Ces différents cas de viols ici répertoriés ont bien existé, même si les noms utilisés sont des noms d’emprunt pour protéger les victimes et leurs proches. Les témoignages aussi poignants les uns que les autres ont tous presque une chose en commun : des vies brisés à la fleur de l’âge. Le Centre de Guidance Infantile et Familiale (CEGID) a mis à notre disposition sa précieuse source documentaire.
TEMOIGNAGES DE PERSONNES VICTIMES DE VIOLS
MARIEME, 11 ANS
Mariéme (nom d’emprunt) était âgée de 11 ans quand le mari de sa grande sœur avait commencé à la violer. Elle est aujourd’hui traumatisée par les 4 années durant lesquelles, elle a subi les assauts répétés de son beau-frère. Les larmes aux yeux, elle a fait ce témoignage à Karine Frank de Rfi par l’entremise du CEGID qui a bien voulu nous transmettre l’élément sonore. C’est une manière pour elle de se décharger, de se libérer de cette angoisse, de cette épine existentielle.
«J’y pense tout le temps. Je n’arrive pas à dormir. Il y a les études qui me reviennent et ma famille ne veut rien dire. C’est mon papa qui ne veut pas porter plainte et je n’arrive même pas à comprendre pourquoi il ne veut pas le faire. Il estime que ce n’est pas grave, que ce sont des choses qui sont passées, que c’est la famille. Mais moi j’aurai aimé qu’il porte plainte parce que je veux que justice soit faite pour moi car je n’avais que 11 ans. Et je sais que ça va me poursuivre toute ma vie. C’est le fait de ne plus être vierge et d’avoir été violée qui me hante. Cela va me poursuivre encore quand je serai mariée parce que nous sommes au Sénégal. Ma belle famille ne va comprendre et cela va créer d’autres problèmes. C’est une honte parce que vous allez devoir survivre pour juste en parler et se libérer pour continuer de vivre sa vie. Le fait de garder le silence ne vaut rien, ça fait souffrir. Il faut juste garder son courage».
ASTOU, 15 ANS, SEQUESTREE PENDANT 15 JOURS ET VIOLEE PAR DEUX PERSONNES INCONNUES
A la suite du viol, elle ne savait pas qu’elle était enceinte. C’est lorsqu’elle a commencé à saigner sans arrêt qu’elle s’est rendue à l’hôpital et la sage-femme qui l’a consultée lui a fait savoir qu’elle venait de faire une fausse couche. Stigmatisée dans le quartier, elle refuse de sortir de chez elle. Finalement, son père l’a déplacée vers un autre lieu, loin des regards du voisinage.
MAME, 15 ANS, VIOLEE PAR UN INFIRMIER DANS UN CENTRE DE SANTE
A la suite de ce viol, elle a eu une grossesse. Les parents pensent que leur fille n’est pas en âge d’avoir un bébé et qu’elle a ses études à terminer. L’enfant a peur du regard des autres et du fait que ses études soient compromises.
COUMBA, 13 ANS, VICTIME DE VIOL SUIVI DE GROSSESSE PAR UN VOISIN AGE D’UNE CINQUANTAINE D’ANNEES
Ici, c’est le grand-père qui a remarqué un changement de morphologie chez l’enfant. Quand la famille a été mise au courant de la situation, l’enfant était enceinte de cinq mois.
AWA, 15 ANS, VIOLEE PAR UN HOMME QUI VENAIT JUSTE DE LA SAUVER D’UNE TENTATIVE DE VIOL DE LA PART D’UN JEUNE QUI VIT CHEZ SON ONCLE
Celui-ci a proposé à l’enfant de la raccompagner chez elle puisqu’il commençait à faire nuit. Juste après les faits, l’enfant et sa mère se sont rendus dans un centre de santé et le médecin qui a consulté l’enfant a déclaré qu’il y avait eu une tentative de pénétration, mais pas de défloration et il n’a pas prescrit de pilule du lendemain. Quelques temps après, l’enfant est tombée malade et la mère l’a amenée cette fois-ci à l’hôpital. Les résultats obtenus ont révélé que la fille était enceinte de quelques semaines. La mère est alors allée à l’AJS qui à son tour à référé la victime au CEGID. La fillette ne voulait pas entendre parler de la grossesse, elle était devenue agressive, elle se bagarrait souvent avec ses frères et sœurs et faisait régulièrement des fugues. Avec l’aide de sa mère, elle a fini par «accepter» la grossesse. Elle a accouché d’une fille, un matin vers 5h-6h, dans la rue car sa mère n’a pas trouvé de moyens de transport pour l’amener à l’hôpital.
