Alioune Fall, journaliste, consultant en communication et ami du couple présidentiel, n’a pas attendu la fin du mandat du chef de l’Etat pour rédiger un ouvrage. Les «Bonnes feuilles» de son livre Macky Sall contre vents et marées (196 pages) reviennent sur les raisons du départ de l’Hémicycle de Macky Sall (audition de Karim Wade, président de l’Anoci et fils du 3ème Président du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, par l’Assemblée nationale), retracent les péripéties de l’injustice subie par Macky Sall, les diverses actions et tentatives d’élimination politique initiées par le régime de Me Abdoulaye Wade. Un régime qui a cherché même, en vain, en guise de représailles à atteindre l’ex-n°2 du Pds en passant par son épouse, Marème Faye, les «missionnaires» rentrant à chaque fois sans succès, parce que renvoyés «poliment» ou «sèchement». Dans sa logique de vengeance, Wade n’hésitera pas à fouiller vainement la gestion Sall à Petrosen.
La «démackyisation» n’a pas non plus été occultée par l’auteur qui met en lumière les méthodes du pouvoir pour déstabiliser et éliminer politiquement Macky Sall et ses proches occupant de hautes fonctions dans l’Administration, dont l’un des plus éminents était Souleymane Baïdy Ndiaye, à l’époque Dg du Pcrpe. Mais aussi une pression «atroce» de la police et les agressions subies par certains de ses proches et dévoués (Mame Mbaye Niang).
Au début des «Bonnes feuilles», l’auteur rappelle la volonté du ministre du Commerce et de l’industrialisation dans le gouvernement de majorité élargie de Abdou Diouf, un certain… Idrissa Seck, d’avoir Macky Sall, chef de division à Petrosen, comme directeur de l’Industrialisation. Ce qui ne s’était pas réalisé du fait des exigences de Sall.
Macky Sall. Contre vents et marées Alioune Fall Paris, L’Harmattan, 2015, 196 pages Préface de Ousmane Ndiaye
La sortie de l’ombre
Idrissa Seck hérite du ministère du Commerce et de l’industrialisation, jette son dévolu sur Macky Sall pour l’avoir comme directeur de l’Industrialisation. Celui-ci n’est pas opposé au principe, mais la condition à son accord, c’est que l’entreprise Petrosen qui l’emploie depuis 1990 et où il exerce des responsabilités le détache au ministère en question.
Cette exigence d’un détachement s’explique par le fait qu’avec son poste de chef de division à Petrosen, le jeune ingénieur perçoit un salaire nettement supérieur à celui d’un directeur national dans les services centraux de l’Etat1. Aussi, n’envisage-t-il d’accepter l’offre du nouveau ministre que s’il conserve le statut qui est sien dans son entreprise.
Macky se souvient encore avec humour de l’insistance de Idrissa Seck à l’avoir dans son ministère. Celui-ci, anglophile avéré, lui balance cette phrase que l’autre n’oubliera jamais : «I want you in my building.»2
Petrosen n’accepte pas le détachement, et Macky choisit de rester à son poste. (Pages 49-50).
Le début des manœuvres
(…)
A trois mois des élections, un autre fait vient m’alerter. Un commissaire de la Police nationale, spécialiste du renseignement, produit un rapport d’études sur les élections, avec la conclusion que le Président sortant n’a aucune chance en cas de second tour. Or, ajoute-t-il, la condition d’une victoire dès le premier tour, c’est un retour de Idrissa Seck au Pds et également un retour en grâce de Aminata Tall qui boude depuis qu’elle a été relevée de ses fonctions ministérielles.
Ce haut gradé de la police ne dit, ni plus ni moins, que Macky Sall était incapable d’assurer la réélection de Abdoulaye Wade. S’agit-il d’une étude menée rigoureusement, ou d’un document sur commande destiné à justifier la mise à l’écart du numéro 2 du système ? Dans l’entourage de celui-ci, on doute de la sincérité du rapport en question.
«Nous allons démonter ce rapport par les faits», nous dit Macky à l’occasion.
