La première réunion des Etats membres portant sur la création d’une Radio/Télévision de s’est tenue les 28 et 29 octobre 2015, à Abuja (Nigéria ), sous la présidence de Babacar Touré, président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA).
Coopté pour avoir répondu aux critères des responsables de la Communauté qui visaient une présidence placée sous l’autorité d’une personne alliant légitimité, expérience, notoriété et compétence, Babacar Touré a ouvert les travaux en mettant d’emblée l’accent sur les enjeux multiples et vitaux d’un tel projet. Aussi, a-t-il souligné : « Une chaîne de radio/télévision de la CEDEAO permettrait à notre région de donner de la voix sur la scène internationale, une voix ouest africaine authentique et crédible. ». Elle aura entre autres pour rôle, de « défendre un héritage culturel commun, montrer la richesse de nos peuples, offrir des programmes éducatifs pour faire découvrir notre région et notre patrimoine à notre jeunesse qui s’auto-déracine dans ce monde globalisé. »
Babacar Touré a fait observer à cette occasion que l’une des tâches majeures de la télévision communautaire consistera aussi à montrer « à notre jeunesse que l’on peut réussir et se faire une place au soleil dans un espace de 4 millions de kilomètres carrés plutôt que de poursuivre des chimères au-delà de l’océan atlantique et y laisser sa vie dans ses eaux glaciales. »
Pour atteindre un tel objectif, il faudrait selon Babacar Touré, garder toujours à l’esprit que « la dynamique d’intégration et le sentiment d’appartenance ont besoin de s’adosser à des dynamiques positives, à une idée de l’Afrique qui gagne parce qu’elle se bat en s’appuyant sur ses ressources propres, l’Afrique qui relève le défi de la sécurité alimentaire, de l’éducation, de l’énergie par la création de barrages et le développement du solaire… “. Il a souligné par conséquent avec force, qu’il s’agira de « mettre l’accent sur les dynamiques actuelles plutôt que de développer une nostalgie de l’Afrique idyllique ! »
A la suite de Ahmadou Moctar Mbow, ancien Directeur général de l’Unesco, Babacar Touré a invité “l’Afrique à être présente au banquet de l’Universel en n’étant pas consommatrice exclusive de l’information mais plutôt co-créatrice et coproductrice de l’information mondiale pour espérer ainsi contribuer à la transformation de la société mondiale de demain”
Les débats qui s’en ont suivi ont montré que les participants étaient conscients de l’urgence des réponses à apporter à des défis qui ne sont certes pas nouveaux mais qui ont pris une importance cruciale de nos jours. Ils ont fait remarquer que ce n’est d’ailleurs pas innocent, si l’on constate aujourd’hui que les grandes télévisions qui émettent à partir des pays qui veulent se partager l’influence planétaire se mettent toutes à développer les moyens « d’envahir » de nouveau l’Afrique. D’ailleurs, ont-ils relevé, certaines d’entre elles ont tacitement noué des accords pour se partager des zones d’occupation, à l’instar de la Conférence de Berlin qui avait divisé l’Afrique en colonies.
Des intervenants ont aussi tenu à rappeler que pour coloniser l’Afrique de l’Ouest, l’Occident et avant lui le monde Arabe, avaient envoyé les religieux suivis des militaires, pour ensuite arroser nos territoires avec les ondes de leurs radios. C’est ainsi que durant toute la période de la Guerre froide, ce sont surtout les instruments de propagande que sont, entre autres, Radio Moscou, Radio France, la Voix de l’Amérique, BBC et même radio Tirana, qui ont servi de moyens d’influence au monde développé.
C’est certainement en rapport avec tout cela que les experts et autorités réunis à Abuja, les 28 et 29 octobre, ont recommandé aux chefs d’Etat membres de la Communauté de prendre des mesures urgentes pour rendre effectif et faire démarrer dans les meilleurs le projet de Radio/Télévision.
Horizon 2017
Après les débats de haute facture qui ont suivi la présentation du plan élaboré par le consultant engagé par la Commission, une feuille de route préconisant le démarrage des programmes, au plus tard à la fin de l’année 2017, a été adoptée pour servir de recommandations au Conseil des ministres de la CEDEAO.