ADAMA, 19 ANS, A ETE VIOLEE A DEUX REPRISES PAR UN MARABOUT
Elle a rencontré son bourreau dans un bus de transport en commun. A la suite de ces viols, elle est tombée enceinte. Après la révélation des faits, la fille ne pouvant supporter la détresse de ses parents, a fait une fugue en laissant un message à sa sœur pour dire qu’elle n’allait pas revenir, qu’elle voulait mourir. Elle a dit ne pas avoir les moyens pour faire face à cette grossesse et voulait se suicider. Finalement elle a été retrouvée dans un jardin public non loin de chez elle. Elle était déprimée et pleurait souvent, elle a arrêté ses études et son mariage qui était prévu a été annulé. Elle dit qu’elle ne pourra pas s’occuper de l’enfant mais sa mère est prête à l’aider et à s’occuper du bébé pour qu’elle puisse continuer ses études.
AMY, 18 ANS, A QUITTE NUITAMMENT LA MAISON POUR SE RENDRE A THIES CHEZ SES GRANDS-PARENTS CAR ELLE NE SUPPORTAIT PLUS LES DISPUTES DE SES PARENTS.
Arrivée dans la nuit, elle ne savait plus où se trouvait la maison. Un jeune homme lui proposa de l’héberger chez lui le temps qu’elle arrive à se souvenir de l’endroit où habitaient ses grands-parents. Il abusa d’elle et elle est tombée enceinte. Elle a accouché depuis plus de trois mois, mais le bébé n’est toujours pas déclaré à l’état civil.
PENDA, 17 ANS, VIOLEE PAR L’ENSEIGNANT DE SON VILLAGE ET ENCEINTE
Ayant peur des réactions de ses parents après avoir constaté qu’elle était en état de grossesse, elle en a parlé à sa sœur qui l’a amené à Dakar pour les démarches médicales et le dépôt d’une plainte. Une fois au courant des faits, les parents de la victime et les notables du village ont fait pression sur la victime et sa sœur pour qu’elles retirent la plainte. Aujourd’hui, elle vit dans l’angoisse d’être une mère célibataire avec en charge, en plus de sa mère paralysée, un bébé.
BINETOU, 13 ANS, VIOLEE A PLUSIEURS REPRISES PAR SON COUSIN ET ENCEINTE
Une fois au courant des faits, aucun membre de la famille n’a osé affronter le jeune homme car il est de nature violente. C’est l’oncle maternel de la petite qui est venu la chercher du village pour l’amener à Dakar. Cependant, l’oncle est malade et ne dispose pas de ressources financières pour faire face aux frais médicaux. De plus, chez lui, il n’y a pas assez de place pour héberger la fillette. De ce fait, elle est placée dans un centre d’accueil le temps de trouver une solution. Aujourd’hui, Binetou se pose beaucoup de questions. Où va-t-elle vivre avec son enfant après l’accouchement ? A-t-elle la maturité d’élever seule un enfant ? Aura-t-elle un soutien pour prendre en charge l’enfant ? Quel avenir pour cet enfant et pour elle ?
KHADY, 16 ANS, VIOLEE PAR SON PETIT AMI ET ENCEINTE DE CINQ MOIS
Ce dernier nie les faits qui lui sont reprochés et menace la fille et sa mère. L’enfant a fait une tentative de suicide car elle pense qu’elle sera avec son bébé un poids de plus pour sa mère qui est déjà fatiguée par toutes les charges qu’elle doit assumer.
OUMOU, 15 ANS, VENUE A DAKAR POUR TROUVER DU TRAVAIL PENDANT LES VACANCES, VIOLEE PAR LE FILS DE SA PATRONNE ET ENCEINTE
L’agresseur s’est enfuit. Elle ne peut plus poursuivre ses études et sa famille n’a pas les moyens pour l’aider à prendre en charge le bébé à la naissance.
MATY, 12 ANS, VICTIME DE VIOL SUIVI DE GROSSESSE PAR UN HOMME AGE DE PLUS DE 60 ANS
Dans le quartier où elle habite tout le monde est au courant des faits. La victime vit avec sa grand-mère et elles n’ont pas les moyens de faire face à la grossesse. Elle vit dans l’angoisse, elle dit qu’elle a constamment le cœur qui bat, elle ne dort pas la nuit et a souvent mal au ventre.
