Dans le bus n°49 qui relie Guediawaye, une banlieue de Dakar, à Ngor, un quartier chic, deux photos d’hommes enturbannés se balancent sous le tableau de bord du conducteur, accompagné d’une musique en fond sonore qui fait l’éloge des guides religieux communément appelés "les marabouts".
Les images de marabouts dans un atelier à Dakar
Au Sénégal, les marabouts ne partagent pas leur vedettariat et gloire, ils sont les seules stars. Et cela se voit à tous les coins des rues où leurs images sont affichées quotidiennement comme lors des campagnes électorales.
Soit sur les panneaux publicitaires de 12m2 pour annoncer un grand évènement qu’ils préparent (séminaires, conférences…) ou sur les murs, dans les taxis, bus, les ateliers de coutures, salons de coiffures, maisons.
Les photos des Serigne (marabout en Wolof, langue majoritairement parlée au Sénégal), des t-shirts à leurs effigies, les porte-clés se vendent comme de petits pains dans certains commerces ou par des vendeurs à la sauvette.
Les posters des chanteurs connus tels que Youssou Ndour, Coumba Gawlo ou de Ekon, le chanteur américain d’origine sénégalaise ou d’autres vedettes du football sont rangées dans les tiroirs. Dans les rues de Dakar, si les mélomanes raffolent les musiques de Beyoncé ou celles de Rihanna, leurs belles plastiques ne se voient nulle part.
Le Sénégal est un pays ou 95% de la population est musulmane et les habitants sont très attachés aux croyances mystiques.
"Ici au Sénégal les stars ce sont les marabouts. Les Sénégalais aiment bien afficher leurs images dans les magasins, taxis. Ailleurs, on aurait pu voir Bob Marley, Didier Drogba ou autres. C’est la particularité ici", raconte Aladji, couturier ivoirien dans un centre commercial à la médina, un quartier populaire de Dakar.
Dans les taxis et les bus de l’Association de financement des transports urbains, impossible de ne pas se retrouver nez à nez avec les images des plus grands marabouts notamment celles de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké et de son petit-fils Chérif Fallilou Mbacké ou des imposants lutteurs sénégalais au torse nu à la hanche et aux bras ornés d’amulettes.
Né en 1853 et mort le 19 juillet 1927, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké est le plus grand Serigne Touba (le marabout de Touba, 203 km au Centre de Dakar) et fondateur de la confrérie des Mourides dont est issu l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade. Sa seule photo sur laquelle il est de tout blanc vêtu, est la plus reproduite sur les murs, dans les bus et taxis.
Sa notoriété est telle que traverser la ville de Dakar sans apercevoir l’image du Serigne de Touba est quasi impossible.
Ahmed, la trentaine et couturier à la Médina ne jure que par son marabout Ahmadou Bamba dont l’image est bien visible sur le mur orangé de son atelier. Devant sa machine, en débardeur, le jeune ne tarit pas d’éloges envers ses marabouts. Il prend plaisir à les nommer chacun.
"Ce sont les plus grands marabouts de Touba (…) nous les aimons et les respectons", dit fièrement Ahmed en wolof, traduit dans un français approximatif par un ami amusé.
Toutes ces multiples images des Serigne pourraient traduire une dévotion "démesurée" qu’a le peuple sénégalais envers leurs chefs religieux.
Une thèse que rejette Thiam chauffeur de taxi à Dakar qui estime que ces serigne sont considérés comme des chefs religieux, des disciples du prophète Mahomet "Paix et salut sur lui".
"Les sérigne ce sont eux qui nous montrent le chemin du prophète Mahomet. Ils prient pour nous et pour la prospérité de nos activités", explique M. Thiam tout en fixant les quelques photos de marabouts affichées sur le tableau de bord de son véhicule.
Au Sénégal, le marabout a le premier et le dernier mot, ce sont eux les vedettes.
Le 1er décembre aura lieu le Grand Magal, une commémoration du départ en exil de Ahmadou Bamba. L’annonce de cette grande fête de la confrérie des Mourides passe déjà en boucle dans les différents médias au Sénégal.
Selon certains Sénégalais, les rues de Dakar seront désertes lors de cette célébration.
LIB