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Financement des partis politiques: La recette de la société civile
Publié le mercredi 23 decembre 2015  |  Sud Quotidien
Ouverture
© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture". Photo: Aboubacry Mbodj, secrétaire général de la Raddho




L’affaire Lamine Diack qui défraie la chronique et chamboule profondément le champ politique comme la société sénégalaise vient reposer dans notre pays la question clé du financement des partis politiques. Quoiqu’il ait été abordé sous toutes ses facettes et soumis à moult recommandations dont la dernière fut celle de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), le financement des partis politiques n’a toujours pas encore trouvé… solution.

Occasion pour Sud Quotidien de poser la question aux acteurs en commençant d’abord par la société civile, dans un premier volet. Une société civile pour laquelle la moralisation de la vie politique et le financement des partis passent nécessairement par le vote d’une loi en l’espèce. D’Assane Dioma Ndiaye de la Lsdh à Birahim Seck du Forum civil, en passant par Seydi Gassama et autre Aboubacry Mbodj de la Raddho, la conviction est en fait la même. Il urge que le Sénégal se dote d’une loi pour contrôler l’origine du financement des partis et… plafonner les dépenses de campagne électorale, nœud gordien du problème. Toutefois, dira le Pr Ababacar Guèye, quand bien même il est possible d’avoir une loi, n’est-il pas nécessaire de rationaliser les partis politiques ? Le financement des partis devient dès lors envisageable au Sénégal où pullulent les partis, à condition d’en donner seulement aux formations les plus représentatives, en somme celles qui atteignent un certain seuil de représentativité nationale.

ME ASSANE DIOMA NDIAYE, PRESIDENT DE LA LSDH : «C’est l’Etat qui doit organiser ce financement des partis»

C’est une question complexe qui dépasse le cadre du Sénégal. Evidemment, l’humanité ne se pose que les questions qu’elle sait résoudre et la question universellement envisagée, c’est le financement des partis politiques par l’Etat. Parce que ces partis concourent au suffrage universel, donc ils exercent une mission d’intérêt général. La solution la plus simple, c’est de faire en sorte qu’un parti politique qui est éligible à la participation d’élection puisse avoir les moyens de financer sa campagne. Ç’est l’Etat qui doit organiser ce financement des partis.

Mais, la réalité en Afrique, c’est que non seulement vous n’avez pas systématiquement cette politique de financement des partis politiques, mais on note un ostracisme à l’égard des partis de l’opposition. C’est-à-dire que le parti d’opposition et même ses animateurs sont exclus de la sphère publique. Même s’ils sont des privés, des experts, des cadres, ils sont systématiquement éloignés. Ils ne gagnent pas des marchés publics, ils ne peuvent pas accéder à certaines fonctions parce qu’on les considère comme des opposants. De facto, le parti politique ne peut en lui même se financer. C’est pourquoi cela était toujours toléré, je pense, en Afrique de voir des partis politiques se faire financer par même des chefs d’Etat. Le cas Omar Bongo est là et tout le monde sait que c’est de notoriété publique que le président Bongo a aidé beaucoup d’opposants en Afrique à l’occasion de campagnes ou de processus électoraux. Il y a effectivement d’autres sources de financement qui sont peut être occultes. Donc, cela n’a jamais été posé comme un problème majeur en Afrique, même en France. Même aux Etats Unis, on sait que certains lobbies, certains groupes industriels, financent certains candidats.

Mais la nouveauté dans l’affaire Lamine Diack, c’est qu’on parle de l’argent sale qui aurait financé la campagne électorale, ou en tout cas une partie de la campagne électorale au Sénégal. C’est cela peut être aujourd’hui qui remet à l’urgence la question du financement des partis. Tant que ce financement, ou en tout cas l’agent de ce financement avait plus ou moins une origine licite ou on n’aurait pas la preuve de son caractère illicite, il n’y avait pas de problèmes à priori. Mais maintenant qu’on a la preuve que de l’argent sale peut être injecté ou peut servir de financement à des campagnes, ça devient problématique. Je pense que la question du financement des partis au Sénégal devient une question non différable et qu’il faut nécessairement qu’on essaie de trouver une solution.

Il a des préalables au contrôle des partis politiques. Vous ne pouvez pas exiger d’un parti politique des comptes si, vous-mêmes, vous ne vous conformez pas à vos obligations. Je pense que le corollaire à ce contrôle aurait été d’abord le financement de ces partis par l’Etat. Le parti au Sénégal est régi par les dispositions du Code des obligations civiles et commerciales, c’est une entité privée. Une personne peut même être propriétaire d’un parti. Il n’y a aucune réglementation. L’Etat ne censure pas. L’Etat n’a rien fait pour règlementer ces partis. Evidemment, l’Etat ne peut pas astreindre ces partis à aucune obligation. Par contre, si ce financement était effectif, évidemment cela serait de l’argent du Trésor et les partis seraient soumis, comme toute personne publique qui gère des deniers publics, à une obligation de rendre compte et de tenir une comptabilité publique. On ne peut pas inverser les choses. Je pense qu’aujourd’hui plus que jamais, on doit savoir que l’opposition est une donnée indispensable du processus démocratique. Et que l’opposition ne doit être criminalisée. Elle ne doit pas être considérée comme un ennemi à abattre. Elle a des droits et concourent à l’efficience de la démocratie. Sans contradiction, sans expression plurielle, il n’y pas de démocratie.

