Diouf c’est Diouf ! Quand il s’agit de cracher ses vérités, il y va à fond. Surtout quand on aborde avec lui l’affaire de corruption liée à la lutte antidopage et pour laquelle le président Lamine Diack a été mis en examen en France. L’ancien capitaine des Lions n’y va pas par quatre chemins pour dénoncer cette sorte de cabale qu’il assimile à de «l’acharnement et du racisme». Premier jet d’un entretien-vérité.
Le président Lamine Diack, ancien président de l’Iaaf, vient d’être mis en examen pour corruption. En tant qu’international sénégalais, comment analysez-vous cette affaire de dopage dont il serait accusé ?
Je dirai simplement que c’est de l’acharnement pur et simple. Je peux même dire que c’est du racisme. Je connais le président Lamine Diack. Pour qui le connaît, c’est une personnalité mondiale qui dégage de la sagesse. Il mérite plus de respect, de considération de la part du monde sportif, pour ne pas dire de la planète entière, pour tout ce qu’il a apporté durant son passage à la tête de l’athlétisme mondial. Malheureusement, on est en train de gâcher son image, mais également celle du Sénégal. Nous avons tous été fiers de voir le président Diack diriger cette grande institution mondiale de l’athlétisme. Ce n’est pas une bonne idée de le dénigrer aujourd’hui, alors qu’il vient juste de prendre sa retraite après des années de dur labeur passées à la tête de l’Iaaf. Cette affaire doit être celle de chaque Sénégalais, mais également de chaque Africain. On ne doit pas se taire et laisser des gens le traîner dans la boue. Lamine Diack ne mérite pas ça. Je dois également dire que si on laisse passer, on ne donnera plus de respect ni de crédit à un Africain pour diriger les grandes instances internationales.
Avez-vous été surpris par la tournure des événements ?
Non du tout. Et je sais que je ne suis pas le seul. Beaucoup de gens ont été surpris. Surtout le fait qu’on attende qu’il ne soit plus là pour sortir des dossiers. Il fallait le faire pendant qu’il était encore au pouvoir. C’est vous dire que c’est de l’acharnement. Encore que son rôle n’est pas de s’occuper du dopage. A mon humble avis, il a géré de la manière la plus honnête son passage à la tête de l’Iaaf. C’est ce que je connais de la personne. Et je continue à garder cette image du vieux qui reste et restera une icône du monde sportif sénégalais, africain et mondial. Je l’ai vu récemment en Malaisie, il a eu droit à tous les honneurs. On peut même se permettre de dire que c’est le meilleur dirigeant que l’Iaaf a eu jusque-là. Il a quitté dignement, il faut que les gens respectent au moins cela. Personnellement, je ferai tout mon possible pour le défendre. Et je demande cela à tous les Sénégalais. C’est l’un des meilleurs fils du Sénégal depuis l’indépendance.
Est-ce qu’il ne faudrait pas prendre un peu du recul, en attendant la fin de l’enquête surtout quand vous parlez de racisme et d’acharnement sur la personne du président Diack ?
Pas besoin d’attendre. Les faits sont là. Et je me répète, c’est de l’acharnement et du racisme. Les gens ont attendu la fin de son mandat pour sortir des histoires pareilles. Ce n’est pas bien. L’exemple de la Fifa est là. Les gens n’ont pas attendu pour sortir les dossiers. Mais là, tel n’est pas le cas. C’est trop facile d’attendre que la personne ne soit plus là pour l’accuser. C’est pour cela que je me permets aujourd’hui de dénoncer cette situation. Encore que je connais bien la personne, je connais bien sa famille.