TEMOIGNAGE D’UN PARENT D’ENFANT VICTIME D’ABUS SEXUEL : «Comment l’abus sexuel désorganise les liens familiaux»
Ce témoignage est celui du père d’une fille de 14 ans victime de viol et accompagnée par le Centre de Guidance Infantile et Familiale (CEGID) dont la coordonnatrice a bien voulu mettre ces éléments à notre disposition. Meissa (nom d’emprunt) relate ici la manière dont l’abus sexuel désorganise les liens sociaux.
«Ma fille de 14 ans a été violée par mon propre neveu que j’ai éduqué. J’ai traversé une situation très difficile avec ma famille qui m’a tourné le dos car étant contre le fait que je porte plainte. Tous les membres de ma famille m’ont rejeté y compris ma propre mère. Jusqu’à présent, je suis isolé et vis seul avec ma femme et mes enfants. Depuis, des conflits se sont créés dans la famille qui veut protéger le mise en cause.
En arrivant au CEGID j’étais déboussolé, désespéré et j’étais prêt à faire justice moi-même «en tuant» ce salaud qui a violé ma fille. Dieu merci avec l’aide du Professeur Mbaye et de son équipe, j’ai retrouvé mon calme et ils m’ont aidé à suivre la procédure normale pour porter plainte et laisser cette affaire entre les mains de la justice. Cependant, après quatre mois de détention, le prévenu a été relaxé au bénéfice du doute. J’avoue que je n’ai rien compris, j’éprouve une grande déception à la décision de la justice et jusqu’à présent je prends des médicaments pour pouvoir dormir. C’est une situation très dure qui vous marque à jamais. J’ai le cœur meurtri quand j’évoque cet épisode de ma vie, je vous remercie de votre attention».
SERIGNE MOR MBAYE, PSYCHOLOGUE, SUR LA RECRUDESCENCE DES VIOLS : «Le basculement des valeurs sociales mène au génocide sexuel»
En 2014, Me Sidiki Kaba, Garde des Sceaux, avait annoncé «3600 cas de viols enregistrés au Sénégal». Cette année encore, il a révélé que «3000 cas de violences sexuelles sont traités en justice dans notre pays». Les chiffres sont effarants. Le psychologue-clinicien, Sérigne Mor Mbaye, parle d’un «véritable génocide sexuel». Selon lui, «lorsque les valeurs d’une société basculent et que les propos incantatoires d’ordre religieux n’ont plus aucune emprise sur l’individu, il y a un dérèglement social qui s’opère». Ce qui explique cette nette recrudescence des cas de viols.
Alors qu’il avait déjà annoncé «3600 cas de viols enregistrés au Sénégal en 2014», Me Sidiki Kaba, ministre de la Justice, a récemment laissé entendre que «3000 cas de violences sexuelles sont traités en justice chaque année» dans notre pays. C’était lors d’un atelier de sensibilisation des journalistes sur l’impact du traitement des faits de violences sexuelles sur le bien-être des victimes et de leurs familles, organisé les 19 et 20 octobre derniers par le Centre de Guidance infantile et familial (Cegid). Ces chiffres donnent l’impression que le viol est la principale activité au Sénégal. Le psychologue-clinicien, Sérigne Mor Mbaye, nous en fait une lecture particulière.
UNE SOCIETE QUI PERD SES REPERES
Ayant constaté que les valeurs de notre société ont basculé et que les propos incantatoires d’ordre religieux n’ont plus aucune emprise sur l’individu, il dénonce le dérèglement social qui entraîne «un véritable génocide sexuel» dans certaines zones du pays. «Lorsque les valeurs d’une société basculent et que les propos incantatoires d’ordre religieux n’ont plus aucune emprise sur l’individu, ça pose problème. Pour preuve, vous donnez une radio à des gens qui pendant toute une journée, de 6 h du matin au soir, menacent des foudres de l’enfer, et après il n’y a pas de résultat», déclare le professeur Sérigne Mor Mbaye. Selon lui, l’éducation est le socle de la morale sociale. C’est le moyen par lequel l’individu apprend les valeurs de sa société, les intériorise et les met en pratique pour contribuer au maintien de la cohésion sociale.