Je crois que c’est un nouvel état d’esprit qu’il nous faut. Dans toute démocratie, il y a une majorité qui gouverne et une opposition qui s’oppose. Et cette opposition a besoin d’être d’abord un statut. Il faut faire en sorte qu’elle soit statutaire, qu’elle dispose des droits, qu’elle soit financée et qu’elle puisse rendre compte. C’est une façon de la responsabiliser et de la rendre républicaine. Mais tant qu’elle est laissée à elle même, cette opposition a tendance à agir comme elle l’entend et de l’autre coté également, il est difficile de demander des comptes dès lors qu’elle est considérée comme une entité qui est en dehors de la République. C’est la problématique de l’opposition en Afrique.

ABOUBACRY MBODJ, SECRETAIRE GENERAL DE LA RADDHO : «Il faut avoir une loi régissant le financement des partis»

Nous avons déjà réfléchi sur cette question. Nous avons même tenu l’année dernière un séminaire, dans le cadre de notre programme sur le dialogue politique où on a invité les parlementaires, la société civile et les partis politiques eux-mêmes, mouvance présidentielle comme partis de l’opposition. Nous avons dit que nous sommes arrivés à un stade où il faut déjà avoir une loi régissant le financement des partis politiques. Le Sénégal doit se doter de cette loi pour permettre le contrôle et l’origine des financements des partis politiques. Nous avons également plaidé pour cela dans le cadre des forums citoyens avec la Cnri. Cela fait partie également des recommandations de la Cnri, de revoir l’origine des financements des partis politiques au Sénégal. Donc, il y a eu une large concertation citoyenne. Vous savez qu’au niveau de la Cnri, le président a été désigné par le président de la République. C’est lui-même qui était le président des Assises nationales, Amadou Makhtar Mbow, qui a travaillé avec d’éminents intellectuels et même la société civile. Le rapport a été déposé et jusqu’à présent, il n’y a pas eu de suite par rapport aux réformes qui avaient été exigées, dont l’origine du financement des partis politiques. Donc, pour nous, c’est une exigence de bonne gouvernance, du respect du principe de l’Etat de droit, une exigence du respect des principes de la démocratie. C’est comme ça que cette loi s’avère nécessaire pour règlementer et moraliser la vie politique au Sénégal.

Les révélations qu’on a entendues venant de Lamine Diack, c’est vraiment le syndrome même de l’absence de cette loi. Parce que si cette loi existait déjà, on n’aurait pas accepté l’argent venant des fonds de dopage par les Russes pour être injecté dans le combat démocratique du peuple sénégalais. Le peuple sénégalais ne le mérite pas…En somme, tout cela établit l’impérieuse nécessité d’adopter cette loi d’autant plus que c’est une exigence de bonne gouvernance, de démocratie et de respect des principes de l’Etat de droit tel que recommandé par les consultations citoyennes, le dialogue politique que nous avons organisé l’année dernière à Saly. Cette loi devrait aujourd’hui être adoptée le plus rapidement possible.

SEYDI GASSAMA, DIRECTEUR EXECUTIF AMNESTY SÉNÉGAL : «L’affaire Diack montre qu’il y a urgence d’agir»

Tout le monde sait que les partis politiques sénégalais recourent à beaucoup de sources de financement extérieur, surtout pendant les périodes de campagne électorale. Cela, en violation totale du code électoral qui interdit le recours à des sources extérieures pour financer une campagne électorale. Il y a eu plusieurs tentatives qui avaient été esquissées dans le passé pour essayer de réglementer le financement des partis politiques. Abdou Diouf avait chargé le professeur El hadj Mbodj de mener une étude. Ce dernier avait fait plusieurs voyages à l’étranger pour prendre connaissance de beaucoup d’expériences. Mais, quand Abdoulaye Wade est arrivé au pouvoir, il a choisi purement et simplement de mettre de côté tout le travail que le professeur El hadj Mbodj avait fait. Les partis politiques concourent à la bonne marche de la démocratie. Ils sont utiles pour la société. L’État devrait pouvoir financer leurs activités. Maintenant, cela ne veut pas dire que l’État doit financer toutes les activités des partis. Des partis sont d’abord des associations avec des membres, ces derniers doivent participer au financement de leur association. Les partis doivent également pouvoir générer d’autres sources de financement, y compris les contributions des donateurs.

