Au Sénégal dans le cadre de la Foire internationale du livre et du matériel didactique (Fildak), l’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome a accepté d’échanger avec des élèves sur son œuvre ‘’Le ventre de l’Atlantique’’. Trouvée au lycée Thierno Seydou Nourou Tall de Dakar, celle qui se définit comme une Franco-sénégalaise a accepté d’aborder avec EnQuête d’autres sujets d’actualité tels que la montée du terrorisme en Afrique, l’éventuelle interdiction de la Burqa au Sénégal ainsi que de l’émigration clandestine. Elle n’a pas non plus manqué de répondre dans cet entretien à ceux qui l’avaient traitée ‘’d’ingrate’’ après sa sortie dans l’émission ‘’ce soir ou jamais’’ diffusée sur France 2 en avril passé.
Comment vivez-vous la montée du terrorisme en Afrique ?
Je la vis mal. Moi, mes grands-parents étaient des ‘’ceddo’’. Nous les Africains devons toujours nous souvenir de notre histoire. D’accord aujourd’hui en Afrique, il y a des chrétiens et il y a des musulmans. Mais l’Afrique christianisée ou musulmane est une Afrique colonisée. Il faut toujours se souvenir de ça. Souvent tous les peuples du monde croient en ce dont avaient cru leurs aïeux. Il n’y a que les Africains qui ont des dieux qui ne sont pas ceux de leurs ancêtres. On a été islamisé ou christianisé. C’est quoi la culture de nos ancêtres ? Le Sénégal ne connaît que la culture pacifiste. Pour les animistes, toux ceux qui étaient vivants avaient le droit d’exister, étaient légitimes et respectés. Donc, moi je ne peux pas croire en quelqu’un qui dit qu’il croit en Dieu et qui peut terroriser quelqu’un d’autre ou s’attaquer à la vie de quelqu’un d’autre.
Cet islam-là, moi je ne peux pas le comprendre. Peut-être que ce sont des gens qui ont des histoires politiques à défendre. Dans ce cas, il faudrait qu’ils le fassent sans mettre la religion dedans. Parce qu’il y a beaucoup de gens qui croient en Dieu et qui n’ont aucune envie de faire du mal à personne. Ces gens-là devraient pouvoir pratiquer leur religion en paix sans qu’on ne les regarde avec des soupçons, que cela soit en Afrique ou à l’étranger. Mais souvent, les gens ont des revendications politiques à faire et à un moment donné. Il faut qu’ils puissent juste revendiquer sur le terrain des idées et de la politique et ne pas mettre la religion à toutes les sauces.
Qu’est-ce que cela vous fait que l’islam soit souvent associé à la violence ?
Vous savez moi, si quelqu’un prend un bout de bois et crois en cela c’est son problème. Je n’ai aucun problème avec ces histoires de religion. Ce que je veux, c’est que personne ne s’occupe de ma relation entre Dieu et moi. Je pense que la religion est une conviction intime. Chacun est libre de croire en ce qu’il veut. Ce n’est pas quelqu’un qui va décider de ce qui va se passer dans ma tombe. Quand quelqu’un parle mal d’une religion, pourquoi se lever et dire que je vais défendre cette religion comme si on était la sentinelle de Dieu. C’est arrogant. Est-ce que Dieu a élu quelqu’un mieux que les autres pour défendre la religion ? Nous sommes tous des créatures de Dieu.
Le Sénégal pourrait aller vers l’interdiction de la Burqa, selon le Président Sall. En tant que femme et intellectuelle, qu’est-ce que vous en pensez ?
Je n’en pense rien du tout. Il suffit de me regarder. Si j’étais d’accord avec ça, j’en porterais une. Ce n’est pas le cas. Il suffit de me regarder pour voir en quoi je crois. Moi, je me bats pour une femme sous la lumière, au soleil, pour la liberté d’exister. Si le corps des femmes était absolument vilain et insupportable, Dieu l’aurait caché. Ce n’est pas par hasard que Dieu nous a donné des cheveux. Alors, s’Il avait pensé que le corps des femmes était insupportable, Il aurait fait pousser des cheveux sur tout notre corps de femme. Il ne l’a pas fait. Moi, je suis une créature de Dieu. Je ne vois pas pourquoi l’être humain va décider de cacher ce que Dieu Lui-même a dévoilé. Je ne peux pas accepter qu’on cache les femmes. Mon corps n’est pas plus indécent que le corps de quelqu’un d’autre. Je n’ai aucune raison de cacher mon corps. Et si mes cheveux posent un problème à un homme, c’est que cet homme a des problèmes de gestion de sa propre libido. Dans ce cas, qu’il prenne un psychologue. Je ne peux rien pour lui.