SERIGNE MOR MBAYE, PSYCHOLOGUE, SUR LA RECRUDESCENCE DES VIOLS
«La personne est éduquée en famille, on lui transmet des valeurs de type universel, avec des spécificités certainement culturelles. Lorsqu’il n’y a pas d’éducation, c’est-à-dire lorsque les institutions éducatives ne fonctionnent pas, cela produit des individus socialement déréglés», explique le psychologue-clinicien. «Auparavant, il y avait un contrôle du groupe social sur les individus à qui on inculquait des valeurs de retenue. Maintenant, ce contrôle n’existe plus. A partir du moment où il n’y a ni une loi communautaire, ni une autre loi qui contient les fantasmes et les perversions de l’individu, il devient quelque peu bestial», poursuit le précurseur du CEGID.
UNE SEXUALITE QUI CHANGE
Une autre raison au phénomène peut être cherchée, toujours selon Sérigne Mor Mbaye, dans le changement qui s’est opéré au plan de la sexualité. Le corps échappe désormais au contrôle de l’individu. «La sexualité a aussi changé. Jadis, on demandait à l’individu de maîtriser son corps. Pour autant que la société te formait à avoir des pulsions sexuelles, de la même manière elle te formait à les maîtriser, à comprendre et à connaître leurs orientations. Mais cette société n’existe plus. C’est ça le véritable problème», souligne-t-il. Le psychologue-clinicien indexe également le manque d’éducation et d’un projet de société, mais également l’émergence de l’individu au détriment du groupe social. «C’est quand les institutions de transmission des valeurs ont volé en éclat et que la famille, passée d’un groupe de personnes élargi à un groupe nucléaire, ne peut plus jouer le rôle de cette société, que l’individu a émergé dans un contexte où il n’y a pas de projet de société. Il n’y a plus de direction, les personnes ne sont plus éduquées», regrette-t-il tout en donnant une ébauche de solutions.
QUELQUES SOLUTIONS DE BASE
Pour Sérigne Mor Mbaye, il est bien possible de renverser cette violente tendance des viols et des abus sexuels, en commençant par une vaste opération d’éducation parentale. «Il faut une vaste opération d’éducation des parents car aujourd’hui être parent devient un métier. Les parents doivent transmettre à leurs enfants des valeurs. La société en tant que telle doit servir de repère sur ses institutions, elle doit prendre le relai en essayant de mettre en exergue des valeurs», soutient-il. Avant de rappeler : «L’éducation sociale précède de sept ans l’éducation religieuse. C’est à l’âge de sept qu’on emmène l’enfant à l’école ou au daara. Il aura déjà reçu depuis la naissance certaines valeurs éducatives de sa société». Toutefois, malgré les nombreuses initiatives, il y a eu des échecs faute de continuité. «Il y a eu beaucoup d’initiatives pour apporter des solutions, des initiatives qui ont parfois même coûté de l’argent. Ce sont les centres ados qui ont fait faillite d’ailleurs parce que nous n’avons pas de projet de société. On crée des choses, on met de l’argent, mais après quelques années tout disparait. Il n’y a aucune continuité», relève-t-il tout en se désolant des nombreux cas de viols enregistrés dans les écoles sénégalaises.
QELQUES STATISTIQUES
a Aux Parcelles Assainies, sur 233 élèves rencontrés, 70% connaissent quelqu’un dans leur entourage ayant été victime d’abus sexuels et 10 % ont révélé avoir été victime d’un abus sexuel au cours de leur vie.
aA Pikine, sur 300 élèves rencontrés, 55% d’entre eux connaissent dans leur entourage une personne victime d’abus. 24% ont avoué avoir été victime.
PROPOS DE SAGES-FEMMES
a «Il faut qu’on revoit nos prestations, qu’on soit conseillère auprès des mamans qui viennent nous voir».
(Sage-femme 1)
a «La semaine passée, on a reçu une fille victime de viol. Pour la faire parler, on l’a enfermée dans une salle, on l’a bousculée par des menaces, on a crié sur elle, hier quand j’ai regardé l’intervention du Dr. Drai, j’ai regretté d’avoir bousculé la fille pour qu’elle parle de son agression».
(Sage-femme 2)
a «Je consulte une fille qui a entre 11 et 12 ans, victime de viol, son agresseur est le gardien de l’école, la famille ne veut pas porter plainte, l’enfant commence à fuguer. Le gardien continue toujours d’abuser d’elle. On a du mal à gérer tout ce qui tourne autour du viol».
