La gestion des flux migratoires qui déversent sur les terre-pleins du vieux continent des centaines de milliers de migrants venus aussi bien d’Afrique que d’Europe de l’Est ainsi que les nécessaires dynamiques de résolution des causes profondes du problème sont au centre de la conférence internationale qui s’est ouverte hier, mercredi 11 novembre, à la Valette (Malte).
Réunissant plus d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique, d’Europe et de pays invités, le Sommet dit de Malte entend être un moment décisif pour la re-médiation des questions migratoires, en s’appuyant sur les processus de coopération existant entre les deux continents.
La Valette (100.000 âmes), capitale de Malte a accompli hier, mercredi 11 novembre 2015, le coup de réunir plus d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, de l’Afrique et de pays non membres de ces sphères géopolitiques mais invités, autour d’une problématique qui prend de plus en plus de l’ampleur : les flux migratoires vers le vieux continent.
En présence d’une foultitude de dirigeants dont Angela Merkel d’Allemagne, François Hollande de France, Alexis Tzipras de Grèce, David Cameron de la Grande Bretagne, MackySall du Sénégal, Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, Ali Bongo du Gabon, Ibrahima Boubacar Keita du Mali, Idriss Déby du Tchad, Michel Kafandoo, président de la transition burkinabé, entre autres, le Sommet de Malte a ouvert ses volets pour diagnostiquer les racines du mal et y trouver solutions.
Réunissant les dirigeants des 28 pays membres de l’Union européenne et les chefs d’Etat et de gouvernement de pays africains d’origine ou de transit des migrants à destination de l’Europe, le sommet de Malte entend se fonder sur les processus de coopération existants entre les deux continents pour répondre de manière dynamique au phénomène de la migration.
S’exprimant au nom des Etats africains présents au sommet, le président Macky Sall a tenu à faire savoir que « seule une approche globale, durable et concertée » pourra permettre de régler la question migratoire. Précisant par ailleurs que l’Europe et l’Afrique ne peuvent pas s’ignorer en raison des liens historiques et géographiques qui lient les deux continents, le chef de l’Etat sénégalais a invité à la construction d’un avenir prospère face à l’appel illusoire du Grand large, par le biais du règlement des causes profondes des flux migratoires (instabilité politique, malaise économique entre autres raisons).
Prenant alors position sur l’exemple de la Cedeao et même du Sénégal qui, à travers des initiatives innovantes (mise en place d’une carte d’identité biométrique, Domaines agricoles communautaires) essaient de résorber le phénomène migratoire, surtout celui des jeunes, Macky Sall a plaidé pour une migration maîtrisée qui tourne le dos à la « politique des barricades ». En somme, une vision humaniste des flux migratoires qui met en place des solutions structurantes par le biais de la coopération et non pas des mesures forcenées, à l’instar des centres de rétention dans les pays d’accueil ou de transit.
Au cours de ce sommet qui s’étale sur deux jours (11 et 12 novembre), les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne échangeront sur cinq domaines spécifiques. Le premier est de remédier aux causes profondes du problème de l’immigration en s’efforçant de contribuer à établir la paix, la stabilité et le développement économique. Le deuxième aspect consiste à intensifier les travaux visant à promouvoir et organiser les voies de migration légales. Il est aussi question de renforcer la protection des migrants et des demandeurs d’asile, en particulier des groupes vulnérables, de s’attaquer plus efficacement à l’exploitation et à la traite des migrants, voire de coopérer plus étroitement afin d’améliorer la coopération en matière de retour et de réadmission. A noter enfin que dans le cadre de la gestion du phénomène migratoire, l’Union européenne a décidé de mettre en place un fonds fiduciaire de 800 millions d’euros (près de 500 milliards de Fcfa).
MACKY SALL SUR LE SOMMET DE MALTE : « Les Africains ne seront pas là pour la charité»
Le président de la République Macky Sall est formel. Les pays africains qui participent au Sommet de Malte sur la question migratoire « ne seront certainement pas là pour la charité». A l’issue de son audience avec le Chef de l’Etat gabonais Ali Bongo, à quelques encablures de l’ouverture de la rencontre Europe-Afrique, le Président sénégalais a tenu en effet à faire savoir que les pays africains ont mis en place des stratégies innovantes de fixation de la frange jeune et de création d’emplois. Dans la recherche de solutions aux flux migratoires, il importe seulement que l’Europe accompagne de manière « forte et décisive » ces politiques et programmes ad hoc.
