Le refus d’un modèle d’islam différent du nôtre est un sujet dans les couloirs de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Si certaines voilées sont d’avis qu’il faut s’adapter à la culture sénégalaise, d’autres affirment qu’il s’agit bel et bien d’une observance de préceptes religieux qui n'a rien à voir avec le terrorisme. En phase ou non avec les propos du président de la République, elles ont, de façon mitigée, livré leur lecture sur ce phénomène.
Université Cheikh Anta Diop de Dakar, comme si le port du voile faisait partie du règlement intérieur. Sous une forte canicule à 15h, l’on rencontre presque tous les trois mètres parcourus deux ou trois jeunes étudiantes voilées. Mais pour autant, les styles diffèrent les uns des autres. Car, si les unes portent des tenues décentes, les autres ne font que se couvrir la tête. En pantacourt de couleur vert pétrole, chemise multicolore à manches courtes, Margo Fall ‘’ibadou moderne’’, déambule devant la Faculté des Sciences juridiques et politiques. Interpellée, elle confie gaiement que ce qui est primordial est de se conformer aux normes de la religion en couvrant le corps de la tête au pied. De ce fait, ‘‘toute femme est libre, selon elle, de s’habiller comme elle l’entend en respectant les règles. Je me suis voilée alors que je faisais la classe de CM1. Aujourd’hui, je suis certes en deuxième année mais il n’y a pas grand changement, je me contente toujours de couvrir ma tête puisque je ne suis pas à l’aise dans un pagne’’. N’empêche, l’étudiante explique qu’il va de soi que certains en arrivent au voile intégral pour couvrir tout leur corps. ‘’C’est leur choix, qu’on le respecte’’ dit-elle.
En fait, les types et pratiques diffèrent selon les communautés de musulmans. Il y a donc la burqa qui couvre tout le visage, dissimule les yeux derrière une grille et est plus fréquente au Pakistan. Le hijab qui signifie ‘’cacher à la vue’’ couvre les cheveux et le cou de la femme qui le porte mais pas le visage. Et le niqab couvre tout le visage sauf les yeux. Cependant, la burqa semble être une réalité microscopique. En tout cas, à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar où l’on espérait trouver pas mal de porteuses de cet accessoire, le hijab est le type de voile qui domine. A la mosquée de l’Ucad communément appelée mosquée des ‘’ibadou’’, des filles voilées sont en train de faire leurs ablutions. Mais malgré notre insistance, elles n’entendent pas se prononcer sur le sujet.
Toutes camouflées dans des hijab qui traînent, elles prétextent soit ne pas vouloir rater l’heure de la prière, soit laisser la latitude à l’imam de la mosquée qui devrait s’exprimer à leur place. La seule acceptant de piper mot est trouvée devant la porte du pavillon A de l’Ucad. Réticente tout au début, elle finit par dire son point de vue tout en gardant l’anonymat. Selon elle, celles qui s’adonnent à cette pratique ne le font pas par mimétisme culturel. ‘’Personnellement, je n’ai pas l’intention de porter la burqa. Mais si d’autres le font, c’est parce qu’elles se réfèrent aux femmes du prophète. D’après les enseignements, ses épouses se mettaient un voile sur le visage quand elles rencontraient d’autres hommes qui n’étaient pas leurs maris. Leurs visages n’étaient strictement visibles que par leurs époux.’’ Toutefois, elle concède que d’autres peuvent évidemment l’utiliser à des fins extrémistes, faisant semblant d’observer les recommandations de l’islam alors que leur intention est tout autre.
‘’Elles font parfois peur’’
A quelques mètres du pavillon A, Maïmouna s’empresse de prendre le bus pour rentrer. Moulée dans un pantalon noir et un haut de couleur rouge, elle a toutes les astuces d’une jeune fille moderne avec comme accessoire un tout petit voile. ‘’Elles font parfois peur. Moi par exemple, je vis avec des voisines qui portent le voile intégral mais j’avoue que j’ai même du mal à les approcher. Je me dis qu’elles ont peut-être quelque chose à cacher car c’est trop louche’’, confie-t-elle. Maïmouna ajoute qu’elle est tout à fait en phase avec le président Sall sur cette manière ‘’importée’’ de porter le voile : ‘’Non seulement on ne peut jamais savoir qui se cache derrière le voile, mais également cela ne nous correspond pas. Ailleurs c’est une tradition mais il n’a été dit nulle part dans le Coran qu’il faut se couvrir tout le corps.’’
Etudiante en deuxième année à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg), Fatou Awa Guèye déambule, la mine enjouée. Elle estime que le Président a raison de prévenir le terrorisme parce qu’actuellement, l’Afrique est menacée par les kamikazes qui, pour la plupart, sont à l’origine de certains attentats. Même si elles ont le droit de se voiler intégralement, dans le cadre de leur liberté personnelle, c’est un habillement qui peut parfois en dire long sur la vraie personnalité de celle qui le porte. ‘’La liberté a aussi des limites’’, conclut-elle.
Ainsi, la problématique sur le port du voile intégral qui vient juste d’être posée par le chef de l’Etat est loin de s’estomper au temple du savoir.