(Sage-femme 3)
a «Faire venir au monde une enfant sur une table d’accouchement, devoir la consulter six années après sur la même table pour des faits d’abus sexuels, c’est horrible ! Et pourtant, tous les jours nous sommes confrontées à de tels faits».
(Sage-femme 4).
STATISTIQUES D’ENFANTS MERES RENCONTREES PAR LE CEGID : Sur les 24,1 % de cas de viol suivi de grossesse, 57,9% des victimes sont âgées de 11 à 15 ans.
Ce pourcentage est alarmant lorsque l’on sait que la grossesse d’une enfant de cet âge signifie : grossesse et risque de mortalité infantile chez des sujets qu’on ne peut pas qualifier de mères eu égard à leur âge et à leur statut d’enfants.
De plus, les grossesses sont découvertes tardivement, l’enfant ne sachant pas toujours les conséquences de l’abus sexuel et révélant bien souvent tardivement celui-ci. Il y a des risques de fausse-couche lié à l’état de santé mentale du sujet et à des carences alimentaires dues à la précarité économique du milieu familial. Bien que gratuite, l’acte d’opération chirurgicale que constitue la césarienne enlève peu à la charge économique car les familles doivent prendre en charge les frais avant accouchement (médicaments, visites médicales) et le «kit médical» avant et après la césarienne. En moyenne, nous avons pris en charge des frais médicaux variant entre 20 000F et 142 000 FCFA
(source : base de données CEGID).
ABBE ROGER GOMIS SUR LES VIOLS : «Il faut reconstruire l’homme !»
L’Abbé Roger Gomis sonne l’alerte sur le phénomène de viol qui détruit et met à terre les femmes et toute la société. Ces comportements répréhensibles, dit-il, nous font régresser au bas de l’échelle du développement humain. C’est pourquoi, selon lui, « la croissance doit servir à une société qui est debout ! »
Entre croissance économique et construction de l’homme, l’Abbé appelle à réfléchir pour que la première serve à la deuxième. « Si aujourd’hui, on nous parle de 3.000 cas de viol par an au Sénégal, cela veut dire, qu’à toutes les heures, les femmes sont violées, au Sénégal! Ça doit nous amener à nous interroger ! Il faut s’arrêter et réfléchir. On construit des routes, on nous parle de croissance économique, mais c’est pour qui tous ces efforts? Il y a des personnes qui sont détruites, des femmes à terre, pendant que des hommes machistes sont debout et font n’importe quoi. Il faut que la croissance serve à une société qui est debout ! Il faut reconstruire l’homme».
Pointant du doigt la dépravation des mœurs, la pauvreté grandissante et le sous-emploi, comme facteurs aggravants du viol, Abbé analyse ce phénomène comme assez complexe. « Il y’a beaucoup de personnes désœuvrées. Et comme on le dit, l’oisiveté est la mère de tous les vices ». Poursuivant sur les causes du viol, il fustige un relâchement dans l’éducation des enfants : «Il y a du relâchement dans l’éducation des jeunes filles, qui sont souvent les victimes de viols. Il faut qu’on leur enseigne à respecter leur dignité et surtout à ne pas se mettre en danger en exposant leur corps au dehors. Les garçons aussi sont à éduquer dans le sens de ne pas «chosifier le corps de la femme», mais plutôt à considérer sa dignité en la regardant. Il y a un certain instinct de domination chez l’homme».
Notre société doit permettre une présence efficace des parents sur le terrain de l’éducation, d’après Abbé Roger. «Nous sommes dans une société qui ne permet pas aux parents de rester à la maison avec leurs enfants !» Se désole-t-il, avant de poursuivre : «Il faut des programmes qui appuient financièrement les ménages, pour que les parents puissent rester éduquer leurs enfants ; des programmes qui les formeraient à la responsabilité parentale. Que l’on permette aux dépositaires de la tradition, de vulgariser leurs savoirs et les valeurs traditionnelles, dans les medias, c’est un moyen d’atteindre les parents et de les aider».
Pour lui, le viol étant une agression, un manque de respect, «l’Eglise ne peut pas cautionner que l’on viole la dignité de la femme ou de quelque autre personne». Et l’Abbé de poursuivre. «Les papes Jean Paul II (de vénérée mémoire), Benoît XVI et François ont beaucoup écrit et parlé sur la dignité et le respect de la femme. Jean Paul II y a consacré une encyclique à l’occasion du 8 mars. Le Cardinal Sarr lors des cérémonies marquant son départ de la tête de l’Archidiocèse de Dakar, l’année dernière, insistait encore sur l’égale dignité de l’homme et de la femme».