Il a une manière pratique d’appréhender les situations et de se déterminer en conséquence. Et cette seule phrase nous en dit assez sur sa position.
Le Premier ministre use de toute son autorité pour empêcher Abdoulaye Wade de se laisser entraîner par ce rapport dans une fuite en avant que rien ne justifie, car contrairement aux autres, lui croit dur comme fer à la victoire au premier tour.
Et s’il ne le dit pas encore formellement, il doit être aussi conscient de la situation délétère et des perspectives conflictuelles qui se dessinent au-delà du scrutin, comme le révèle son refus systématique de gérer les fonds de campagne, lui le directeur de campagne.
«J’ai toujours veillé à ne pas favoriser des allégations malsaines susceptibles de me salir sur des affaires d’argent. Or si je gère ces fonds, dès le lendemain des élections, des voix s’élèveront pour m’accuser de malversation. Je ne leur en donnerai pas l’occasion», me déclare-t-il, au moment où ses détracteurs au sein du Pds, très éloignés des enjeux réels de cette situation, se félicitent de ce qu’ils considèrent comme un désaveu qui lui serait infligé.
Farba Senghor est désigné argentier de la campagne, et Macky ne manie aucun franc des fonds.
A l’issue du scrutin, les résultats donnent raison à son optimisme, le sacrant en même temps, lui l’artisan à plus d’un titre de ce succès inattendu. (...)
«Mon fils gère sans avoir à rendre des comptes»
(…)
C’est dans ce cadre que la Commission des finances présidée par le député libéral Mamadou Seck, qui succèdera d’ailleurs plus tard à Macky au Perchoir, intègre dans son programme l’audition du président et du secrétaire exécutif de l’Anoci, agence qui suscite dans l’opinion les accusations les plus graves et les fantasmes les plus incroyables en matière de prévarication et de malversation.
Il se trouve que l’agence en question est présidée par Karim Wade, fils du Président Abdoulaye Wade, réputé être préparé par son père pour lui succéder à la tête de l’Etat. Aux yeux de bien des observateurs, la décision d’éliminer Macky du jeu politique obéit à cette volonté de Wade d’ouvrir la voie de sa succession à son fils…
Non seulement le président de la République, chef de l’Exécutif, va s’opposer à une initiative parlementaire relevant des missions constitutionnelles de l’Assemblée nationale qui incarne le pouvoir législatif, mais il va aussi s’en prendre ouvertement et publiquement au président de cette institution, le rendant responsable de cette initiative qu’il qualifie d’impudence et de défiance ; et décide par conséquent que celui-ci ne peut plus rester à son poste.
Or, comme déjà mentionné, il s’agit d’une initiative de la Commission des finances contrôlée par les députés du Pds qui y sont très majoritaires, comme dans toutes les autres commissions d’ailleurs.
Il est important de préciser que le président de l’Assemblée nationale n’est membre d’aucune commission, et n’est donc pas censé avoir participé à l’initiative en question. C’est seulement après son adoption en commission que celle-ci est soumise pour validation à la Conférence des présidents dont les travaux sont dirigés par le chef de l’institution, en présence du ministre chargé des Relations avec les Assemblées, représentant l’Exécutif.
C’est dire donc qu’en occultant les différents niveaux de responsabilités dans cette affaire pour isoler et cibler le président de l’Assemblée nationale qu’il accuse de s’attaquer à son fils, Abdoulaye Wade ne fait que jouer le jeu des faucons de son entourage qui œuvrent depuis deux ans à sa rupture avec Macky.
Ainsi, la transmission du courrier invitant le fils du Président Wade devant la représentation nationale va déclencher les hostilités. Devant son monde, le papa présidentiel s’offusque de l’acte qu’il attribue à Macky Sall, accuse celui-ci de vouloir provoquer la perte de son fils et s’engage à «laver l’affront dans le sang» (sic).