« Nous avons des politiques nationales en matière en matière de fixation de la jeunesse, de perspectives d’emplois. Si l’Europe vient en partenariat dans ce cadre et de manière forte et décisive, je pense que nous pourrons régler ce problème », a ainsi affirmé le Président Macky Sall qui sortait d’une audience avec son homologue gabonais Ali Bongo, en marge de l’ouverture du sommet de la Valette. Fort de cette conviction, le chef de l’Etat sénégalais a fait remarquer que par conséquent «Les Africains ne seront pas là certainement pour la charité ». Et Macky Sall d’indiquer : « Nous l’avons toujours dit. Entre l’Europe et l’Afrique, c’est une vieille histoire d’abord par les relations géographiques de proximité, les deux continents ne sont distants que de 20 km sur les points les plus proches. C’est une histoire commune et ancienne. Il ne faut pas que le phénomène actuel (des flux migratoires-ndlr) soit perçu comme un nouveau point de départ. Il faut donc qu’en toute responsabilité, nous regardions les phénomènes et que la migration par la Méditerranée ou venue de l’est de l’Europe soit traitée exactement sur le même point d’égalité ».
Sur un autre palier, Macky Sall qui était en entretien avec Ali Bongo du Gabon a insisté sur la concordance de positions des deux Etats dans plusieurs domaines, dont celui de la migration. « Nous avons une parfaite convergence de vues sur les questions bilatérales, les questions qui intéressent les Africains et les Européens, la question de la migration en particulier, comme celle du climat pour laquelle nous nous réunirons à la fin du mois de novembre à Paris ». Affirmant dans la foulée avoir effectué un large tour d’horizon avec son homologue gabonais sur la question de l’émigration, afin d’harmoniser les positions, Macky Sall a précisé qu’«Il est possible, dans le cadre d’une migration maîtrisée et du contrôle des flux, de permettre aux gens d’assurer leur mobilité et de créer les conditions du plein développement dans les pays émetteurs (pays d’origine des migrants-ndlr) ».
MALTE-UN SOMMET INTERNATIONAL, MILLE ET UNE EQUATIONS
Malte, l’antichambre des pays dits développés d’Europe, en somme d’Europe du Nord, disait-on déjà à l’arrivée dans l’Ile-Etat pourtant membre de l’Union européenne. Vérité de cathédrale au fil des expériences de terrain. Si le voyage vers le Sommet international de la Valette sur les migrations avait commencé comme sur des roulettes ( La pointe de Sarène-entendez l’avion présidentiel-ayant largement assoupli les conditions d’un voyage long de 5h de temps), il faut dire que le premier jour dans l’île voisine de la Sicile marquait déjà la différence.
Des contrôles ultra-renforcées à la sortie de l’aéroport comme si les pauvres Africains que nous étions allaient profiter de l’occasion de ce sommet pour migrer ; des regards soupçonneux presque inquisiteurs des habitants de la Valette (pourtant, une vieille ville dont certains murs décatis de bâtisses n’avaient rien à envier à ceux de Saint-Louis, la tricentenaire) ; une incoordination manifeste qui nous poussa à déambuler dans la vieille ville pour plus de deux kilomètres de marche sur une sorte de boulevard abrupte menant vers le Mediterrana en Conference Centre (avec ordinateurs, appareils photos et caméras en bandoulière). Pour au final, des contrôles et encore des contrôles, voire des navettes à gauche et à droite pour accéder à un centre média où l’ouverture de la cérémonie était diffusée sur écran. Alors que même que les chefs d’Etat étaient à mille lieux des pisses-copies et autres reporters de l’audio-visuel, à l’hôtel Castille. Dans une salle de médias à allure de grange, traversée par un brouhaha sans arrêt, il fallait alors faire sans interprète avec des discours faits uniquement en anglais, à l’exception de celui de MackySall. But not least : le wifi desservant le centre média se volatilisait dès la fin de la cérémonie officielle, laissant les journalistes pantois. Malte, quelle Europe !