Le maire de Dakar était l’invité du mouvement ‘’Y en a marre’’ avant-hier mardi, dans le cadre du programme ‘’Wax ak sa maire’’. Et une fois n’est pas coutume, Khalifa Sall n’a pas voulu se prononcer sur son avenir politique, préférant ainsi maintenir le flou sur ses ambitions. Mais de l’avis du politologue et directeur de publication du quotidien ‘’le Témoin’’, l’édile de Dakar a opté pour la bonne stratégie. Mieux, Mamadou Oumar Ndiaye estime que Khalifa Sall est en phase avec l’appareil du Ps qui dit attendre d’abord de connaître la date de la prochaine présidentielle avant de se prononcer sur la question.
Lors de son face-à-face avec le ‘’jury citoyen’’, Khalifa Sall a esquivé les questions concernant ses ambitions politiques. Comment analysez-vous la démarche du maire de Dakar ?
Pour ses ambitions présidentielles, je pense qu’il ne veut pas se dévoiler très tôt. Il est membre du Parti socialiste (Ps) qui estime que le moment n’est pas opportun pour se prononcer sur la présidentielle. Le Ps dit qu’il ne pourra pas se déterminer tant qu’il ne connaîtra pas le calendrier électoral. Et jusqu’à présent, les Sénégalais ne sont pas encore édifiés quant à la date exacte de la présidentielle. Est-ce qu’elle aura lieu en 2019 ? Ou en 2017 ? Moi je crois que Khalifa Sall a raison de ne pas se dévoiler très tôt parce qu’en matière d’élection, il faut toujours le faire à la dernière minute. C’est prématuré de se déclarer candidat à une élection présidentielle qui aura lieu en 2019 par exemple. D’ici là, il sera férocement combattu pendant trois années par le régime. Dans ce cas, il serait plus intelligent d’attendre la fin de 2017 pour se dévoiler de manière à n’avoir qu’une seule année à faire face au pouvoir.
Mais ne risque-t-il pas d’être pris de court si l’élection présidentielle devrait se tenir finalement en 2017 ?
Bien sûr. Si l’élection présidentielle devait se tenir en 2017, il serait temps qu’il se détermine. Mais tant qu’il n’est pas sûr de la date, il ne pourra pas le faire. Je pense que c’est plutôt l’incertitude du calendrier électoral qui fait qu’il ne peut pas dévoiler ses ambitions surtout au niveau de la formation politique à laquelle il appartient, le Ps en l’occurrence. Aucune position n’a été arrêtée par rapport à cette échéance, or Khalifa Sall sait que s’il va aux élections sans le Parti socialiste, ses chances de gagner sont très minces. Tout le monde sait que l’appareil du Ps est tenu par Ousmane Tanor Dieng. Par conséquent, le maire de Dakar a besoin de négocier avec ce dernier et lui donner des gages avant de se présenter à la présidentielle. Le Ps est assez structuré et tant qu’il ne connaîtra pas la date des élections, il ne se déterminera pas.
Mais je pense que Khalifa Sall est en phase avec le parti socialiste comme on l’a vu la semaine dernière. Les instances dirigeantes du Ps l’ont soutenu dans sa bataille contre les autorités relativement à la gestion des déchets de la capitale. Ils l’ont soutenu aussi bien sur le plan politique que juridique, ce qui est tout à fait normal. Khalifa Sall a été élu avec le soutien du parti socialiste et au sein d’une coalition beaucoup plus large ‘’And Taxawu Dakar ak Khalifa’’. Il ne peut pas ne pas tenir compte aujourd’hui du poids du Parti socialiste. Mais si le Ps décide de faire comme l’Alliance des forces de progrès (Afp) de Moustapha Niasse qui a décidé de soutenir le candidat Macky Sall, en ce moment-là, Khalifa Sall serait en droit de claquer la porte et de mettre en place une coalition électorale pour essayer de conquérir le fauteuil présidentiel. Mais c’est encore prématuré d’aborder ce chapitre car le Ps ne s’est pas encore déterminé.
Le maire de Dakar a déclaré à qui veut l’entendre que personne ne pourra l’empêcher d’atteindre ses objectifs. Que pensez-vous de cette déclaration ?
Khalifa Sall est combattu par le régime en place qui lui prête des ambitions présidentielles. C’est ainsi que certains de ses projets qu’il aurait dû financer avec l’emprunt obligataire de 20 milliards de F CFA ont été bloqués par le ministre des Finances qui vient de faire son entrée officiel dans le parti présidentiel. C’est un acte qui n’était pas gratuit, qui est purement politique. Le but est d’empêcher la maire socialiste de réaliser ses projets de modernisation de la ville de Dakar.
Dans la gestion des déchets de la capitale, le pouvoir vient de donner un poignard à Khalifa Sall en confiant le dossier à l’Unité de coordination et de gestion (Ugc) qui dépend d’Abdoulaye Diouf Sarr, ministre des Collectivités locales et seul responsable Apr de la région de Dakar à avoir gagné sa commune lors des dernières élections locales. Le maire de Dakar est donc combattu par le régime en place, mais quand on bénéficie de la légitimité populaire, de certaines taxes et de certains transferts également de l’autorité centrale avec les compétences des collectivités locales, on doit pouvoir faire un certain nombre de réalisations. C’est dire que Khalifa Sall a les moyens de réaliser quelques-uns de ses projets. Et ce, malgré les difficultés auxquelles il fait face.
Il s’est aussi quelque part rebiffé en disant qu’il ne restera pas les bras croisés à s’apitoyer sur son sort. Comment peut-il surmonter tous ces obstacles ?
Il est maire de Dakar et bénéficie d’une légitimité populaire incontestable. Les listes qu’il a parrainées lors des élections locales de 2014 ont été plébiscitées partout à travers le département de Dakar à l’exception de l’arrondissement de Yoff. Il s’y ajoute que même avec l’acte 3 de la décentralisation, la ville de Dakar dispose de moyens. Mais il ne faut pas perdre de vue que la mairie recouvre des taxes qui lui permettent de disposer de certains avantages financiers pour réaliser des projets.