L’école doctorale des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion (EDJPEG) a démarré hier la troisième édition des « doctoriales » qu’elle organise à l’Ucad. Les organisateurs ont choisi cette année « l’intégration » comme thème principale, afin d’unir les forces dans la recherche et faire le bilan de l’intégration sous régionale.
L’intégration sous régionale n’est pas à la hauteur des espérances. C’est le sentiment du professeur Makhtar Diouf qui a animé hier une conférence sur le thème : « L’intégration ». De l’avis de l’économiste, les causes de cet échec sont nombreuses et variées. Le professeur considère la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) comme des bureaucraties sans actes concrets sur le terrain. Ces institutions sont financées à coût de milliards, sans résultats probants, déplore-t-il. Le principal problème, pour le chercheur, c’est le manque d’indépendance des organisations sous régionales. « L’Uemoa est une création française. Elle fonctionne aussi sous la direction du Fonds monétaire international (FMI). Elle est aujourd’hui un facteur bloquant de l’intégration dans cet espace économique », soutient-il. Il explique qu’il est impossible de réussir l’intégration sans un réseau ferroviaire qui relie les pays membres de l’union.
Le professeur Diouf est d’avis que les institutions de Bretton Woods ne sont pas intéressées par le développement de l’Afrique. « Si un pays africain lance un projet de chemin de fer, la Banque mondiale ne le finance jamais. C’est elle-même qui a démantelé le réseau existant, dans les années 1980. C’est la Banque mondiale qui a imposé la suppression du chemin de fer Dakar-Saint-Louis », déplore-t-il. Le professeur Diouf soutient que s’il y avait un chemin de fer reliant Dakar à Ziguinchor, il n’y aurait pas le conflit casamançais. Selon lui, il faut une industrialisation du continent et une indépendance économique. « Ce n’est pas avec des industries de fabrication de bière et de limonade qu’on va se développer. »
‘’En 2013, sur 509 inscrits, seulement 6% ont soutenu leurs thèses’’
Organisée par l’Ecole doctorale des Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion (EDJPEG), la rencontre a aussi été une occasion pour revenir sur cette structure peu visible dans l’espace universitaire. Comme si les maux de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) sont à tous les niveaux, le taux de perdition des doctorants est très élevé. Plus élevé même que le premier et le second cycle. Selon le directeur de l’école doctorale, François Joseph Cabral, en 2013, sur 509 inscrits, seulement 6% ont soutenu leurs thèses. Il reconnaît qu’il y a beaucoup de choses à faire pour atteindre les objectifs. « Nous sommes très loin des standards mondiaux et de la mission qui nous est confiée », a-t-il révélé devant les doctorants. Son prédécesseur à la tête de l’école doctorale, Abdoulaye Sakho, a lui mis l’accent sur l’importance de la recherche.
Venu représenter le recteur de l’Ucad, Abdoulaye Sakho a soutenu que la recherche fonctionne avec les moyens du bord, malgré le faible taux de soutenance des doctorants. Selon le professeur de Droit privé, la recherche doit être au service du peuple et du développement. « Nous devons avoir une université au service de la population et non une institution de savants. Il ne faut pas faire une thèse pour le faire seulement. Il faut faire une thèse pour aider les populations à régler leurs problèmes », a-t-il recommandé aux futurs docteurs en sciences sociales. « Nous les enseignants, nous faisons des recherches commanditées ou pour avancer dans nos carrières. Mais, est-ce qu’on fait la recherche pour faire progresser notre pays ? Je ne suis pas sûr ». Cette activité annuelle, qui implique plusieurs chercheurs, prendra fin le samedi prochain.