Les députés de la douzième législature ont profité hier du passage du ministre de l’Intégration africaine, du Nepad et de la Promotion de la Bonne gouvernance, pour l’interpeller sur le phénomène de la corruption qui, selon eux, n’est pas pour favoriser la bonne gouvernance prônée par le président Macky Sall.
La recrudescence de la corruption sous nos cieux inquiète au plus haut niveau la représentation nationale. Les députés de la douzième législature ont en effet plusieurs fois interpellé hier le ministre de l’Intégration africaine, du Népad et de la Promotion de la Bonne gouvernance sur ce phénomène qui, selon eux, prend des proportions inquiétantes. Selon le député Moustapha Cissé Lo, ‘’la corruption est un phénomène incompatible avec la notion de bonne gouvernance prônée par le président de la République, Macky Sall’’.
Dans un contexte national marqué par une recrudescence du phénomène déploré récemment par la présidente de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac), Nafi Ngom Keita, le député Alioune Abatalib Guèye pense qu’il faut situer les responsabilités. ‘’On ne peut parler de corrompu sans corrupteur. Pour qu’il n’y ait plus de corrompu, il faut que les corrupteurs cessent de corrompre. Si je prends l’exemple de la justice, certains juges sont des fois corrompus pour rendre des verdicts favorables à certains justiciables’’, a lâché le parlementaire. Mais pour sa collègue Hélène Tine, la corruption est un phénomène qui interpelle tout le monde. ‘’La corruption nous interpelle tous autant que nous sommes. Il nous faut des leviers pour agir ensemble’’, a préconisé le député de Bés du niakk. Allant plus loin, le député Omar Diakité indexe même les parlementaires. ‘’Nous les députés, nous sommes véhiculés, avec des bons d’essence et des salaires, mais nous ne venons pas à l’Assemblée. Présentement, moins de 80 députés sont présents dans la salle alors qu’on est au nombre de 150’’, soutient-il comme pour dire que le ménage devrait commencer au sein même de l’hémicycle.
S’intéressant lui aux passations des marchés publics, le député Samba Demba Ndiaye appelle à revoir les procédures et les mécanismes pour ne pas laisser de place, dit-il, à la corruption. Comme moyens efficaces de lutte contre ce phénomène, son collègue Amadou Mbery Sylla de Louga préconise le renforcement des structures déjà existantes telles que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac). A en croire le parlementaire, il n’y a pas meilleure façon de freiner le phénomène que la reddition des comptes qui est un moyen efficace. Mais pour la députée de l’opposition Fatou Thiam, l’Etat fait plus dans le populisme dans le cadre de la lutte contre la corruption. Malgré les sanctions promises par le régime actuel pour combattre les marchés de gré à gré, jusqu’ici aucun acte concret n’est posé, selon elle. Pis encore, Fatou Thiam estime que le régime, en encourageant le ralliement à l’Apr de certaines personnalités politiques épinglées par le rapport 2008 de la Cour des comptes, ne vient pas arranger les choses. ‘’L’Etat nous avait promis des sanctions. Jusqu’ici, il n’y en a pas. Vos alliés de la Ld ont récemment exigé ces mêmes sanctions, où en êtes-vous ?‘’ persifle-t-elle.
‘’Le marché de gré à gré n’est pas lié à une malversation financière’’
Répondant aux multiples questions qui ont été soulevées par les députés, le ministre a tenu d’abord à déclarer que ‘’la justice peut s’autosaisir dans les différents rapports d’audits’’. Toutefois, il a tenu à préciser que ‘’tous les marchés ne requièrent pas d’appels d’offres’’. ‘‘Le marché de gré à gré n’est pas lié à une malversation financière. Il s’agit de voir si les procédures sont respectées et vérifier si les choses sont conformes à la loi. Maintenant il peut arriver qu’on gagne en lançant un appel restreint’’, a-t-il souligné tout en appelant les parlementaires à ne pas confondre non-respect des procédures et malversation financière. Khadim Diop a en outre, rappelé aux députés que des sanctions ont bel et bien été prises contre des gens qui ont été épinglés par des rapports. ‘’Certains citoyens qui sont passés à la Crei ont été épinglés par ces rapports. Les sanctions sont une affaire de la justice, elles ne peuvent pas être automatiques. Il y a plusieurs degrés dans un rapport d’audit‘’, a-t-il expliqué.
Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, le ministre de la Bonne gouvernance estime qu’il faut continuer les processus déjà enclenchés et qui ont valu au Sénégal de progresser dans les indices de notation de bonne gouvernance tant au niveau de l’indice de Transparency international que du Mo Ibrahim. Malgré tout, Khadim Diop a appelé à l’engagement de tous les citoyens dans ce combat contre la corruption.
Le budget du ministère de l’Intégration africaine, du Nepad et de la Promotion de la Bonne gouvernance a connu une hausse. De 936 331 180 F CFA en 2015, il est passé à 1 119 933 780 F CFA en 2016, soit une hausse de 183 602 600 F en valeur absolue.