Bien contentes de recevoir l’appui de l’Agence de développement municipal (Adm) pour leurs projets d’infrastructures, les communes du Sénégal rechignent pourtant à rembourser les dettes qui leur sont accordées dans ce cadre. Ainsi, dans le cadre du Precol, presque toutes les grandes communes doivent à l’agence un montant cumulé de 5 milliards. Seule la mairie de Dakar, dirigée par Khalifa Sall, est à jour…
Abdoulaye Diouf Sarr va installer aujourd’hui, dans les locaux de son ministère, le comité de coordination de la préparation du programme d’appui à la décentralisation. Ce nouveau programme, qui sera financé par la Banque mondiale, en coordination avec l’Agence française de développement (Afd) et la Banque islamique de développement (Bid), va durer environ 5 ans et disposera d’un financement minimal de 100 milliards de francs Cfa. Mais les estimations des experts assurent que, si la gestion l’exige et au vu des besoins, ce montant pourra être très largement dépassé. L’ennui est que beaucoup de bénéficiaires risquent d’être exclus de ses bénéfices.
Dons à 90% pour 10% de prêts
En effet, la Banque mondiale, qui est le principal maître d’œuvre de ce projet, a exigé qu’avant de pouvoir être éligibles à ce nouveau financement, toutes les municipalités soient d’abord déclarées à jour par rapport à leurs créances vis-à-vis de l’Agence de développement municipal (Adm), créances contractées dans le cadre du Programme de renforcement des équipements des Collectivités locales (Précol). En effet, les partenaires techniques et financiers se sont rendu compte que l’Adm était obligée de courir après un peu plus de 5 milliards de francs Cfa que les différentes municipalités lui doivent dans ce cadre. Or, dans les financements accordés par le Précol, 90% l’étaient sous forme de dons, et seuls 10% de prêts.
Cela n’a pas empêché que les mairies aient semblé avoir des difficultés à se mettre à jour de leurs obligations envers l’Agence de développement municipal. Des localités aussi importantes que Kaolack, Ziguinchor, Saint-Louis, Thiès, ou Guédiawaye, sont tous redevables envers l’Adm. Comme le dit d’ailleurs un fonctionnaire international ayant consulté le rapport de mission de la Banque mondiale et de l’Afd, «toutes les localités chefs-lieux de région sont endettées dans le cadre du Précol, ainsi que toutes les municipalités dirigées ou ayant été dirigées par des ministres-maires ou des députés-maires».
Et ces créances ne sont pas négligeables, si l’on sait que, par exemple, Ziguinchor doit plus de 466 millions, Saint-Louis plus de 404 millions, Thiès, plus de 378 millions, tandis que Guédiawaye doit près de 300 millions. Mais la palme de l’endettement est détenue par Kaolack, dont l’ardoise s’élevait au mois d’octobre dernier, à 701 millions 639 mille 515 francs.
Et pourquoi la Banque mondiale veut-elle faire du remboursement de ces montants, dont les localités citées ici ne sont pas les seules débitrices, il faut le souligner, la condition d’adhésion au nouveau programme d’appui ? Le même fonctionnaire international explique que c’est pour éviter de donner un mauvais exemple. «Si l’on accepte que l’Etat rembourse à la place des municipalités, rien ne pourra plus contraindre les nouvelles municipalités à ne pas rembourser leurs dettes, en se disant que, puisque l’on avait épongé les dettes des uns, on le fera pour celles des autres.»
Oubliée la continuité du service de l’Etat
Or, toutes les municipalités connaissent l’importance de l’appui que leur apporte l’Adm. Un maire d’une commune tenue par l’opposition se vantait d’ailleurs en présence du ministre Abdoulaye Diouf Sarr, que c’est grâce au concours de l’Adm que son équipe a pu réaliser des programmes qui ont emporté l’adhésion des populations, et permis à son parti de battre le parti au pouvoir dans sa zone. Or, bien que disant cela, ce personnage rechigne à payer sa dette. Certains édiles vont même rejeter le principe de la continuité de l’Etat. Ainsi, à Saint-Louis, la dette laissée par le ministre Cheikh Bamba Dièye –qui, en passant, était ministre de la Décentralisation, a été reniée par son successeur le ministre, Mansour Faye, de l’Hydraulique. Le maire de Guédiawaye et non moins président de l’Ams, ne veut pas payer à l’Adm ce qu’il lui doit, alors qu’il est président de l’Assemblée générale de ladite Adm…
Les exemples sont nombreux. Seul tire son épingle du jeu, le maire de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, dont la municipalité est à jour envers l’Adm, ayant toujours payé rubis sur l’ongle. Et malheureusement, avec l’Acte 3 de la Décentralisation, il risque d’être l’un des rares maires à ne pas bénéficier du nouveau programme d’appui que Diouf Sarr s’apprête à lancer aujourd’hui. Sanction au bon élève ?