Ni Mamadou Seck, président de la Commission des finances initiatrice de l’acte incriminé, ni aucun des députés du PDSds ayant participé à la prise de décision sur la convocation de Karim Wade, ni même le ministre représentant l’Exécutif aux travaux de l’Assemblée nationale ne seront visés par la colère du président de la République… (Pages 116-119)
La solitude d’un condamné
La pression, c’est aussi sur tous ceux qui sont réputés plus ou moins proches de Macky, qu’ils soient du Pds ou non. Tous les moyens sont bons pour faire le vide autour du paria désigné. Ses amis sont systématiquement éradiqués de l’espace institutionnel, éjectés sans ménagement des postes de responsabilité qu’ils occupent. L’inquisition s’installe, et quiconque veut abattre son adversaire l’accuse d’être proche de Macky Sall.
Les reniements et les gages de loyauté au «maître de cet univers» se multiplient, isolant un peu plus le président de l’Assemblée nationale tous les jours. Sa cour devient plus déserte encore. Quelques rares fidèles continuent à braver le système en manifestant leurs liens avec ce condamné.
Des éléments des services de renseignement, clairement identifiés, font le guet pour procéder au pointage de tous ceux qui pénètrent à son domicile, du réveil au coucher.
Des gens qui se sont toujours voulus attachés à Macky disparaissent subitement de son univers. Il y en a des cas particulièrement dramatiques. Lorsqu’on s’en offusque, le principal concerné répond toujours avec un réalisme déroutant : «Il ne faut jamais en vouloir aux gens, parce qu’ils n’ont pas fait ce qui n’est pas à leur portée. Il n’est pas donné à n’importe qui d’oser braver la puissance d’un Etat déterminé, de subir cette pression sans faiblir. Ceux qui nous ont lâchés l’ont fait parce qu’ils ne se sentent pas assez forts pour porter un combat qui, à leurs yeux, n’est pas le leur, de toute façon. Il s’agit de les comprendre et d’être indulgent avec eux. Il s’agit aussi de se dire qu’avec chacun de nos compagnons, on fera ce qu’il lui est possible de faire, sans lui tenir rigueur de ce qu’il ne peut pas faire.»
Parfois, je me dis que cette position est surtout destinée à nous rassurer, mais il y a eu de ces défections qui ne peuvent pas manquer de l’affecter, tant le lien avec les concernés était fort.
Marème, dévouée et loyale, de manière inflexible, est toujours présente pour lui remonter le moral déjà solide. Parfois, elle s’improvise griotte, «gawlo» de son toucouleur de mari, et se met à évoquer sa généalogie en des termes glorieux et requin-quants. Soit c’est la lignée paternelle des «Laamtoros» Sall, ces illustres rois du Tooro médiéval, soit c’est l’épopée des indomptables «Koliabés», clan maternel de Macky. L’objectif recherché est toujours le même : aiguiser la fierté et la combativité de son homme.
Elle aime particulièrement apostropher son époux en clamant l’épopée de l’arrière-grand-père de celui-ci, Assane Sadio Diallo, dernier grand dépositaire de l’héritage guerrier du clan maternel de Macky, un véritable héros de la Vallée du fleuve Sénégal dont les faits d’armes sont connus dans tout le Nguenar. (pages 121-122)
Chasse au trésor fantôme
Au sein de l’institution parlementaire, l’isolement du chef se fait de plus en plus sentir. Doudou Wade a fini de mobiliser ses troupes qui constituent l’essentiel des effectifs de l’Assemblée nationale, et marque la démarcation avec le président qu’ils ont proposé et élu pour les diriger en principe pour toute la législature.
Dans le champ politique, les attaques reprennent de plus belle. Ceux des responsables du Pds qui conservent encore lucidité et discernement, et font preuve de mesure et de retenue dans cette chasse à l’homme, sont indexés, diabolisés, accusés de collusion avec l’ennemi. Seules quelques figures courageuses, à l’image de Souleymane Ndéné Ndiaye3, y osent encore parler de leur amitié avec Macky, ou formuler des appels à la raison à l’intention de leurs «frères» de parti.
(…)
On s’intéresse d’abord au parcours de celui-ci dans l’Etat, depuis fin 2000 quand il était directeur général de Petrosen. On fouille les parapheurs, les tiroirs, les placards, les corbeilles et les poubelles à la recherche de la plus petite trace d’une affaire susceptible d’être assimilée à de la malversation. Rien, absolument rien à reprocher à l’homme dans l’exercice des différentes responsabilités publiques qui ont eu à lui être confiées au cours de cette dernière décennie.