Sur un plateau de télé en France, vous disiez : ‘’nous serons riches ensemble ou nous allons nous noyer ensemble’’, vos propos ne sont-ils pas trop radicaux ?
Non, ce ne sont pas des propos radicaux. Nous serons riches ensemble ou nous allons tous nous noyer ensemble. Quand je dis nous serons riches, je fais référence aux richesses qui appartiennent à ce monde. Il y a des pays qui ont des ressources, des matières premières. Il y a des pays qui ont la science et la technique pour les transformer. Ils ont des outils technologiques qui permettent une industrialisation. Il y a des pays qui ont le savoir et l’argent pour investir. Il y a d’autres pays qui ont les ressources et qui n’ont pas l’argent pour investir.
C’est la combinaison de tout ça qui peut aider l’humanité à aller bien. Pendant très longtemps, les communautés humaines ont organisé leur existence les unes au détriment des autres. Cela ne peut plus continuer comme ça. Parce que l’état d’évolution des connaissances aujourd’hui et l’état de développement intellectuel de tous les peuples du monde sont arrivés à un niveau tel qu’on ne peut plus exploiter un peuple sans trouver des gens en leur sein qui vont se soulever pour réclamer plus de dignité, plus de respect. Donc, on ne peut plus exploiter quelqu’un et faire semblant de l’aider. Ce n’est plus acceptable. Exploiter ne sera plus du tout un mode de survie pour aucune communauté. Il faut partager et entretenir un partenariat absolument équilibré, réciproque et responsable. Il ne faut pas me donner tes restes et vouloir me faire croire que tu m’aides. Moi, je suis entre l’Europe et l’Afrique, j’aime les deux. J’avais déjà dit dans un entretien avec vous que je ne suis pas une immigrée complexée. Je suis vraiment de nationalité franco-sénégalaise. Je respecte ces pays, je les aime. J’en ai besoin. C’est comme les enfants avec leurs père et mère. J’ai vécu la moitié de ma vie en France. Il y a des choses en Europe que j’adore, je les revendique.
Il y a des choses aussi que je critique exactement comme au Sénégal. Il y a des choses que j’aime ici. Il y a des choses que je voudrais changer. Maintenant, au milieu de tout ça, on a la relation entre l’Europe et l’Afrique. Pendant très longtemps, l’Afrique a été dans son statut de dominé. Alors, se plaindre pendant des siècles ne peut plus durer. Il faut arrêter de se plaindre pour jouer dans un rapport absolument plus équilibré et sans complexe. Si j’ai quelque chose à vendre, je veux le juste prix. Si on payait à l’Afrique le juste prix de ses matières premières, elle n’aurait plus besoin d’aide humanitaire. A un moment donné, il faut que l’Afrique trouve l’aide humanitaire absolument infamante et réclame le prix de ses propres biens.
Pour vous, l’Afrique est exempte de tous reproches dans cette histoire d’émigration clandestine ?
Non, non pas du tout. En Afrique, le problème, c’est souvent quand vous allez dans un pays, tous les intellectuels du pays veulent être Président. Dans la jungle, même quand il y a une meute, il y a un dirigeant. Tout le monde ne peut pas être chef. A un moment donné, il faut la bonne personne à la bonne place et que les autres acceptent de travailler avec elle, la soutenir et avancer. Mais malheureusement, à chaque fois que quelqu’un prend le pouvoir quelque part en Afrique, d’autres se battent pour le destituer, pour mettre quelqu’un d’autre. L’instabilité politique ne favorise pas le développement quel que soit le pays, en Europe comme en Afrique. Tant que l’Afrique sera incapable de maintenir sa stabilité politique, elle sera toujours dans les difficultés. La critique des autres n’est valable que si on est capable de faire son autocritique.
Il faut que nous soyons aussi exigeants. Il faut que l’Afrique puisse donner un espoir à sa propre jeunesse. Il faut que l’Afrique accentue la formation. Il faut que l’Afrique développe l’éducation. Il faut que l’Afrique lutte contre la déscolarisation précoce par exemple des filles. Il faut aussi franchement trouver du travail aux jeunes qui risquent leurs vies pour l’Europe. C’est difficile bien sûr.