Parlant de sa famille, deux de ses fils sont cités dans l’affaire dont Massata Diack, agent marketing de la Fédé foot lors du Mondial 2002…
Vous savez, c’est normal qu’on parle de ses enfants parce qu’il a toujours montré un attachement à sa famille et à ses enfants qui sont capables d’occuper certaines responsabilités. Massata (Diack) a fait des études et a toujours voulu être à côté de son père. Il mérite tout ce que son père lui a donné comme responsabilités. En 2002, si Massata n’était pas là pour le marketing, il n’y aurait rien eu. Il y a eu une bonne organisation. Cela nous a permis d’avoir les résultats qu’on a eus. Je connais très bien le monsieur et je crois qu’il a rempli pleinement les missions qui lui ont été assignées. Maintenant, on ne doit pas rester les bras croisés et attendre le déroulement de l’enquête. On est en train de ternir l’image du Sénégal, l’image de l’Afrique. Demain, on a envie de voir un Africain ou un Sénégalais à la tête de la Fifa. Mais avec ce genre de choses, il ne faut même pas espérer. Si aujourd’hui Issa Hayatou est là-bas, c’est eux qui l’ont mis. Ce ne sont pas les Africains. Les Africains ont les compétences pour diriger les grandes instances internationales. Mais il faudra se battre pour que cela puisse se faire. Et cela passe d’abord par une solidarité nationale et africaine pour dénoncer la cabale qui est en train d’être orchestrée contre Lamine Diack.
Ne pensez-vous pas que c’est quand même trop de parler de racisme ?
Du tout ! Je vous donne un exemple : si aujourd’hui Georges Weah ou Jay Jay Okocha étaient des Européens, vous pensez qu’ils ne seraient pas considérés comme les meilleurs joueurs du monde ? Mais là, on ne parle plus d’eux parce que ce sont des Africains.
Avec l’affaire Lamine Diack, il ne faut pas rêver qu’un Africain dirige demain la Fifa…
On peut rêver ! Il est permis de rêver. Mais vu ce qui se passe avec Lamine Diack, il ne sera plus permis de rêver. C’est l’exemple parfait. Avec cette affaire, ce n’est pas demain qu’un Africain va diriger la Fifa. Avec tout ce qu’il a fait, s’il ne mérite pas une retraite dorée, cela veut dire que plus jamais quelqu’un d’autre n’aura une telle carrière. Il y a beaucoup d’Africains qui rêvent d’être à la tête de la Fifa. Mais ils savent qu’ils n’ont aucune chance de gagner tant qu’ils seront en concurrence avec les Européens. C’est aussi simple que cela. Quelque part aussi, il faut dire que les Européens sont plus solidaires que nous les Africains. On doit apprendre à tirer dans la même direction.
Cela vous interpelle, vous les anciens footballeurs et autres stars africaines…
C’est la vérité ce que vous venez de dire. Aujourd’hui, les Zidane, Ronaldo font de bonnes choses en Europe. Ils organisent des matchs de gala et autres. Mais nous, on ne fait rien. On pense plus à se chamailler, à se focaliser sur le meilleur ou pas. C’est l’occasion de lancer un appel à toutes les stars du continent pour l’unité africaine. Pourquoi ne pas organiser des matchs de gala pour aider les fondations ? C’est vrai que chacun essaie de faire son mieux dans son coin, mais il faut qu’on puisse unir les forces. Ensemble, on pourra faire quelque chose pour notre continent. Aujourd’hui, si Didier (Drogba) a besoin de moi, je viens. La même chose, si j’ai besoin de lui. Donc, il est temps qu’on puisse s’organiser parce qu’après la carrière, il y a une autre vie. Il y en a qui voudront être des politiciens. Ils pourront toujours compter sur le soutien des autres. Encore une fois, le problème de Lamine Diack ne doit pas être son problème à lui et à sa famille. Il doit être le problème du Sénégal et de l’Afrique.
Comment la famille Diack vit cette affaire ?
J’ai parlé avec Massata. Ce n’est pas facile de vivre ce genre de situation, c’est dur pour la famille. Aujourd’hui, on ne parle pas de Lamine Diack qu’au Sénégal, c’est partout dans le monde où on parle de lui et de sa famille. Le monde entier a les yeux braqués sur le Sénégal. Sa famille et ses enfants ont besoin du soutien des Sénégalais et des Africains. N’oubliez pas que Lamine Diack a été ministre dans ce pays. Il a fait pas mal de bonnes choses dans ce pays. Il a toujours été un exemple pour moi. Partout où j’allais dans le monde, j’étais fier de dire que le boss de l’Iaaf est un Sénégalais. C’est une fierté. Il ne faut donc pas que des gens veuillent du jour au lendemain le traîner dans la boue. Il ne faut pas l’accepter. Il faut le dénoncer.
Pensez-vous que cela puisse avoir des conséquences sur l’image du sport sénégalais ?
Bien sûr ! Mais là je suis rassuré du soutien du président de la République. Je m’en félicite. On doit tous se mettre derrière le président Diack et sa famille.