Les députés de l’opposition, membres du groupe parlementaire des « Libéraux et démocrates » version Aïda Mbodj, ont repris hier, jeudi 21 janvier, leur croisade contre la reconnaissance du groupe parlementaire de Modou Diagne Fada. Lors de ce second passage du gouvernement à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité, Aïda Mbodj et compagnie ont notamment manifesté en usant de brassards rouges avec lesquels ils se sont bandés la bouche pour dénoncer leur mise à l’écart dans la prise de parole, lors de cette plénière.
La bataille opposant, depuis le début de l’année parlementaire, les députés libéraux pro-Modou Diagne Fada, président du groupe parlementaire des « Libéraux et démocrates» et les partisans du député Aïda Mbodj, nouvelle présidente désignée par Me Wade s’est encore invitée hier, jeudi, à l’hémicycle lors du deuxième passage du gouvernement à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité. En effet, se disant privée de parole lors de cette session, la bande à Aïda Mbodj, accompagnée de leurs collègues députés non alignés, du Rewmi, de l’Ucs, de Bokk Gis Gis et Me El hadj Diouf qui continue de clamer son appartenance au groupe de la majorité, ont arboré des brassards rouges avec lesquels ils se sont bandés la bouche, en signe de protestation.
Loin d’en rester là, ces députés ont également tenu à faire attendre leur cause durant les travaux de la plénière. Aussitôt après que le président Niasse a déclaré l’ouverture de la plénière et annoncé la lecture de la liste des orateurs, Aïda Mbodj a demandé à prendre la parole. Refus catégorique du président Niasse qui rétorque en évoquant les dispositions du règlement intérieur. Mais, la détermination de la présidente du Conseil départemental de Bambey à prendre de force la parole a fini par installer la cacophonie puisque le député Me El Hadj Diouf ne va pas tarder à sortir de sa réserve. «Donnez-nous la composition du groupe de l’opposition. Le groupe à Fada ne fait pas 10 députés. Pourquoi l’opposition n’a pas la parole pour poser des questions. En bas la fuite en avant ! Quelle Assemblée nationale ! Assemblée partisane et non nationale. Non à la dictature ! Non au putsch parlementaire. Je suis de la mouvance présidentielle, je soutiens le gouvernement, le président de la République mais je suis pour la défense des minorités», a tonné Me Diouf.
Abondant dans le même sens, dans un grand tintamarre, Thierno Bocoum du Rewmi prend alors la parole de force à son tour pour demander la restauration du dialogue à l’Assemblée nationale. «Nous avons des questions à poser à Monsieur le président. Nous sommes en démocratie. Nous continuerons à nous opposer. L’opposition doit avoir son groupe parlementaire». C’est dans cette cacophonie qu’Ameth Suzanne Camara (ni député ni ministre, simple membre de l’Apr venu assister en citoyen au débat parlementaire), visiblement agacé par les protestations de l’opposition, se lève de la loge réservée aux invités pour lancer des insultes indicibles au député El Hadji Diouf.
Prenant la parole par la suite, le Premier ministre tente de jouer la carte de l’apaisement. «Je pense aussi que votre gouvernement mérite votre respect», a-t-il dit en s’adressant au groupe des protestataires qui a visiblement compris puisque ses membres ne vont pas tarder à bouder la salle. Dans son mot de clôture de la session, le président de l’Assemblée nationale, expliquant qu’il a délibérément choisi de ne pas expulser les perturbateurs, comme le l-y autorise le Règlement intérieur, a toutefois décrié ce comportement qui ne permettra jamais, selon lui, à leurs auteurs de perturber le travail de l’Assemblée nationale. «Ça ne sert rien. C’était facile pour moi, en vertu du Règlement intérieur de faire expulser les collègues. J’ai préféré recourir à la sagesse jusqu’à ce que les concernés décident de partir d’eux-mêmes».
REACTIONS… REACTIONS… REACTIONS…
PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE : Niasse a rendu son avis à Macky, mercredi
Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale a déjà donné son avis au chef de l’Etat sur le projet de révision constitutionnelle. La révélation a été faite hier, jeudi, par le patron de la représentation parlementaire lui-même qui a informé avoir rendu cet avis par écrit avant-hier, mercredi, après avoir été saisi, conformément à l’article 51 de la Constitution. « En ma qualité de président de l’Assemblée nationale, j’ai accompli ce devoir républicain (…) Je lui ai donné mon avis par écrit depuis hier (mercredi-ndlr), en gardant à l’esprit l’intérêt général et la volonté de modernisation de notre régime politique qui anime le président de la République », a notamment dit Moustapha Niasse. Le numéro 2 du régime dans l’ordre protocolaire s’exprimait en fin de séance, lors du passage du Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne et son gouvernement à l’Assemblée nationale pour des questions d’actualité. Moustapha Niasse s’est félicité d’ailleurs de cet exercice parlementaire intervenu dans un contexte marqué par l’introduction d’une palette de réformes visant à réviser plusieurs articles de la Constitution. « Dans la forme comme dans le fond, l’Assemblée nationale occupe une place de choix dans le processus », a souligné M. Niasse. Pour information, au-delà de sa mission classique de vote des lois et de contrôle de l’action et des politiques publiques, il est dévolu à travers le projet de révision constitutionnelle un nouveau rôle à la représentation parlementaire qui est d’évaluer ces politiques du gouvernement.