Au Sénégal, le problème que nous avons au-delà du financement du fonctionnement des partis politiques, c’est le financement des campagnes électorales. C’est là où les partis politiques recourent à toutes sortes de sources de financement, y compris des sources de financement extérieur alors que cela est interdit par le code électoral. L’affaire Lamine Diack doit servir d’occasion pour réfléchir à nouveau sur les sources de financement des campagnes électorales. Il faut que la loi interdise, de façon claire et sans ambiguïté l’usage des ressources extérieures pour financer les campagnes électorales. Car cela peut mettre en danger la stabilité et la souveraineté des pays. Celui qui vous finance, une fois, au pouvoir, vous êtes obligé de lui rendre la monnaie. Y compris en sacrifiant des intérêts supérieurs de votre pays.

On doit pouvoir également plafonner les dépenses de campagne électorale. Lorsqu’on permet à certains partis politiques, parce qu’ils ont des moyens, d’acheter les suffrages des Sénégalais, cela fausse le jeu politique. Des gens ne votent plus pour le meilleur des candidats, ils votent pour celui qui a le plus d’argent, celui qui est capable d’acheter le suffrage des gens. Au Sénégal, on constate une utilisation abusive des ressources de l’État par les partis au pouvoir. La preuve, c’est que ces partis ne se massifient que lorsqu’ils sont au pouvoir. Ils utilisent les ressources de l’État pour financer les campagnes électorales à partir de la fameuse caisse noire. On aime bien copier la France mais dans ce pays, le système de plafonnement des dépenses électorales existe bien. Sarkozy a eu beaucoup d’ennuis à cause d’un dépassement des dépenses de la dernière campagne électorale. Le Sénégal doit pouvoir s’inspirer de cet exemple français. L’affaire Diack montre qu’il y a urgence d’agir, si on veut préserver la démocratie sénégalaise. Parce qu’elle (Affaire Diack) met en exergue quelque chose que l’on cachait.

BIRAHIM SECK, MEMBRE DU FORUM CIVIL : «Le jeu politique doit être clair...»

Des pays comme le Sénégal doivent aller dans le sens d’avoir des mécanismes de prévention contre le financement illicite des partis politiques mais surtout des campagnes électorales. C’est un impératif mais surtout un moyen de protéger l’ensemble des acteurs politiques qui sont dans le jeu électoral. Le Forum civil travaille dans ce sens avec le groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar (Bby) sur un projet de loi sur le financement des partis politiques au Sénégal et qui sera déposé sur la table du président de l’Assemblée nationale prochainement. Ce document qui vise la réglementation et l’encadrement du financement des partis politiques s’inspire des travaux du professeur El hadj Mbodj et est renforcé par des experts du Forum civil.

Il s’agit de plafonnement des dépenses électorales mais également celles du financement des campagnes électorales. A l’instar également du Burkina Faso et conformément à la convention de l’Union africaine sur la prévention contre la corruption, je pense qu’au-delà même des candidats à une élection présidentielle au Sénégal, le chef de l’opposition mais également les dirigeants des organisations de la société civile doivent faire leur déclaration de patrimoine. Il faut qu’on arrive à cela pour qu’il y ait une moralisation de la vie publique. Aujourd’hui, même les candidats qui se présentent aux élections législatives devraient faire leur déclaration de patrimoine. On ne doit pas accepter que des candidats sortant de n’importe où viennent briguer le suffrage des Sénégalais. Pour protéger notre démocratie, il faut impérativement que les dirigeants des partis politiques mais aussi les candidats à l’élection présidentielle puissent se soumettre à l’exercice de déclaration de patrimoine.

Il faudrait également que l’on puisse disposer d’une loi sur les conflits d’intérêts. On doit faire attention pour qu’il n’y ait pas une confusion des rôles entre le jeu des acteurs politiques et celui des acteurs économiques. Le jeu politique doit être clair, il faut une moralisation de la vie publique en fonction des différents instruments de prévention que j’ai cités antérieurement.

Pr ABABACAR GUEYE CONSTITUTIONNALISTE, SUR LE FINANCEMENT DES PARTIS : «D’abord, il faut rationnaliser l’espace politique»

Juridiquement, il est possible d’avoir une loi sur le financement des partis politiques. Il suffit de l’adopter. Ensuite, envisager des modalités définies par cette même loi pour ne pas permettre à tout un chacun d’en bénéficier. Parmi ces modalités, il faudrait bien préciser le financement qui peut être du matériel ou de l’argent.

Seulement, si vous donnez de l’argent aux partis politiques, certains seront tentés de créer d’autres partis rien que pour toucher à cet argent. C’est pourquoi, il faut nécessairement rationaliser l’espace politique. Il faut, peut-être, en donner seulement aux partis les plus représentatifs. C’est-à-dire les partis qui atteignent un certain seuil de représentativité nationale. Soit, ils ont obtenu un certain pourcentage aux dernières élections, soit ils ont obtenu un certain nombre de sièges à l’Assemblée nationale.
On peut envisager un financement, mais à condition, en amont, d’avoir rationalisé l’espace politique de sorte que n’importe quel parti n’obtiendra pas ces financements. Je parle de rationalisation dans le sens de réduire les partis politiques. Dans ce cadre, on pourra envisager le financement et l’encadrer efficacement. Par exemple, les dernières élections sont assez significatives pour mesurer la représentativité des partis.
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