Les choses s’accélèrent dans l’affaire de corruption liée à la lutte antidopage dans l’athlétisme mondial. Après la mise en examen de l’ancien président de l’Iaaf, Lamine Diack, le site d’investigation Mediapart a révélé les premiers éléments du rapport d’enquête provisoire de la Commission indépendante de l’Agence mondiale antidopage (Ama). Un rapport qui charge les deux fils du président Diack, Pape Massata et son frère Khalil.
Mediapart a pu consulter en exclusivité, les premiers éléments de l’enquête provisoire de la Commission indépendante de l’Agence mondiale antidopage (Ama). Un véritable «rapport noir» de l’athlétisme mondial, qui révèle comment les plus hauts dirigeants de la Fédération internationale (Iaaf) et de la Fédération russe d’athlétisme ont mis en place un système de corruption, de chantage et d’extorsion de fonds d’athlètes dopés russes et turc.
500 mille dollars de chantage contre une championne olympique turque
Dans ce rapport, les experts indépendants de la commission d’enquête de l’Ama reprennent en partie les allégations de dopage et de corruption à grande échelle au cœur de l’athlétisme russe diffusées par le journaliste allemand Hans-Joachim Seppelt, en les confirmant.
Mais les enquêteurs vont plus loin, décrivant un système de corruption ordonné directement par les plus hauts dirigeants de la Fédération internationale d’athlétisme, basée à Monaco. «Un réseau quasi mafieux, contrôlé par la «famille Diack», associée à Gabriel Dollé, ancien responsable de l’antidopage à l’Iaaf, à l’ex-président de la Fédération russe d’athlétisme et ex-trésorier de l’Iaaf, Valentin Balakhnichev, et à l’un des coachs des athlètes russes, Alexey Melnikov», informe le site.
Le réseau de corruption, poursuit la source, s’amorce en 2011, quand les deux fils du président de l’Iaaf, Papa Massata Diack, alors conseiller marketing de la fédération, aidé de son frère Khalil et de l’avocat sénégalais Habib Cissé, conseiller juridique auprès du président, vont récupérer la liste des suspectés de dopage de l’Iaaf et la transmettre à la Fédération russe d’athlétisme. Les dirigeants de l’Araf vont alors communiquer aux athlètes russes suspectés leur présence sur la liste, et leur risque de suspension pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012.
Va alors s’engager «un dangereux jeu de chantage» entre la Fédération et les athlètes, avec le cas de la marathonienne Liliya Shobukhova, déjà dévoilé dans le documentaire de la chaîne allemande Ard. L’athlète russe versera en trois fois et en cash 569 000 dollars, entre janvier 2012 et juillet 2012, à l’entraîneur Alexey Melnikov, qui servira d’intermédiaire avec les sportifs.
Chantage des frères Diack contre la Turque Asli Alptekin
Au cours de leurs entretiens, les enquêteurs engagés par l’Ama ont découvert un nouveau cas, jamais médiatisé, non russe. La championne olympique du 1 500 mètres à Londres, la Turque Asli Alptekin, aurait également été la victime d’un chantage orchestré par la famille Diack. Les deux fils de l’ancien patron de l’Iaaf lui auraient demandé 500 000 dollars en novembre 2012. Refusant le chantage, l’athlète a finalement écopé de huit ans de suspension pour dopage en juillet 2015, abandonnant pour l’occasion sa médaille d’or olympique de 2012.
Une société-écran appartiendrait à un associé de Massata Diack
L’argent de la corruption, transitant d’officiels installés à Monaco ou à Moscou, ira jusqu’à Singapour, où une entreprise nommée «Black Tidings» servira de société-écran pour les transferts d’argent. Cette compagnie appartiendrait à un associé de Papa Massata Diack et aurait servi à rembourser la marathonienne Liliya Shobukhova, qui menaçait soudainement de tout dévoiler.