mettant en place ce cadre de réflexion. Club travail et vertu voulait rénover et moderniser le débat d’idées fait d’insultes et d’injures. Et dès sa naissance, la structure avait attiré l’attention des autorités, du fait de sa composition faite d’éminentes personnalités du pays.
Abdoul Mbaye, président du conseil d’administration, le poste de premier vice-président était revenu à Amadou Lamine Niang, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Dakar d’alors. Mamadou Ndoye, un proche d’Abdoul Mbaye, avait été choisi comme second vice-président. Parmi les personnalités devant animer le club, on y avait noté un autre ancien Premier ministre, Mamadou Lamine Loum, Cheikh Tidiane Mbaye, petit frère d’Abdoul Mbaye et ancien Directeur de la Société nationale des télécommunications et membre du CA de France télécom, depuis son départ de la filiale sénégalaise. De même qu’une autre personnalité et pas des moindres, Youssou Ndiaye, un magistrat à la retraite et ancien ministre des Sports.
Face à ce parterre de personnalités, le pouvoir n’a pu s’empêcher de le considérer comme un potentiel adversaire. D’où une étroite surveillance. En fait, ce club a été considéré comme l’acte 1 de la création d’un parti ou du moins d’une entité pouvant porter sa candidature. Cette suspicion était d’autant plus grande que le discours d’Abdoul Mbaye, lors du lancement du club, ressemblait fort à un positionnement. Le banquier y avait fait une analyse très critique de la situation du pays, non sans oublier de faire porter la responsabilité, en grande partie, aux gouvernants, sans toutefois oublier la société dans son ensemble.
D’après lui, détournement de deniers publics, gabegie, prééminence de l’intérêt particulier sur le général, distribution de prébendes, règlement des problèmes des parents et amis sont presque les priorités des gouvernants. ‘’Le Sénégal est un pays où le terme ‘’Nguur’’ signifie à la fois pouvoir et jouissance’’, se désolait-il. Estimant que les Sénégalais travaillent peu, il ajoutait : ‘’Nous sommes l’un des pays où il y a le plus de jours fériés au monde’’. Les nombreux retards au travail, particulièrement dans l’administration, n’avaient pas été oubliés.
Le Club travail et vertu : un mort-né
Face à une telle composition et un tel discours, il était de fait devenu l’une des cibles du pouvoir, sachant qu’il avait quitté la tête du gouvernement presque poussé par un ministre à la notoriété grandissante et qui était presque sûr d’être son successeur. D’après nos informations, le pouvoir lui avait collé quelques éléments des services de renseignements. Et on se rappelle qu’un de ses proches collaborateurs a été cambriolé et son ordinateur volé. Abdoul Mbaye avait soupçonné les services du pouvoir, nous dit-on ; et s’était senti directement visé. Ce qui avait créé un malaise avec les gouvernants.
Mais le club du banquier n’a jamais vraiment fonctionné. Sitôt il est né, sitôt il est tombé en léthargie. N’empêche, des groupes constitués sont venus le voir pour faire de lui leur candidat. Un auditeur du soir, qui a assisté à une des scènes, affirme que M. Mbaye ne se montrait ni intéressé, ni indifférent. ‘’Il se contentait d’un sourire indécis. Il n’a pas dit s’il était partant ou non. Ce qui a ajouté au mystère’’, confie-t-il. Pourtant, il y a juste quelques jours, il a rencontré le président de la République. Une rencontre interprétée comme une séance de décrispation. Si l’on apprend en plus qu’il est allé investir au Maroc, on peut alors se demander s’il s’agit d’un renoncement à ses supposées ambitions ou alors d’un différé. Le constat est qu’il semble avoir renoncé au débat d’idées. En attendant… !