On essaie de s’en prendre à son profil d’ingénieur en convoquant dans le débat le directeur de l’Ist pour, dit-on, s’assurer que Macky Sall «n’avait pas atteint le niveau d’ingénieur des Travaux, mais était seulement un ingénieur de Conception» (sic), ignorant manifestement que l’ingénieur de Conception est à un niveau plus élevé que l’ingénieur des Travaux ; une clarification qui leur sera faite publiquement, par voie de médias, par l’autorité académique sollicitée.
N’ayant pu dénicher le moindre cafard dans le parcours de l’homme qu’ils traquent, les intrigants inversent la démarche pour tenter de trouver dans son patrimoine rapporté à ses revenus licites un excédent susceptible de favoriser des allégations de malversation. Là aussi, fiasco total. Au point qu’un des hauts responsables du régime ne peut s’empêcher de s’exclamer ainsi : «C’est incroyable et c’est inadmissible. C’est quand même un être humain et forcément pendant son séjour aux affaires il a dû penser sécuriser son avenir et celui de sa famille. Il a bien planqué quelque chose quelque part. Peut-être qu’on cherche trop loin en fouillant à l’étranger ce qui est là, à côté de nous, à l’intérieur du pays. Je crois que nous devrions nous intéresser davantage à la gestion de ceux qui lui étaient proches quand il était Premier ministre, et aussi ceux qui sont susceptibles de lui servir de prête-nom pour camoufler d’éventuels avoirs.»
La machine est ainsi réorientée.
Parmi les gestionnaires publics identifiés comme étant susceptibles d’avoir contribué à enrichir Macky, Baïdy Souleymane Ndiaye, directeur général du Pcrpe. Les relations entre les deux hommes sont antérieures à l’élection de Abdoulaye Wade à la présidence de la République. Plus tard, lorsque Ndiaye décide de militer au Pds, il est accueilli par son ami au sein de la Cis, la structure des cadres du Pds que celui-ci dirige. (…)
Maldonne au Pcrpe
Un organe de contrôle étatique hérite de la mission d’aller fouiner dans la gestion du Pcrpe pour tenter de débusquer les traces de fonds qui pourraient avoir échoué dans les poches du président de l’Assemblée nationale.
Cette mission ne sera jamais bouclée. La phase d’enquête et d’exploitation documentaire révèle que les seuls fonds ayant quitté la boîte pour une destination douteuse franchissent l’avenue Léopold Sédar Senghor pour emprunter les couloirs du Palais. C’est suffisant pour que le Président Wade décide de l’arrêt des opérations.
A partir de ce moment, on s’oriente vers la piste du prête-nom, mais on ne trouve rien non plus.
La machine policière est alors mise en branle, dans le cadre d’activités de surveillance, d’intimidation et même de tentatives de compromission.
Un matin, c’est le commandant d’une brigade de gendarmerie basée à l’intérieur du pays qui alerte directement Macky. Une liste de numéros d’immatriculation de véhicules, des pick-up appartenant au Pds, a été transmise aux services de sécurité, les véhicules étant déclarés volés.
(…)
Dans ce proche entourage, la cible de choix, c’est l’épouse, connue pour sa fidélité et sa loyauté à son mari. A un moment donné de la crise, elle a adressé une lettre à Wade pour solliciter une audience, avec comme objectif de plaider la cause de son époux. Le destinataire avait réagi en envoyant une personnalité féminine de haut rang de son système demander à Madame Sall l’objet de cette audience sollicitée. Celle-ci avait répondu poliment, mais fermement qu’elle ne pouvait en parler qu’au Président lui-même, et de vive voix. (…)
Avec cette reprise des hostilités et la détermination d’en finir, Abdoulaye Wade ne néglige aucun moyen. Parmi les leviers qu’il compte actionner pour atteindre son objectif figure l’épouse. Il envoie donc un émissaire à celle-ci pour l’inviter à venir le voir. Se souvenant de la fin de non-recevoir que le Président avait opposée dans le passé à sa demande d’audience, et consciente que le nouvel intérêt manifesté par le même ne saurait tenir que de considérations stratégiques, Marème décide de rendre à Wade la monnaie de sa pièce, en refusant purement et simplement d’honorer l’invitation présidentielle.
