La Fonction publique sénégalaise est le terreau des indemnités et des primes. Ce sont des formes de sursalaire dont bénéficient surtout les dirigeants des institutions politiques et des agences, outre les charges de personnel déjà élevées de ces entités. C’est ce que révèle le rapport de synthèse sur l’Etude sur le système de rémunération au sein de l’administration sénégalaise dont Le Quotidien détient une copie. Mgp-Afrique, le cabinet auteur de ce document confidentiel, recommande des corrections à court terme si l’objectif est d’arriver à des émoluments équitables pour tous les travailleurs de l’Etat et d’éviter des mouvements d’humeur dans certaines administrations.
Par Birame FAYE
Confiée au cabinet Mgp-Afrique à la suite d’un appel d’offres, l’Etude sur le système de rémunération au sein de l’administration sénégalaise révèle des avantages hors salaire, parfois taillés sur mesure, pour les patrons des institutions du pays et des agences nationales. «Mais au total, l’évolution des grilles, la prolifération des primes et indemnités, les augmentations successives de la rémunération des agents de l’Etat, aussi bien en valeur absolue qu’à travers l’accroissement de la valeur du point d’indice, combinées à la reprise des recrutements et aux reversements effectués, ont conduit à un accroissement de la rémunération des agents et consécutivement, à une forte progression de la masse salariale au cours des quinze dernières années, surtout dans sa composante primes et indemnités», renseigne le rapport de synthèse en date du 27 octobre 2015. Pour l’année 2014, la masse salariale annuelle a atteint 485,2 milliards de francs Cfa, pendant que les recettes fiscales se sont arrêtées 1 482,5 milliards.
Toutefois, l’étude n’a ciblé que les 71 mille 358 employés de l’Administration centrale. Elle n’est pas particulièrement intéressée aux charges de personnel des institutions et des forces de sécurité et de défense, des établissements à caractère industriel et commercial, des sociétés nationales et à participation majoritaire de l’Etat, des fonds non dotés de la personnalité juridique, des projets et programmes. La mission de Mgp-Afrique est tout de même arrivée à la conclusion suivante : «Il est notoire que ces chiffres, tirés des dépenses imputées au titre II (Dépense de personnel) du budget de l’Etat, n’incluent pas celles afférentes au personnel des institutions, ni ne tiennent compte des dépenses de personnel imputées sur les crédits de matériel, voire sur les dépenses communes.»
Jusqu’à 150% du salaire, profils ignorés
Le cabinet en déduit qu’il est «facile de mesurer à leur juste valeur les contraintes liées au respect de l’exigence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa)», selon laquelle la masse salariale doit être inférieure ou égale à 35% des recettes fiscales.
Mgp-Afrique a identifié 85 types de primes et indemnités dont bénéficient des agents de l’Etat souvent haut perchés. Il a, en outre, constaté «une confusion dans les destinations et les dénominations» de cet avantage. En plus du fait que «l’attribution de ces primes ne se justifiant pas toujours», il y a de nombreux cumuls pour la même fonction. Le rapport révèle une «ampleur», des «redondances», de «fortes disparités», de «l’incohérence» et un «manque de transparence dans le système des primes et indemnités attribuées». Si bien qu’elles sont plus élevées que les salaires de base. Parfois, elles s’élèvent «jusqu’à 150%». Si les incidences financières du reversement dans la Fonction publique des personnels de santé et de l’enseignement tels que les volontaires et les vacataires ont un impact sur la hausse de la masse salariale, la mission a par ailleurs analysé 390 échelles indiciaires. Elle remarque que «la structuration indiciaire, base du classement catégoriel des agents de l’Etat, bien que logiquement organisée, ignore les profils des emplois dans la fonction publique». Il s’y ajoute l’obsolescence de la grille par rapport aux «diplômes octroyés par les systèmes actuels d’enseignement», «le recours récurrent à des formes de rémunération non liées aux échelles indiciaires à travers l’octroi de solde globale ou de grosses indemnités de fonction».
Multiplication des contrats spéciaux, salaires des Pca
Mgp-Afrique indexe par ailleurs «la multiplication des contrats spéciaux, dont la majorité des titulaires bénéficient de niveau de rémunération sans commune mesure avec ceux des autres agents». Qu’ils soient fonctionnaires ou non. Le cabinet déplore le paiement de salaires aux présidents de Conseil d’administration ou de surveillance des agences nationales où l’on a noté «une forte migration des fonctionnaires». Le rapport de synthèse révèle que, «malgré les efforts de rationalisation, la rémunération de leurs dirigeants reste toujours élevée par rapport à celles des cadres de l’Administration». En plus, les sursalaires peuvent varier de 60% à 150%. D’après ce document, le caractère budgétivore de ces entités se manifeste à travers la non-maîtrise des salaires de leurs différentes catégories de travailleurs.
A court terme, l’étude recommande une révision des salaires «à net fixe» et/ou des indemnités de fonction des responsables de certaines institutions et structures de l’Etat, «lesquelles sont du reste sans commune mesure avec les émoluments du personnel politique, ainsi que des présidents des institutions républicaines et des autorités administratives indépendantes». Plus précisément, selon Mgp-Afrique, il s’agit des hautes juridictions, de l’Ofnac, de l’Inspection générale d’Etat, des agences nationales et structures assimilées et des établissements publics de santé.