Peu intéressées à la reprise de la Suneor, les organisations paysannes estiment néanmoins que la société ne devrait être confiée qu’à un acteur qui s’engagerait de manière franche à la relance de la filière arachide, en travaillant de manière sincère avec les producteurs locaux.
L’annonce du départ de Abbas Jaber de la Suneor, outre qu’elle ouvre de nouvelles perspectives au secteur de l’arachide, permet également aux pouvoirs publics de corriger les erreurs commises lors de la première privatisation. Il est en effet certain, comme l’a fait comprendre le ministre de l’Economie, des finances et du plan, Amadou Ba, que l’Etat n’a pas vocation à gérer l’unité industrielle, et qu’une fois un accord définitif signé avec le patron d’Advens, M. Abbas Jaber, l’ancienne Sonacos sera proposée à la vente à un ou plusieurs partenaires capables de la gérer pour le mieux des intérêts de tous les concernés par la filière arachide nationale. Mais alors que les choses sont loin de s’être précisées, des intentions s’expriment de toutes parts pour essayer les unes comme les autres de tracer un avenir à l’entreprise selon leur vision.
Dans cette optique, et étant donné l’importance de la société de trituration, Le Quotidien a voulu recueillir l’avis de certaines organisations paysannes, parmi les plus représentatives, sur leur préférence. Mais là aussi, il s’avère que les structures faîtières paysannes sont en majorité dans l’attente. «Le gouvernement n’a encore rien dit, et nous ne savons pas vraiment ce qui se décide. Il nous est donc prématuré de nous prononcer», explique Marius Dia, le chef du service d’appui technique du Cadre de concertation et de coopération des ruraux (Cncr).
Néanmoins, lui comme d’autres leaders paysans interrogés estiment que l’annonce du retrait d’Advens donne rétrospectivement raison aux paysans qui, dix ans auparavant, avaient indiqué que le développement de la filière arachide ne pouvait se faire en écartant les producteurs. En conséquence, l’Etat devrait éviter de refaire la même chose.
Pour les leaders paysans, la survie de la Suneor est primordiale pour la survie de l’économie, de l’arachide au Sénégal. L’un d’eux fait comprendre que l’on ne peut demander au producteur de cultiver s’il n’est pas sûr de vendre. Et en l’état actuel des choses, la Suneor est théoriquement le plus gros acheteur, avec une capacité de transformation de 400 mille tonnes d’arachides.
Mais si une industrie de transformation doit se perpétuer pour payer aux opérateurs, cela implique également que l’unité de l’outil industriel soit maintenue. A titre personnel, un producteur paysan de Kaolack, membre du Ccpia, pense que ce serait une erreur de démanteler la Suneor et de vendre l’usine à plusieurs acteurs. «Mais déjà, le fait que l’Etat avait refusé que Jaber vende la société par morceaux est un bon signe dans le bon sens», a-t-il ajouté.
L’opérateur à venir devrait par conséquent, pour les paysans, s’engager plus nettement en faveur de la production de l’arachide dans ce pays. Cela signifie, pour Marius Dia, «qu’il doit produire de l’huile d’arachide au Sénégal et la vendre ici, au lieu de l’exporter et nous vendre ici de l’huile végétale». Cela impliquera par ailleurs que la société ait un contrat de contractualisation avec les producteurs, par lequel il s’engage à leur acheter une quantité d’arachide prédéterminée, à des prix garantis, et leur fait une avance pour la production. L’avance pourrait se matérialiser par la cession à des prix convenus de l’engrais et des semences nécessaires à la campagne agricole à venir. Et le paysan serait en retour tenu de vendre une quantité convenue de sa production au producteur. Ce qui signifie, comme le disent les autorités sénégalaises, que l’on en aura fini avec les marchés parallèles, où les paysans pris au collet par la demande sociale vont brader leur production.
Les organisations paysannes pour leur part, à travers leurs coopératives, en présence de ce contrat de contractualisation, pourraient s’occuper de fournir aux paysans les engrais et les semences nécessaires pour garantir une bonne production. Et cela est possible, selon eux, en organisant et en renforçant l’Union nationale des coopératives agricoles (Uncas), quelque peu tombée en léthargie ces dernières années.