Les travailleurs de la Sonatel, par la voix des secrétaires généraux du Syndicat des travailleurs dudit opérateur de télécommunication, sont foncièrement contre le projet d’externalisation des activités de cœur de réseau de la Sonatel vers «Huawei, imposé à la Sonatel par France Télécom», selon eux. Face à la presse hier, mercredi 16 décembre, ils ont dénoncé le mutisme du régime en place, face à cette pression qu’exercerait la multinationale française, dans le but de démanteler le Groupe Sonatel et de réduire son personnel.
L’Etat du Sénégal serait-il de connivence avec la multinationale française, France Télécom (Groupe Orange), détentrice de 42% du capital de la Sonatel, sur le projet d’externalisation des activités de l’opérateur historique du Sénégal? En tout cas, concernant le bras de fer qui oppose les représentants syndicaux dudit opérateur de télécommunication et ladite multinationale, aidée en cela par la Direction générale de Sonatel, l’actuel régime fait la sourde oreille. C’est du moins, ce que rapporte l’Intersyndicale de la Sonatel, par la voix des secrétaires généraux du Syndicat des travailleurs de la Sonatel (Syts). En conférence de presse conjointe avec le Cnts de Mody Guiro, du Syndicat national des travailleurs des Postes et Télécommunications-Section Télécom (Sntpt) et des anciens Sg du Syts hier, mercredi 16 décembre, Babacar Sarr, Ndéye Founé Niang Diallo, tous Sg du Syts, et compagnie ont dénoncé le mutisme de l’Etat du Sénégal face cette «nouvelle forme de colonisation économique».
Ces travailleurs de la Sonatel disent ne pas comprendre le silence des autorités étatiques sur la question, alors que l’Etat est actionnaire et de surcroit, c’est l’Etat qui négocie avec la multinationale. Selon eux, France Télécom (FT) leur mène la vie dure depuis que l’ancien chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, a émis le souhait de nationaliser la boite. Par conséquent, ils demandent à l’actuel régime de réagir avant qu’il en soit trop tard.
Le forcing de France Télécom
Revenant sur le projet de la Direction de la Sonatel, à savoir la mise sur pied d’un GNOC (Global network operating system) composé des 4 pays du Groupe Sonatel (Mali, Sénégal, Guinée, Guinée Bissau) et des 5 autres du Groupe Orange Afrique (RCA, Côte d’Ivoire, RDC, Cameroun, Niger), pour la mutualisation de l’activité d’exploitation de l’ensemble du cœur des réseaux et des plateformes de services, l’Intersyndicale oppose un niet catégorique. A en croire Babacar Sarr et cie, dans le cadre de leur lutte contre l’externalisation des activités de la Sonatel, un document de synthèse retraçant les solutions «co-construites» a été élaboré avec la Direction générale, par la médiation de la Direction générale du Travail et de la Sécurité sociale (Dgtss). Selon lui, il a été décidé de mettre en place un GNOC, qui appartiendrait intégralement au Groupe Sonatel (Sénégal, Mali, Guinée et Guinée Bissau) et géré par les compétences internes. «Grande fût notre surprise qu’en lieu est place de la mise en œuvre des différents points d’accords signés, cette fameuse Direction générale exécutait les directives de FT-Orange sans se soucier de ses propres engagements vis-à-vis des syndicats et des travailleurs», s’indigne-t-il.
Selon lui, c’est un forcing de la multinationale, qui expliquerait ce revirement à 100° de la Direction générale de la Sonatel.
Les magouilles de France Télécom
Ainsi donc, les travailleurs de la Sonatel dégagent en touche les raisons évoquées, notamment le «manque de process, de compétence et d’expertise au sein de Sonatel pour mener correctement les activités des télécommunications de pointe au Sénégal et dans la sous-région». A leur sens, par contre, «c’est une stratégie de FT-Orange dans la zone AMEA (Africa middle East Asia) qui consiste à progresser en camouflage pour, in fine, réaliser l’externalisation de toute la chaine de notre métier pour se l’approprier avant la fin de la convention de concession de Sonatel prévue en juillet 2017».
Craignant entre autres, une perte de l’expertise de la Sonatel dans le domaine des télécoms, un problème de souveraineté pour l’Etat, tout comme un risque de sécurité pour les données des clients, et une précarisation des emplois externalisés vers Huaweï, les salariés de l’opérateur historique du Sénégal en appellent à l’arbitrage de l’Etat. Ils ont ainsi interpellé l’Etat pour une réadaptation du Code des télécommunications vis-à-vis de l’environnement du secteur, un renforcement de sa participation dans le capital de Sonatel. Mieux, Babacar Sarr et compagnie veulent une évaluation exhaustive du partenariat FT-Orange et Sonatel depuis la privatisation de 1997 et un rappel à l’ordre à FT pour la croissance externe du Groupe Sonatel, entre autres. Estimant en outre que l’externalisation est non négociable, ils font savoir qu’un préavis est en gestation.
BRAS DE FER ENTRE FRANCE TELECOM ET LA SONATEL : Les anciens Sg de Sonatel interpellent l’Etat*
Venus épauler leurs successeurs à la tête de l’Intersyndicale des travailleurs de la Sonatel, en conférence de presse hier, mercredi 16 décembre, les anciens Secrétaires généraux du Syndicat des travailleurs de la Sonatel (Syts) ont formulé un certain nombre de recommandations. Pour Gabou Gueye et Ibrahima Konté, tous présidents d’honneur de l’intersyndicale de la Sonatel, il urge que «l’Etat retrouve sa posture de Gendarme éclairé de boussole, par lui même ou ses démembrements en se dotant d’une vision nationale, sous régionale, voire régionale et panafricaine, d’une lettre de politique sectorielle voire trans-sectorielle».
Autre recommandation, et pas des moindres, les anciens Sg veulent «l’organisation d’une vaste concertation nationale prenant en compte l’impact sous régional ainsi que la posture du Président vis-à-vis du NEPAD».
Poursuivant, et notamment par rapport aux problèmes de Sonatel, Ibrahima Konté et cie préconisent entre autres «la conduite de transformation conformément aux recommandations du CA de la Sonatel du 26 septembre 2013, qui indiquait (…) une large concertation avec les partenaires sociaux, les salariés et les autorités, et l’implication de ces deux derniers dans un processus de construction ; la protection des salariés et de leur emploi».
Dans le même sillage, ces retraités de la Sonatel conseillent vivement «le respect de la spécificité du Groupe Sonatel et la transposition concertés des valeurs identitaires de groupe dans ses filiales», sans oublier «le renforcement de la vigilance de l’Etat sur le fonctionnement des entreprises stratégiques Sones, SDE, Sénélec, ICS, Sonatel, Tigo, Expresso et les comportements des partenaires stratégiques repreneurs (FT, Suneor, AIDB/BIN LADEN, etc)».
Quid de ces recommandations formulées à l’endroit des autorités étatiques ? Sur ce point, Ibrahima Konté et Gabou Gueye expliquent que c’est sur la base de 6 constats que ces conseils ont été prodigués. Citant entre autres échauffourées entre l’Intersyndicale et FT, dont notamment le problème des appels entrants, le projet de transformation, le blocage de la croissance externe du Groupe Sonatel, ils ont déploré l’absence d’un «Gendarme» pour siffler la fin de la récréation et de 20 ans de controverse. Cela, malgré les résultats exceptionnels réalisés par Sonatel et le secteur, déplorent-t-ils.