Quand il y a une crise politique ou une guerre, on peut comprendre que les gens partent. Mais quand on est dans un pays pacifiste ou pacifié et que les gens éprouvent quand même le désir de partir pour trouver un rêve possible quelque part, cela veut dire qu’il y a intrinsèquement quelque chose qui fonctionne mal chez nous. Donc, des dizaines d’années après l’indépendance, on ne peut pas toujours dire que c’est la faute de l’Europe. Ça, ce serait dire que nous sommes des moutons. Ou nous sommes indépendants et dans ce cas nous sommes responsables aussi, ou nous disons que c’est la faute des autres et cela veut dire que nous sommes comme des moutons et nous sommes complètement dépendants. A un moment donné, il faut choisir. On ne peut pas parler d’indépendance et dire que tout ce qui nous arrive, c’est la faute des autres. Ce n’est pas vrai.
La réaction de l’Europe face aux flux migratoires n’est-elle pas un réflexe normal ?
La Syrie est en guerre. Si votre maison prend feu, vous allez vous enfuir peut-être chez votre voisin. C’est juste une nécessité de survie. Quand il y a une guerre dans un pays, c’est normal que les gens partent. L’Europe aussi a connu ça. Vous savez, à la fin de la deuxième guerre mondiale, il y a des gens qui sont partis d’Europe pour aller en Argentine, en Afrique du Sud, aux USA. C’est la paix qu’ils allaient chercher là-bas que d’autres viennent chercher chez eux. Quelque part, c’est une logique qu’on peut aussi comprendre. Là, les gens sont en paix au Sénégal parce que tout va bien. Mais s’il y avait des problèmes, ils iraient chercher la survie quelque part.
Le Sénégal est un pays stable ; malgré tout les gens partent à bord d’embarcations de fortune vers l’Europe. N’est-ce pas normal que l’Europe se barricade face à de tels migrants ?
Les gens qui partent en Europe pour des histoires économiques sont différents de ceux-là dont je parle. Eux sont des migrants économiques. Ils sont différents des réfugiés. Ces derniers sont protégés par la convention de Genève relative au droit d’asile. Ce n’est pas la même catégorie de voyageurs ou de migrants. Moi, je ne suis pas une députée ni une ministre. Je suis entre ces deux pôles. Je pense que c’est légitime de réclamer plus d’accueil quelle que soit la couleur de la peau, quel que soit le pays d’accueil. Si des Gambiens venaient ici, je demanderais qu’on les accueille. Et si j’étais en Gambie et que des Sénégalais demandaient asile, j’aurais la même réaction, tout simplement au nom d’un principe de respect des droits de l’être humain.
Ce respect des droits de l’être humain, je le réclamerai pour n’importe qui sur cette planète. Si vous êtes dans l’insécurité chez vous, qu’il y a un drame politique ou une guerre et que vous voulez être accueilli quelque part, je trouve qu’en tant qu’être humain, c’est un devoir pour ce pays de vous accueillir. Maintenant, il faut questionner la situation de l’Europe. Dans les années 1960 ou 1970, c’était plus facile pour les Africains de trouver du travail là-bas. La situation économique pouvait le permettre. Mais aujourd’hui, en Europe aussi, il y a la crise. Je comprends la détresse des gens qui veulent aller trouver du travail là-bas mais je dois être suffisamment honnête pour dire qu’il y a des gens qui partent, pensant qu’ils vont trouver une solution mais qui ne trouveront aucune solution.
Parce que déjà là-bas, il y a des gens qui sont au chômage et qui ne trouvent pas du travail à cause de la crise économique. Il faut juste que les gens qui partent comprennent qu’aujourd’hui, aller en Europe en pensant qu’on va y trouver toutes les solutions n’est pas possible. Ce n’est pas comme ça. L’argent que certains peuvent payer à des personnes pour aller en Europe, si elles l’investissent dans leurs propres pays, elles pourraient créer des choses. Sinon c’est une mafia qui exploite la misère des gens.
La mort d’un réfugié syrien a beaucoup ému l’Europe, plus que d’ailleurs la tragédie de Lampedusa avec plus de 1 500 morts. Comment expliquez-vous cela ?