Pour ce faire, un comité de pilotage composé de cinq membres sera mis en place avant la fin de la première quinzaine de ce mois de novembre. Il aura la responsabilité d’assurer un réel leadership et d’amener les décideurs à saisir l’importance et l’urgence de la réalisation d’une telle ambition.
Une autre recommandation forte vise également à associer le secteur privé africain dans la mise en œuvre de cette décision prise par les Chefs d’Etat des 15 pays membres de CEDEAO, tout en précisant que cela ne se résume pas au seul secteur privé audiovisuel.
Un autre point qui a particulièrement retenu l’attention est la nécessité de trouver de bons partenaires stratégiques qui travailleront en bonne intelligence avec les équipes de la Communauté. C’est dans cadre d’ailleurs que Euronews a fait une présentation pour se positionner comme partenaire technique et stratégique. Il est toutefois à souligner que selon la recommandation faite au Conseil des ministres d’autres partenaires potentiels seront contactés avant qu’une décision finale ne soit prise.
C’est ainsi que le secteur privé audiovisuel africain qui n’a pas pu participer à la rencontre a été invité à présenter ses possibilités et son rôle éventuel pour la réalisation de ce grand chantier. Il est toutefois important de noter que les intervenants ont pleinement conscience que si ce projet n’est pas porté par des Chefs d’Etat et considéré comme une priorité stratégique, sa réalisation aura du mal à se concrétiser. En effet, non seulement la question des moyens est une préoccupation réelle, mais également les procédures budgétaires de la structure communautaire pourraient le cas échéant constituer un obstacle majeur. L’atelier a enregistré la présence des délégués des treize (13) pays membres suivants : Benin, Burkina Faso,Cap Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigéria, Senégal et Togo.
COMPETITION POUR LE CONTROLE DE L’INFORMATION
A la suite de l’envahissement du Koweit par l’armée irakienne, George H. Bush, président des Etats-Unis décide de mettre en place une coalition internationale pour déclencher la première guerre du Golf. Pour la première fois dans l’histoire, le monde entier assiste à un conflit armé télévisé en direct et vu sur l’ensemble du globe. CNN (Cable News Network), qui était encore une télévision jouant un rôle très mineur dans le monde, acquiert sa réputation de télévision mondiale.
La réaction de l’Europe ne s’est pas faite attendre. La chaîne Euronews est créée pour faire face à cette nouvelle forme de domination des Etats-Unis d’Amérique. Des pays qui étaient déjà des géants dans le domaine de la radio en ondes courtes comme la France ( RFI), la Grande Bretagne (BBC), La Chine (Radio Beijing -ancienne Radio Pékin), La Russie (Radio Moscou) etc., se lancent dans la nouvelle compétition pour un contrôle de l’information audiovisuelle à l’échelle planétaire. BBC TV se renforce, France 24 entre dans la danse, la CCTV et la télévision Russe internationale voient le jour. En s’appuyant sur ses immenses ressources pétrolières et gazières, le Qatar, pays jusque-là très peu connu, se transforme en une « super puissance médiatique » avec la création de la chaîne d’informations générales Al Jazeera et de Bein Sports qui est le diffuseur des grands championnats du football européen et qatari.
Regroupée dans la CEDEAO, avec un marché de 300 millions de consommateurs, l’Afrique de l’Ouest a très tôt compris que pour susciter l’adhésion des populations, il lui fallait impulser dans cet espace communautaire une vision du monde adossée à ses réalités et valeurs propres. Aussi la conférence des Chefs d’Etat avait-elle décidé en 2000 de la création de la Radio/Télévision de la CEDEAO. Constatant que le projet tardait à se matérialiser , il avait alors été décidé en décembre 2013, à l’issue de la réunion du Conseil des ministres de demander à Kadré Désiré Ouédraogo, président à la Commission de la Communauté, d’accélérer le processus de création de la Radio/Télévision.
Dr. IsaiasBarreto Da Rosa , Commissaire en charge des Télécommunications et des Technologies a été désigné pour conduire le processus qui doit mener au lancement de la Radio/Télévision de la CEDEAO .