Mais conformément à l’adage, si la montagne ne va pas à… Abdoulaye, Abdoulaye va à la montagne… ou y envoie ses apôtres.
Face à ce refus, ce sont les gens de Wade qui viendront vers Mme Sall. Chacun avec ses méthodes et ses arguments pour un objectif unique : éliminer le mari du jeu politique en passant par sa femme qu’on compte s’allier ou manipuler.
Il y a ceux qui font miroiter à la jeune dame une montagne d’argent que la générosité de Wade tient à la disposition de son époux pour qu’il puisse se retirer tranquillement avec sa famille dans un grand pays et y vivre comme un prince4.
Il y a ceux qui poussent l’audace jusqu’à tenter de l’inciter à prendre ses responsabilités en partant avec ses enfants sous d’autres cieux mener une vie dorée inaltérable grâce à des moyens mis à disposition, avec la certitude que son mari finirait bien par revenir à la raison et rejoindre sa famille.
Il y a aussi ceux qui se révèlent assez stupides pour penser pouvoir acheter la grandeur et la loyauté de cette femme qui ne vit que pour Dieu et ne se réfère qu’à son époux, et l’utiliser pour neutraliser le mari.
Il y a enfin ceux qui connaissent suffisamment le couple pour savoir qu’aucune motivation ne saurait amener Marème à lâcher Macky, et qui tentent de terroriser la dame en espérant que la peur pourrait la pousser à inciter son mari à abandonner le combat.
La sale guerre
L’épouse de Macky en a entendu, en a vu et en a géré. On est même allé jusqu’à tenter de déstabiliser ce ménage avec des histoires de mœurs montées de toutes pièces.
Digne et grande, puisant ses forces dans sa foi en Dieu et sa croyance en son mari, Marème assure pleinement. Tous les intrigants et manipulateurs de Wade jetés à ses trousses sont éconduits poliment ou sèchement, selon le mérite de chacun.
Le Palais finit par se faire une religion : on n’atteindra pas Macky Sall par sa femme.
Finalement, chez les Sall, on commence à ne plus voir de nombreux «amis», membres de l’autre camp, qui feignaient de désapprouver le combat contre le Président de l’Assemblée nationale et qui s’obstinaient à le fréquenter, poussant parfois la comédie jusqu’à donner l’impression de se cacher. En réalité, ils n’étaient que des chargés de mission qui venaient au domicile de Macky juste pour jouer un rôle dévolu par le Palais. On ne les voit plus, on ne les entend plus. Manifestement, réalisant l’inutilité de leur action d’infiltration et de manipulation, on a décidé de les retirer du jeu.
Abdoulaye Wade est un adversaire redoutable parce qu’il sait se battre et quand il est en action, aucune norme ne peut le limiter. Ni la loi ni la morale, encore moins une convention d’une quelconque nature ne sauraient le freiner dans sa volonté. Il a recours à tous les moyens susceptibles de lui servir d’arme, connaît toutes les pratiques pour éprouver l’adversaire avant l’affrontement final, et il est manifeste que ses choix stratégiques vont dans le sens d’un blocus virtuel contre sa cible du moment.
Parallèlement aux manœuvres d’isolement, des procédés de privation sont mis en œuvre. Ces mesures ne se limitent pas à Macky et sa famille. Ceux qui sont considérés comme son état-major sont aussi visés.
Je me rappelle une expérience personnelle. Une structure gouvernementale relevant du département ministériel dirigé par Karim Wade m’avait confié un travail de consultance. A la fin de la mission, je transmets mon rapport et attends le règlement de mes honoraires… (pages 129-137)
L’abominable pression policière…
De toutes ces épreuves, la plus inacceptable est sans doute la pression policière pernicieuse que nous sentons tous sur nous, à travers des activités de surveillance ininterrompue.