Là, c’est un enfant. Je crois que ce n’est pas une histoire de couleur ou de pays. Vous savez un enfant, c’est quelqu’un qui va vers la vie. Ce n’est pas quelqu’un qui est en fin de vie. Toute mort est choquante, c’est vrai. Tous les décès sont douloureux. Mais un enfant, c’est quelque chose qui touche l’innocence, qui interroge tous les peuples. Un enfant noir, chinois ou blanc, ça toucherait les gens de la même manière. Un enfant, c’est l’ange et l’innocence qui meurent. Quand cet enfant meurt, il y a quelque chose de nous qui est bouleversé. On peut être sensible à ça parce qu’on est une mère, une grand-mère ou qu’on a déjà perdu quelqu’un de sa famille.
On peut être aussi sensible à ça parce que tout simplement on se dit : je suis un être humain, j’ai un certain âge, je rêve de vivre encore d’autres années, et ce malheureux enfant n’a pas eu la chance de découvrir la vie avant de la quitter. Je pense que c’est cela qui a bouleversé les gens. D’autre part, il y a le fait que la victime est connue. Elle a une identité. Alors que Lampedusa, c’est 1 700 morts. Vous avez un chiffre. C’est terrible à dire mais l’horreur devient habituelle. C’est-à-dire que quand les gens ont l’habitude de mourir en masse, par centaines, par milliers comme ça, à un moment donné, peut-être que les gens regardent ça aux infos et continuent de dîner. Mais quand on vous dit que c’est un petit, on vous donne son nom, on voit une photo de famille, etc. cela bouleverse les gens. C’est parce que la victime est identifiée.
Après votre sortie médiatique en avril, certains de vos collègues français vous ont traitée ‘’d’ingrate’’ parce que la France vous a tout donné et vous vous retournez pour l’insulter. Que leur répondez-vous ?
C’est leur problème. Je paie mes impôts. Socrate parlait de l’art d’accoucher les esprits. Si on les accouche, c’est qu’il y avait déjà quelque chose dedans. Moi, je suis une Africaine. Je suis venue en France et j’ai appris énormément de la France. C’est aussi mon pays. Et c’est aussi un pays qui est dans mon cœur. Je le dis partout. Je suis de nationalité franco-sénégalaise. J’aurais pu quitter la France et aller vivre ailleurs. J’ai décidé d’y rester parce que j’aime ce pays. Cette culture-là est dans mon cœur. S’il y a des gens qui pensent que je suis ingrate vis-à-vis de la France parce que j’ai critiqué la France, c’est leur problème.
Encore que dans cette émission, on n’a même pas parlé de la France. On a parlé de l’Europe d’une manière générale avec l’accueil des réfugiés. Je leur dirai tout simplement que quand on regarde la devise de la France qui est ‘’liberté - égalité – fraternité’’, elle est suffisamment généreuse pour nous autoriser de l’interroger et lui demander en permanence sa mise en application. La France ne m’a pas adoptée pour que je sois la moins libre de ses enfants. La France m’a adoptée pour que je sois une Française comme n’importe quelle autre, c’est-à-dire avec les mêmes droits et avec les mêmes devoirs. J’utilise mon droit et en tant qu’artiste, j’utilise ma liberté d’expression comme je l’entends. C’est aussi ça la liberté que la France promeut dans le monde, offre à ses enfants et partage entre tous ceux qu’elle a décidé d’accueillir.
Vous avez échangé avec des élèves du lycée Seydou Nourou Tall, comment trouvez-vous leur niveau scolaire ?
J’ai trouvé qu’ils étaient bien. J’ai d’ailleurs complimenté l’une des élèves qui parlait très bien avec des mots très bien choisis. Et ça, c’est une remarque qu’on entend souvent par rapport à l’Afrique. On dit que les étudiants africains parlent comme des livres. On me le disait quand je venais d’arriver en France. Les étudiants s’appliquent parce que ce n’est pas leur langue maternelle. On veut être dans un bon niveau. On a plus d’exigence. On veut réviser. On veut maîtriser la langue. On veut la dompter quelque part. On veut l’assouplir. Tout ça, c’est un rapport que nous avons à la langue française. Je leur ai dit : ‘’regardez le français comme une de vos langues d’Afrique.’’ Parce que ce français vous a devancé dans votre propre pays.
