L’ancien directeur de cabinet adjoint du Président Sall a été nommé conseiller spécial auprès du Premier ministre. Ses sondages donnant Macky Sall vainqueur et sa dernière contribution suggéraient que Lô ruisselait droit vers le pouvoir, après une démission fracassante et une déclaration de guerre à son candidat de 2012.
Moubarack Lô : «Je suis un serviteur de l’Etat»
Moubarack Lô recolle les morceaux avec Macky Sall. Selon la Rfm, il a été nommé hier conseiller spécial du Premier ministre. «Je suis un serviteur de l’Etat. J’ai fait une école d’administration et je considère que nous sommes en guerre contre le (sous) développement et que l’Etat a le droit de me réquisitionner. C’est aussi simple que cela. Ensuite, revenir à la Primature, pourquoi pas ? Parce que j’y ai fait mes premières armes après un passage au ministère des Finances. J’ai beaucoup aimé la Primature et si on me demande de servir l’Etat à ce niveau, c’est avec plaisir que je le ferai», a-t-il dit. Quant aux raisons de son retour après un divorce à grand bruit avec celui qu’il avait accompagné à la Présidentielle de 2012, il esquive : «Il faut vaincre la pauvreté, c’est cela qui est important aujourd’hui.»
Quand Macky le qualifiait d’«hautain», de «prétentieux»
On est loin de ce jour où il a mis en colère son patron qui, 24 heures seulement après le départ de son directeur de cabinet adjoint, réplique loin du ciel sénégalais. Alors qu’il recevait la communauté sénégalaise de Koweït City où il prenait part au Sommet afro-arabe, le chef de l’Etat fait feu sur Lô sans le citer : «La première règle à s’appliquer quand on veut travailler avec moi, c’est l’humilité. Ceux qui sont prétentieux, hautains, qui regardent les autres avec condescendance, ne pourront pas rester longtemps avec moi. On ne peut pas travailler pour les Sénégalais en se croyant supérieur, directement issu de la cuisse de Jupiter. C’est inadmissible de voir les gens manquer autant d’humilité, alors qu’ils prétendent servir les Sénégalais. Ceux qui ne peuvent pas se soumettre à cette règle minimale d’ouverture et d’humilité, savoir qu’ils sont des Sénégalais comme les autres, apprendre à travailler avec les autres en toute simplicité sans avoir des prétentions impossibles à satisfaire, ceux-là, s’ils ne sont pas contents parce qu’on ne leur donne pas tout ce qu’ils réclament, peuvent s’en aller.»
Sa contribution récente sur la pauvreté
Pourtant, des signes avant-coureurs étaient là et suggéraient un éventuel come-back du statisticien. Le dernier de ce qui apparaît comme un appel du pied ou une confirmation officieuse a été sa contribution publiée entre mercredi et jeudi dans la presse qui a pour titre «Lutte contre la pauvreté : changer de paradigme». M. Lô y propose 19 points comme étant des «facteurs-clés» des programmes du gouvernement. Lui qui n’avait cessé de décrier le processus qui a conduit à l’élaboration du Plan Sénégal émergent (Pse) estime que celui-ci «doit être l’occasion de mettre en œuvre nos forces et de corriger nos faiblesses en matière de lutte contre la pauvreté». En outre, dans sa cinquième proposition, il invite à un «package» pour les pauvres qui «pourrait être mis en œuvre sur la base de la bourse de sécurité familiale». C’est à croire si ce n’est pas sa douzième proposition qui lui vaut sa nomination auprès de Mahammad Boun Abdallah Dione. Il y recommande la création d’un «Conseil national de lutte contre la pauvreté placé sous la présidence du chef de l’Etat ou du Premier ministre». Cela peut faire des émules pour celui qui veut participer «à la guerre contre la pauvreté».
Son sondage en faveur de Macky Sall
Contre toute attente, en juin dernier, Moubarack Lô réalise un sondage, publié par Actusen et qui donne vainqueur «l’ennemi juré», Macky Sall, devant tous les présidentiables. Il expliquera plus tard dans L’Observateur que ce sondage était top secret. «Ce sont des choses que je fais depuis 2010, mais l’objectif n’était pas de le publier. Et si quelqu’un ne l’avait pas publié, personne ne le saurait aujourd’hui. Cependant, la loi n’interdit pas de faire des sondages. Ce qui est interdit, c’est de faire des sondages destinés à la publication. Mais en tant qu’homme politique, rien ne vous empêche de commanditer un sondage pour mesurer votre niveau de popularité et vous permettre de dégager des stratégies», soutient-il. Ce sera certainement un de ses rôles politiques auprès du futur candidat à un second mandat.
Lô de déceptions chez Idy
On peut dire que Moubarack Lô a démissionné aussi du Conseil d’administration 2017 qu’il avait créé avec Idrissa Seck après son départ de la Présidence et du pouvoir. Un nouvel opposant frustré qui fréquentera le leader de Rewmi et en grande pompe. Aujourd’hui, certains proches de Idy se disent «déçus» par cette «trahison». Mais surtout ils en rient. «No comment. Mais d’abord, comment a-t-il pu accepter moins que ce qu’il refusait : un poste de conseiller spécial du Premier ministre contre un poste de directeur de cabinet adjoint du président de la République ?», s’étonnent-ils. Ses sorties virulentes contre le leader de l’Apr ne laissaient pas entrevoir un retour à la maison. Il voyait il y a un peu plus d’un an en Idrissa Seck qu’il présentait comme son «ami sincère depuis 21 ans» un homme «cultivé qui n’est égalé par aucun homme politique». Avant d’en déduire que «le Sénégal mérite d’avoir à sa tête quelqu’un de la trempe de Idrissa Seck». En revanche, il n’avait pas raté le chef de l’Etat. «Nous sommes de la même génération et un moment, j’ai cru que Macky Sall, compte tenu de son âge, pouvait changer le Sénégal. A un autre moment, je n’y ai plus cru parce qu’il me l’a démontré. (...) Maintenant, mon ambition, c’est de faire quitter Macky Sall de la Présidence par la voie démocratique et fondée sur un travail programmatique.»
Moubarack Lô avait enfin dit : «Macky Sall a sa voie, moi la mienne.» Après tout, les voies se sont (re) croisées.