THIERNO BOCOUM, DEPUTE REWMI : « Ce qu’on nous joue ici, c’est du théâtre »
Nous sommes venus pour réclamer notre droit, celui de l’opposition de se constituer en groupe parlementaire. L’Assemblée risque de fonctionner sans groupe de l’opposition. Nous continuerons à nous opposer. Parce que l’opposition doit voir son groupe parlementaire. Ce sont des membres du pouvoir qui envoient leurs questions au Premier ministre, qui les prépare d’avance. Ce qu’on nous joue ici, c’est du théâtre. Le Sénégal ne mérite pas cela. On a rempli toutes les conditions pour avoir un groupe parlementaire, mais on nous a refusé ce droit !
ME EL HADJ DIOUF, DEPUTE DE…BBY : «Nous sommes des étrangers chez nous, à l’Assemblée»
L’Assemblée nationale est entrée dans la clandestinité. Nous avons une Assemblée nationale complètement clandestine, illégale qui fonctionne sur des bases illégales et anticonstitutionnelles Le foulard, c’est en guise de contestation parce qu’on a ignoré les droits des parlementaires et c’est extrêmement grave. C’est sans précédent dans l’histoire politique notre pays. Aujourd’hui, le groupe parlementaire de l’opposition a été zappé, donc il n’est pas concerné. On ignore la liste de députés qui doivent intervenir. Les noms sont retenus depuis longtemps. Nous ne savons rien de ce qui se passe. Nous sommes des étrangers chez nous à l’Assemblée. Nous, députés, nous sommes étrangers à l’Assemblée nationale. Niasse a mis l’Assemblée dans un bordel total.
AÏDA MBODJ, DEPUTE LIBERALE : «Le président Niasse est tout, sauf un bon manager»
Trop, c’est trop ! Nous n’avons pas voulu nous attirer les critiques des Sénégalais parce qu’ils sont nos mandants. Nous avons tenu compte de leurs observations parce qu’ils sont dégoûtés par les querelles qui se passent à l’Assemblée nationale. Puisqu’ils se sont rendus compte du défaut de management de cette législature. Le président Niasse est tout, sauf un bon manager. À un moment donné, il y a eu une médiation conduite par Imam Mbaye Niang et durant tout ce temps, nous nous sommes abstenus de faire quoi que ce soit. Le président Niasse n’a jamais donné suite au document que nous lui avons adressé pour lui prouver que sur les 10 députés membres du groupe, sept sont avec nous.
MOUSTAPHA CISSE LO, VICE-PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE : «C’est le Pds et ses alliés qui sont derrière ce spectacle»
Nous avons suivi avec regret le spectacle de l’opposition. Je me demande maintenant s’ils ont le droit de se comporter ainsi. C’est le Pds et ses alliés qui sont derrière ce spectacle. Au nom de quoi, ils réclament un groupe parlementaire, eux qui sont cinq députés, au maximum six ? Ils sont des maitres-chanteurs, ils n’ont aucun crédit. Ils veulent tout simplement se faire voir. Le Pds n’a pas dix députés, il ne peut pas donc réclamer un groupe parlementaire.
AÏSSATA TALL SALL, DÉPUTÉ-MAIRE DE PODOR : «C’est un problème politique, ils doivent trancher»
Nous avons une Assemblée nationale qui, depuis qu’elle était Assemblée territoriale, délibère sans problème avec des députés qui nous ont précédés et qui ont rempli leur contrat vis-à-vis du peuple sénégalais avec dignité et avec beaucoup de responsabilité. Est-ce qu’aujourd’hui, nous avons le droit, étant les héritiers de ces illustres compatriotes, de faillir dans le mandat qui est le nôtre ? Moi, je ne cite pas les responsabilités. Qui a tort, qui a raison, c’est un problème politique, ils doivent trancher. D’abord, à l’intérieur du Pds lui-même qui est le parti qui porte ce problème mais également avec le président Moustapha Niasse qui, lui aussi, doit assumer sa part de responsabilité pour qu’on n’assiste plus à cette scène qu’on a vu ce soir.
MODOU DIAGNE FADA, PRÉSIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE LIBERAL : «Si, nos collègues souhaitent rester dans le groupe, ils devront…»
Je lance un appel à nos collègues pour qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments. Parce que le problème se trouve au sein d’une même famille politique. C’est à ce niveau qu’on pourra trouver une solution mais pas au niveau de l’Assemblée nationale. Nous avons été régulièrement élu président du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates jusqu’au mois d’octobre 2016. Nous pensons que si, nos collègues souhaitent rester dans le groupe, il faudrait qu’ils comprennent que ce n’est pas par cette façon qu’ils puissent y rester. Ils devront respecter l’autorité du groupe et celle du président du groupe.