A chaque fois qu’on vient au domicile de Macky, on note la présence des deux agents de renseignements positionnés aux deux extrémités de la rue qui passe devant la maison, de manière à encadrer le bloc d’habitations.
On les retrouve, en partant, et on les voit systématiquement au moment de notre départ prendre leur téléphone pour communiquer. C’est toujours le même rituel, et on en arrive à se dire que soit ils signalent effectivement notre mouvement de départ, soit c’est juste un faux-semblant s’inscrivant dans le cadre des tentatives d’intimidation qui nous visent.
Quoi qu’il en soit, connaissant les gens à qui nous avons affaire, et compte tenu de l’heure tardive à laquelle nous quittons souvent les lieux, nous finissons par envisager des risques d’atteinte physique contre l’un d’entre nous.
Abdoul Aziz Mbaye, conseiller en Tic de Macky, Mame Mbaye Niang et moi, particulièrement ciblés comme représentatifs d’une frange de combattants non issus du Pds, dévoués et loyaux, apparaissons comme les plus exposés à cette éventualité.
Mame Mbaye Niang, le benjamin, mais pas le moins futé ni le moins expérimenté de notre équipe, instaure la pratique du retour en groupe. A chaque fois qu’on se retrouve au domicile de Macky, on veille toujours à rentrer ensemble. Si l’un de nous se retrouve seul là-bas le soir à certaines heures, les autres sont tenus de venir l’accompagner sur la route lorsqu’il doit rentrer. Sur le trajet, nos véhicules se succèdent les uns les autres. Nous laissons Aziz chez lui à Fass, puis Mame Mbaye et moi, voisins à Nord Foire, rentrons ensemble.
C’est à l’occasion d’un de ces retours nocturnes que nous retrouvons l’appartement de Mame Mbaye attaqué et cambriolé, son ordinateur, tout son matériel Tic et des documents emportés. (Pages 140-141)
1 Le refus qui va suivre portant sur ce poste de directeur national dans un ministère dès 1995 alors qu’il avait moins de 34 ans, parce qu’il aurait perdu en revenus s’il acceptait, apporte un démenti implacable à ceux qui prétendent qu’au moment de l’élection de Wade en mars 2000, Macky Sall était dans une situation de détresse sociale, qu’il vivait dans un petit studio où il aurait accumulé les arriérés de location… Macky n’a jamais habité un studio, et personne ne peut citer un propriétaire immobilier qui a eu à lui réclamer un seul mois d’arriéré de loyer. Pour qui connaît le montant des salaires dans le secteur pétrolier, le niveau de qualification de Macky quand il entrait à Petrosen en octobre 1990 et pendant toute sa carrière là-bas jusqu’en 2001, et aussi la sobriété caractéristique de l’homme, c’est simplement ridicule de formuler de telles allégations. En réalité, les auteurs sont les mêmes qui ont sorti cette autre énormité : «Macky Sall n’a pas le niveau d’ingénieur de travaux, c’est un simple ingénieur de conception.»
2 «Je te veux dans mon immeuble (ministère)».
3 Souleymane Ndéné Ndiaye et Macky Sall ont été des voisins de chambres au campus de l’Ucad pendant une bonne partie de la décennie 1980. C’est à cette époque que remonte leur amitié qui sera renforcée par leur compagnonnage dans le Pds. Après le départ de Macky de ce parti, Souleymane continuera à revendiquer l’amitié qui les lie, tout en assumant l’adversité politique qui les oppose.
4 Un conseiller du Président Wade qui a joué un rôle particulièrement trouble dans la tentative d’élimination de Macky du jeu politique, a expressément pris contact à l’époque avec un ami proche de celui-ci pour lui demander de transmettre au concerné le message selon lequel 10 millions de dollars étaient tenus à sa disposition s’il acceptait de démissionner de l’Assemblée nationale et de quitter définitivement le pays avec sa famille pour aller s’installer dans n’importe quel autre pays de son choix. Une offre à laquelle Macky n’a donné aucune suite.