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Pr Abdoulaye Dièye, ex rapporteur général de la CNRI sur les 15 mesures de réforme constitutionnelle: "Je ne peux que constater le caractère insuffisant ..."
Publié le samedi 9 janvier 2016  |  Sud Quotidien
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© aDakar.com par DR
Le président a annoncé d`importantes mesures lors de son discours de fin d`année 2015




Le Pr Abdoulaye Dièye, ancien rapporteur général de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) est formel. Les 15 points de la réforme constitutionnelle proposée par Macky Sall ne permettent pas d’avoir des avancées sur la plupart des problématiques à même de capitaliser les acquis notoires de la démocratie sénégalaise, voire de consolider l’État de droit. Quoiqu’ils soient tirés… du rapport et de l’avant-projet de la Cnri. Qui plus est, «en tant que rapporteur général ayant participé à l’élaboration de la centaine de recommandations qu’avait faites la Cnri, je ne peux que constater le caractère insuffisant de ce qui a été présenté», a fait savoir, dans cet entretien avec Sud quotidien, l’enseignant à la Faculté de droit de l’Ucad et membre du Conseil d’administration du Forum civil. Avant de dévoiler sans fioritures les limites du projet de révision constitutionnelle par rapport aux recommandations de la Cnri.

Comment appréciez-vous les 15 mesures de réforme constitutionnelle annoncées par le chef de l’État, par rapport aux recommandations formulées par la Cnri ?

Je considère que le président de la République a fait exactement ce qu’il avait dit au lendemain de la remise du rapport de la Cnri. Il disait qu’il prendrait les recommandations qui lui semblent utiles pour la démocratie sénégalaise. Toute la question est maintenant de savoir si les quinze points qui ont été présentées comme constituant les réformes institutionnelles sont suffisants pour renforcer la démocratie et sauvegarder l’État de droit. Évidemment, en tant que rapporteur général ayant participé à l’élaboration de la centaine de recommandations qu’avait faites la Cnri, je ne peux que constater le caractère insuffisant de ce qui a été présenté. J’ai l’avantage d’avoir pris connaissance de la commande du chef de l’État de novembre 2012 et avoir vu donc les 11 problématiques que la Cnri devait prendre en charge. Par rapport à cela, évidemment, je ne peux qu’être dubitatif.

Je dois dire maintenant que, contrairement à ce qui a été avancé çà et là, les 15 points de la réforme sont tirés du rapport ou de l’avant-projet de la Cnri. Je suis vraiment formel quand je le dis. J’ai moi-même fait ce travail de comparaison. Ce qu’on note, c’est parfois une autre formulation, une autre rédaction mais c’est dans l’ensemble, des idées puisées du panier Cnri.

Quelles sont ces problématiques ?

Il y avait, je me rappelle, des points d’une importance capitale qui avait fait penser que le président de la République avait bien pris la juste mesure des maux qui ressortent de l’analyse du fonctionnement des institutions et qu’il avait bien pris conscience de la nécessité de capitaliser les avancées notoires de la démocratie sénégalaise mais surtout, de les consolider. Entre autres, il y avait la consolidation de l’État de droit, l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, le renforcement de l’indépendance de la justice, l’approfondissement de la démocratie représentative et participative, le renforcement de la protection des libertés publiques, le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration, etc.

Par rapport à toutes ces problématiques, la Cnri a fait des recommandations après avoir interrogé les citoyens, recueilli la position des porteurs d’enjeux, consulté parfois des experts et autres praticiens expérimentés. Faites vous-même une petite analyse et vous verrez que les points proposés ne permettent pas d’avoir des avancées sur la plupart de ces problématiques.

Pouvez-vous revenir sur quelques mesures que vous jugez importantes pour la démocratie sénégalaise et qui n’ont pas été prises en charge dans cette liste du Président?

Pour renforcer la démocratie, il faut consolider l’État de droit et pour consolider l’État de droit, il faut renforcer l’indépendance de la Justice. Qu’est ce qui a été proposé pour cela ? Peu de choses, alors que la Cnri avait mis un accent particulier sur le renforcement du principe de l’inamovibilité des magistrats du siège, très souvent contourné. La nécessité de revoir la composition du Conseil supérieur de la magistrature et de renforcer ses pouvoirs, de rendre au juge d’instruction son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de décerner ou non un mandat de dépôt ou de libérer provisoirement, quelle que soit l’infraction, de redéfinir l’autorité qu’exerce le Garde des sceaux sur le parquet, etc.
Je comprends difficilement le fait que le candidat ait dit dans son programme, je cite, que le pouvoir judiciaire est mis sous tutelle du pouvoir exécutif, qu’il est instrumentalisé par ce dernier et n’est pas toujours en mesure d’assurer pleinement ses missions dans l’impartialité et l’indépendance (je n’ai fait que citer des passages du programme) et, comme solution, ne proposer que des points se rapportant au Conseil constitutionnel.

C’est vrai que la Cnri avait aussi proposé que le nombre des juges constitutionnels passe de 5 à 7 mais il n’était pas question que les 5 continuent à être nommés par le président de la République. Je constate d’ailleurs sur ce point qu’il y a une grande différence entre ce que le candidat Macky Sall avait promis dans son programme Yoonu Yokkuté et ce que le président de la République a finalement décidé. Dans son programme, il était question d’un conseil de 7 membres dont les trois sont nommés par le Président, les deux désignés par l’Assemblée nationale (1 par la majorité parlementaire et 1 par l’opposition parlementaire) et les deux autres, par le Conseil supérieur de la magistrature.
Je passe sur les autres points tout aussi importants : création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif, meilleure maitrise par le Parlement de son ordre du jour, le juge des libertés, l’intérêt à agir devant les juridictions compétentes reconnu aux organisations de défense des droits humains et environnementaux, le rapprochement du juge de l’excès de pouvoir du justiciable. Je dois tout de même reconnaitre que l’instance d’appel pour soulever une exception d’inconstitutionnalité a été retenue.
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