Les remises gracieuses accordées par l’Etat à des entreprises nationales ou privées ont entrainé des pertes de recettes de 50 milliards. C’est la révélation faite hier, jeudi 14 janvier, par le secrétaire général du Syndicat des agents des impôts et domaines. Le comble, selon Elimane Pouye, c’est que cet argent se retrouve dans les caisses d’entreprises coupables de fraudes fiscales. Il s’exprimait hier, jeudi 14 janvier, lors d’une conférence de presse.
Le syndicat des agents des impôts et domaines dénonce le pillage des ressources publiques au Sénégal. Selon le secrétaire général dudit syndicat Elimane Pouye, les pratiques nébuleuses font perdre au Sénégal des dizaines de milliards et même plus. En conférence de presse hier, jeudi 14 janvier, il a révélé que rien que pour la remise gracieuse, l’Etat a perdu 50 milliards en 2015.
«Nous venons de démontrer que les 3000 milliards du budget qui ont été votés ne sont rien par rapport aux capacités de mobilisation des recettes fiscales de notre administration. Ces 3000 milliards sont largement sous estimés à cause de pertes de recettes fiscales organisées par le gouvernement à travers des remises gracieuses. 50 milliards ont été offerts à des entreprises coupables de fraudes fiscales. Si on faisait le total de tout ce qui est perdu, cela serait de l’ordre de 2000 milliards», avance-t-il.
Poursuivant, il indique : «on remet gracieusement des impôts à des entreprises coupables de fraudes fiscales. On renonce volontairement à percevoir des impôts votés par l’Assemblée nationale et on fait des décisions d’arbitrage. Pire, à négocier des montants d’impôts dus par le contribuable coupable de fraudes fiscales pour lui accorder une certaine amnistie pour des impôts qui ont été collectés sur des travailleurs et qui font pas l’objet de reversement». Comme exemple, Elimane Pouye cite le cas du Port autonome de Dakar qu’il qualifie de «scandaleux». «Voila une entreprise qui fait 28 milliards de bénéfice. L’Etat du Sénégal devrait percevoir 8 milliards sur ce bénéfice et l’Etat décide de renoncer à ces 8 milliards. Résultat des courses : l’entreprise s’est permise de faire des dons et des libéralités de 2 milliards à des populations», s’est-il indigné.
Et de signaler qu’il y a des entreprises du secteur des médias, de la distribution d’essence, et de téléphonie qui sont coupables dans beaucoup de fraudes fiscales pour lesquelles il y a des décisions scandaleuses qui sont prises, c'est-à-dire faire payer le moins d’impôts possibles sous prétexte que ces mêmes entreprises prêteraient de l’argent à l’Etat.
Par conséquent, le syndicat des agents des impôts et domaines du Sénégal, après avoir sonné l’alerte, a décidé de mener une lutte contre ces pratiques nébuleuses dans la gestion des ressources publiques du pays. Un combat dans lequel il ne sera pas seul, car d’autres syndicats comme le Cusems, le Saes et le Sutsas sont prêts à le soutenir.
«Nous estimons aujourd’hui que la revendication doit prendre une autre tournure. Une démarche fondée principalement sur la sauvegarde des recettes de ce pays. Il y a un point de cristallisation de toutes les revendications des fonctionnaires. C’est de leur dire que la masse salariale aujourd’hui ne permet la prise en charge d’aucune revendication. Parce que moins de 1% de la population se partagerait 40 % des recettes», souligne-il.
REACTIONS... REACTIONS... REACTIONS..
ABDOULAYE NDOYE, SECRETAIRE GENERAL DU CUSEMS : «Dire aux enseignants qu’il n’y a pas d’argent dans ce pays, est un discours qui ne peut plus tenir»
«Nous partageons totalement l’avis du secrétaire général du syndicat des impôts et domaines et nous sommes aujourd’hui rassurés dans notre lutte. Nous voudrions également saluer le courage et l’engagement citoyen de nos camarades des impôts et domaines. Parce qu’il faut être courageux pour le faire et le dire. Ce qu’ils ont dit, c’est des questions d’intérêt national qui interpellent tous les acteurs économiques du système éducatif et toute la nation sénégalaise. Parce qu’ils ont évoqué une question nationale à savoir les pertes fiscales. Nos budgets sont constitués essentiellement d’impôts et de taxes. Puisque l’Etat accepte de renoncer à des impôts qui sont votés par l’Assemblée nationale et fait des arbitrages pour favoriser des entreprises. Cela montre que l’Etat ne se soucie pas de l’avenir de notre pays et de celui de la nation. Dire aux enseignants qu’il n’y a pas d’argent dans ce pays est un discours qui ne peut plus tenir la route. Ils nous ont trompés. Ils ont leurré le peuple sénégalais. Nous allons lancer avec le syndicat des agents des impôts et domaines du Sénégal et avec tous les syndicats de la fonction publique, la lutte. Nous allons nous unir et nous mobiliser pour exiger du gouvernement la clarté et la transparence sur la question des pertes fiscales. Parce qu’il y va de l’avenir de la nation. L’Etat nous doit des comptes. Il est obligé de s’adresser aux Sénégalais».
MBALLO DIA THIAM, SECRETAIRE GENERAL DU SUTSAS : «Le Ministre des finances nous a trop agressés»
«Les fraudes fiscales pourraient financer les secteurs de la santé et de l’éducation. Surtout la santé où fréquemment on assiste à des coupes et même sur les 3022 milliards du budget de 2016, la santé ne se retrouve qu’avec 150 milliards. S’il y a une augmentation de 15 milliards, c’est parce qu’il y a de nouvelles structures et les perspectives de recrutement. C’est comme si on n’avait rien ajouté. Les bailleurs aujourd’hui sont plus ou moins réticents aux subventions concernant l’électricité et l’eau. Donc, les hôpitaux sont menacés. C’est un problème d’intérêt national. En tout cas, le Sutsas sera dans tous les combats. L’intérêt des travailleurs sera notre préoccupation majeure et nous pensons que le Ministre des finances nous a trop agressés».
YANKHOBA SEYDI, PORTE-PAROLE DU SAES : «C’est scandaleux !»
«Vous avez vu que l’Etat s’est toujours arrangé pour mettre en mal les syndicats enseignants avec les populations. Même dans les émissions interactives, les gens appellent pour dire que les syndicats demandent trop, alors qu’ils ne demandent rien. Chaque année 300 milliards de remises d’exonérations de renoncement alors que cela peut largement dépasser les possibilités de financement qu’il y a pour tous les syndicats qui sont en train de revendiquer au niveau du Sénégal. C’est scandaleux ! Qu’est ce qu’on veut dans ce pays et au nom de quoi, on va renoncer à des rentrées de fonds qui normalement devraient servir ailleurs que là où on les met ? Cet argent peut normalement servir à mettre les infrastructures de dernier cri dans nos universités, à recruter suffisamment de bras et à régler de façon définitive la question éternelle des bacheliers. L’argent est capté par des politiciens véreux et aujourd’hui, ils nous mettent en mal avec les populations comme quoi les syndicats demandent trop. Dans ce pays, le minimum de fonctionnement qu’il y a, sont les travailleurs et ces derniers sont les moins rémunérés et sont insultés à longueur de journée par des gens qui ne valent absolument rien et qui ont fini de capter les maigres ressources que récolte ce pays. C’est scandaleux et cela doit mobiliser tout le monde».