Vous êtes né dans ce pays. Vous utilisez les richesses que vous y avez trouvées. Le français, c’est une de ces richesses-là. Moi, je n’ai pas du tout ce complexe colonial. Je sais juste que si mes livres sont lus aujourd’hui au Japon ou en Suède, c’est parce qu’ils ont été écrits en français et traduits dans ces langues. Ce qui n’est pas du tout antinomique avec le fait de parler parfaitement sérère et parfaitement wolof. On peut enseigner le wolof, le sérère mais aussi le français. Faire du populisme, dresser les gens contre le français soi-disant pour défendre les langues nationales, c’est mettre le Sénégal en retard. Je vais vous dire une chose : si vous vous enfermez dans vos langues locales, au niveau international personne ne sait qui vous êtes. Et si vous voulez porter la voix de votre peuple à l’international, vous avez intérêt à ouvrir une plus grande porte. C’est-à-dire une langue qui nous permet d’avoir un lien avec le reste du monde.
Même si on dit langue coloniale, en Afrique, on a besoin du français, de l’anglais et de l’espagnol pour communiquer avec le reste du monde. Dire cela ne signifie pas que notre culture est moins importante. Elle est importante et on peut l’utiliser. Moi, parler français ne m’empêche pas de parler sérère et wolof. Enseigner le français n’empêche pas les ex-colonies de décider d’enseigner leurs langues locales exactement comme au Sénégal où on peut étudier le sérère, le wolof, le diola ou le halpular à l’université. On n’a pas besoin de taper sur les autres pour mieux nous défendre. Au lieu de se battre contre, il faut se battre pour. Quand on se bat pour quelque chose, quand on trouve un obstacle, on va essayer d’affronter cet obstacle. Moi je ne me bats pas contre le français. J’adore cette langue. Je n’ai pas le complexe victimaire comme le français me domine. Non, le français ne me domine pas. C’est une de mes langues africaines.
Aujourd’hui comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique ?
L’avenir de l’Afrique, il faut qu’on puisse se dire que ça dépend des Africains. Quand vous êtes dans votre maison, l’état de votre maison, ce n’est pas le voisin qui doit en décider. C’est vous-même. L’avenir de l’Afrique, c’est la jeunesse africaine qui doit la régler, ce ne sont pas des leçons venues d’ailleurs. L’avenir de l’Afrique, c’est un partenariat avec les autres. Parce qu’on a aussi des choses à apprendre des autres. Moi, je ne crois pas à une fierté africaine renfermée sur elle-même. Je crois à une fierté africaine très consciente de ce qu’elle a comme richesse, qu’elle possède. D’une Afrique prête à échanger et à prendre les échanges partout où elle se trouve et se dire : nous aussi on peut se développer sans être dans un rejet de l’autre, en restant dans la culture. Vous savez, le Sénégal, c’est le pays de la teranga. Moi, je suis fière quand des gens me disent : j’ai été au Sénégal, j’ai été très bien accueilli. Moi, c’est cette Afrique-là qui me plaît.
On peut être solidaire, généreux sans être naïf ou dupe. Il est temps que l’Afrique se réveille pour dire : je suis fière mais je ne suis pas égocentrique. Oui pour l’Afrique fière et debout. Je suis contre l’afro-centrisme parce que toutes les fois où des peuples ont été ethno-centrés, ça a toujours donné de mauvais résultats dans l’histoire. J’estime que l’Afrique a une grande histoire derrière elle pour savoir ce qu’elle doit cultiver et ce qu’elle doit éviter. Je pense que l’Afrique doit lutter pour la paix, une paix durable et dans tous les pays africains. Il lui faut aussi cultiver un peu un esprit panafricain. Parce que tant qu’on ira toujours sur le champ de la mondialisation en bataillon dispersé comme cela se fait actuellement, nous ne gagnerons aucune bataille. Qu’elle soit économique, diplomatique ou scientifique. A un moment donné, il faut que les Africains fassent de leur multitude une force unie. Elle sera ainsi plus efficace.
Après la sortie de votre ouvrage ‘’Impossible de grandir’’, comment a réagi votre entourage ?
Ce n’est pas l’entourage qui est important, c’est ce que le texte dit qui l’est. Mon entourage, c’est vous, ce sont tous mes lecteurs, tous les Sénégalais. Pour moi, ‘’Impossible de grandir’’, c’est une façon de regarder les tares de notre propre société et proposer la discussion. Par l’écho médiatique qu’il y a eu, les réactions, les lettres que j’ai reçues, j’ai compris que la société sénégalaise était vraiment mûre pour interroger son passé mais aussi son présent afin d’améliorer la situation des enfants d’une manière générale. Donc, ça m’a touchée que les gens réagissent d’une manière positive.