Une levée générale de boucliers ! Voilà ce à quoi le Pr Ismaïla Madior Fall se retrouve confronté au lendemain de sa sortie «tendancieuse», traitant de l’avis du Conseil constitutionnel sur la réduction du mandat présidentiel. Du Pr Babacar Dièye, constitutionnaliste, au Pr Amsatou Sidibé, en passant par Me Abdoulaye Babou, ancien président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale, Me Wagane Faye ou autre Babacar Guèye, agrégé de droit, la «thèse» du caractère contraignant de l’avis des Cinq Sages est unanimement décrié. De sorte que le ministre conseiller juridique du chef de l’Etat se retrouve esseulé dans cette polémique, sinon tout bonnement renvoyé…à sa copie.
Les spécialistes du droit qui ont réagi, dans la foulée de la sortie du Pr Ismaïla Madior Fall relative à l’avis du Conseil constitutionnel sur la réduction du mandat présidentiel, n’en démordent pas. Ramant à contre-courant du ministre conseiller juridique du chef de l’Etat, ils ont établi sans fioritures que l’avis des Cinq Sages sur la réduction du mandat présidentiel ne «lie» aucunement le président de la République.
Après les Pr Babacar Guèye et Abdoulaye Dièye qui ont donné leur point de vue formel sur la question, en tournant le dos à la « thèse » d’Ismaïla Madior Fall, c’est au tour d’autres spécialistes du droit de contester encore hier, lundi, la position du ministre conseiller de Macky Sall. A l’instar de l’ancien président de la Commission des lois sous la onzième législature. Dans une sortie dans un média privé (Rfm), Me Abdoulaye Babou s’est voulu explicite. « Dans l’article 51 de la Constitution, on parle de deux autorités à saisine pour avis : le Conseil constitutionnel et le président de l’Assemblée nationale. Est-ce que vous pouvez imaginer que l’avis du président de l’Assemblée puisse lier le président de la République ? Cela n’a aucun sens».
Dans la foulée, Me Abdoulaye Babou a rappelé que « le Conseil constitutionnel, d’après la loi organique qui l’organise, n’a que deux compétences, juridictionnelle et consultative. En l’espèce, c’est la seconde citée qui est mise en exergue ». Poursuivant, l’avocat fera remarquer qu’«en matière de révision constitutionnelle, le président de la République doit saisir obligatoirement le Conseil Constitutionnel», avant d’ajouter : «Mais il faut faire la différence entre l’obligation de la saisine et le résultat de la saisine. Si vous révisez bien la loi organique qui régit le Conseil constitutionnel, il n’est nullement mentionné que le président de la République est tenu d’appliquer l’avis du Conseil constitutionnel ». En conséquence, a-t-il dit, « Je suis donc d’avis contraire avec le Pr Ismaïla Madior Fall».
Cette position, l’ancien parlementaire semble d’ailleurs la partager avec son confrère Me Wagane Faye. Selon ce dernier qui réagissait à la suite, le terme «avis» résume tout. «Un avis ne lie personne», a souligne Me Faye. A l’en croire, en demandant l’avis des Cinq Sages, « le Président cherche à élargir son champ d’investigation. Mais il est libre de tirer ses propres conclusions ».
Le Pr Amsatou Sow Sidibé, enseignant à l’université de Dakar, par ailleurs ministre conseiller, ne dira pas le contraire. Interpellée sur la question par le même média, l’universitaire certifiera sans fioritures que lorsque le Conseil constitutionnel donne son avis, le chef de l’Etat a la prérogative d’accepter ou de ne pas accepter. Et de renseigner que le président de la République « peut après avoir recueilli l’avis du président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum.
Donc, il y a ici l’article 51 qui donne presque tous les pouvoirs au président de la République parce qu’il recueille un avis qui est toujours consultatif, sauf exceptionnellement quand il s’agit d’un avis conforme qui doit être précisé de manière expresse. Ce n’est pas ici le cas ». En conclusion, a dit l’universitaire, « Donc, lorsque le Conseil constitutionnel donne son avis, le président de la République a une prérogative qui consiste à prendre cet avis ou à ne pas le prendre ». Avant de plaider, pour éviter dans l’avenir ce genre de controverse liée à l’interprétation de l’avis des Cinq Sages, qu’on changer tout simplement le Conseil constitutionnel en… Cour constitutionnelle.