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Témoignage de Clément Abaifouta : ‘‘Le fossoyeur’’ «déterre» les cadavres d’Hamral-Goz
Publié le mercredi 11 novembre 2015  |  Le Quotidien
Ouverture
© aDakar.com par DF
Ouverture du procès de Hissène Habré
Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture".




Après une pause d’une semaine, les Chambres africaines extraordinaires ont repris du service. Ce lundi, les juges ont recueilli le témoignage très attendu du président de l’Association des victimes du régime de Hissein Habré (Avrhh). Clément Abaifouta, administrateur de formation, est actuellement conseiller et secrétaire de rédaction à Electron Tv. Il est revenu sur son métier de fossoyeur, de cuisinier dans les prisons de Habré et parle de l’enterrement du prisonnier sénégalais Demba Gaye dont lui-même avait procédé à l’inhumation.

C’est un homme serein qui s’est présenté hier devant les juges de la Cour d’assises des Chambres africaines extraordinaires. D’un pas assuré, Clément Abaifouta franchit la porte de la salle des témoins et regagne la barre. Le président de l’Association des victimes du régime de Hissein Habré (Avrhh), qui dit passer 4 ans en prison, est revenu sur son séjour en prison à la Dds et à la prison des Locaux. Il commence son récit par son arrestation intervenue le 12 juillet 1985 à Sabangalia, à Ndjamena, alors qu’il venait de décrocher le baccalauréat et devait se rendre en Allemagne pour continuer ses études. Des hommes habillés en civil sont venus nuitamment le cueillir dans sa maison. Il est conduit à la Dds où il subit un bref interrogatoire.
«Pourquoi voulez-vous aller en rébellion ?», interroge un militaire. Surpris par cette question, il exprime son étonnement et indique ne pas être mêlé à cette affaire. Il est alors enfermé dans une «petite cellule» avec une vingtaine de personnes couchées à même le sol pendant deux semaines.

«C’est moi qui ai enterré le Sénégalais Demba Gaye à Hamral-Goz»
A la suite de cela, il est conduit à la prison des Locaux avec 50 détenus. La nuit, il fallait, selon les dires de Clément Abaifouta, dormir à tour de rôle tellement que l’espace était réduit. Quelques mois après, Abaifouta est sollicité pour préparer d’abord les repas des militaires. Ensuite, il préparait pour tout le monde, y compris les prisonniers. Mais cette tâche n’était pas la plus dure. «Je devais enterrer des prisonniers morts. Sabadet Jonhson, deux autres et moi passions au Camp des Martyrs, à la gendarmerie pour ramasser les corps et devions les enterrer à Hamral-Goz», se rappelle-t-il triste. «Abaa Moussa nous traitait d’ennemi de l’Etat et pour lui nous devions mourir en grand nombre», déclare l’ex-détenu. Un jour, se rappelle Clément, sous les ordres de Abaa Moussa, il devait creuser avec ses codétenus deux fosses à Hamral-Goz. «Nous sommes allés à la gendarmerie récupérer 37 corps en état de décomposition très avancée. Nous avions procédé à la Plaine des morts», relate-t-il. Un rescapé crie dans la mêlée de l’enterrement : «Je ne suis pas mort.» Il est extrait et ramené en prison. Le lendemain, souligne le témoin, le prisonnier décède et Clément est venu procéder à son enterrement. Illustrant ses propos, il indique que c’est lui-même qui a montré la fosse commune contenant les 37 corps aux membres de la Commission nationale d’enquête. Cette fosse a été filmée et la diffusion faite il n’y a pas longtemps devant ce Tribunal.
L’administrateur de formation évoque un autre fait survenu en 1988. Des militaires ont amené des prisonniers membres du Conseil démocratique révolutionnaire (Cdr) à la prison des Locaux et enfermé dans la cellule «C pleine à craquer. Il a fallu fermer la porte avec la voiture Toyota», renseigne le témoin. Le lendemain, il y avait «64 morts et c’est nous qui avions enterré ces corps», révèle-t-il devant la Cour.
Clément Abaifouta évoque la répression des Hadjarais. «La nuit, des vagues de 10 prisonniers étaient extraits des cellules pour être exécutés», soutient le président de l’Avrhh. Le témoin relate la situation de la famille de Goukouni Weddey arrêté et enfermé à la prison des Locaux. «Abakar et Ahmet Weddey venaient fraîchement de la Présidence et ils nous ont dit que c’est Hissein Habré qui les a torturés», indique-t-il.
Suite à une question du Parquet, Clément évoque le Sénégalais Demba Gaye. Il décrit un homme bien portant au moment de son arrestation et qui, après quelques moments en détention, souffrait de dysenterie du fait des mauvaises conditions de détention. «Il est mort peu après et c’est moi qui l’ai enterré», déclare Clément Abaifouta. Se rappelant la détention, Clément évoque des conditions difficiles. «La nourriture était noircie par la rouille. A cela s’ajoute des viols. J’ai vu des femmes subir des violences sexuelles de la part des gardes», note-t-il. Il cite la fille de Kaltouma, une petite fille arabe très belle violée par trois militaires et qui est décédée des suites de cette violence.
A la fin de sa déposition, Clément a interpellé nommément Hissein Habré. «Je voudrais qu’il me dise pourquoi il m’a arrêté ? Je voudrais que son regard croise le mien et qu’il me dise en quoi une bourse constitue-t-elle une menace pour son pouvoir, lui qui était le lion de l’Unir», demande-t-il.
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