Ainsi, pour lutter contre ce fléau, Abbé Roger propose d’aller plus loin que des peines carcérales. Pour lui, il faut reconstruire l’homme avec des valeurs. «Le viol est rattaché à la faiblesse humaine. Il y a un appel à la prise de conscience sur la dignité humaine. Il y a un travail spirituel à faire et pas seulement religieux. Les victimes de viol en sont marquées, d’autres sont même faites esclaves sexuels. Il faut reconstruire l’homme en se basant sur des valeurs sûres». Poursuivant son plaidoyer, il en appelle à bannir de notre langage des termes assez réducteurs : «Il y a des expressions qui stigmatisent la femme comme «sexe faible», qui incitent à des attitudes d’exploitation, d’abus. Elles sont à bannir de notre langage, puisqu’elles induisent des comportements et des actes répréhensibles ». Toujours sur l’expression, il lance un appel à la presse dans le traitement de ces faits de société. «La presse fait un excellent travail d’information et d’alerte sur ces questions. Mais en relatant les faits, il y a un style qui choque les victimes et a contrario fait l’apologie des dominateurs. La presse a le devoir de préserver la dignité des personnes».De même il attire l’attention sur certains programmes qui ne militent pas en faveur d’un développement humain durable. « Des valeurs communes, à transmettre de génération en génération, un patrimoine culturel commun. C’est ce qui nous mènera à un développement humain durable ».
OUSTAZ ALIOUNE MBAYE, PRECHEUR A SUD FM, SUR LES VIOLS : «Il y aura plus de cas de viols tant qu’il y a plus de liberté»
Il faut certainement s’attendre à plus de cas de viols au Sénégal tant qu’il y aura autant de liberté. C’est la conviction d’oustaz Alioune Mbaye, prêcheur à Sud FM, qui propose comme solutions de se référer aux prescriptions de l’Islam. OustazMbaye, dénonçant la faillite du modèle éducatif, invite les parents à revoir l’éducation de leurs enfants.
Le Sénégal n’a apparemment pas fini avec les cas de viols. Oustaz Alioune Mbaye de Sud FM estime qu’il y en aura davantage tant qu’il y aura autant de liberté. «Le ministère de la justice va enregistrer plus de cas de viols par an. Les tenants du système ne doivent jamais espérer une diminution des viols. Les chiffres vont sans cesse augmenter du moment qu’ils ont délaissé ce que l’Islam avait prévu comme code de conduite», a déclaré le prêcheur. «L’Islam avait pris ses précautions depuis le 7e siècle pour prévenir contre les questions de viols. La religion a établi sur une base solide les moyens de sécuriser la femme. Elle lui a tracée une ligne de conduite et lui a montrée comment elle doit se comporter et s’habiller. Les femmes doivent être voilées. C’est le décret divin. A partir de deux ans, la fille ne doit plus serrer la main à un homme», poursuit-il.
Mieux, l’Islamologue explique : «A partir de neuf ans, elle ne doit plus porter des vêtements transparents, mais des habits qui enveloppent son corps. Elle doit être voilée et ses cheveux ne doivent plus être vus de tous. Si les filles sont ainsi sécurisées au point que les hommes ne pourront plus se rendre compte si ce sont des filles qu’ils ont croisées dans la rue ou non, elles ne seront plus violées». Selon oustazMbaye, «la femme ne doit pas être libertine au point d’aller où elle veut, de coucher où elle veut, de rencontrer qui elle veut, de manger ce qu’elle veut n’importe comment dans la rue sans rendre compte à personne». Oustaz Alioune Mbaye a aussi signalé que «si une fille précoce, avec tous les atours d’une femme, rencontre un homme pubère et viril, il peut toujours y avoir une tentation incontrôlée».
La société en faute
Dans son réquisitoire contre le phénomène, le prêcheur de Sud FM Sen Radio est catégorique. C’est à la société qu’il faut faire porter le chapeau. «Les cas de viols sont dans toutes les lèvres, mais en réalité c’est la société qui favorise le viol. Car il n’y a aucun système qui est établi pour éloigner les hommes des femmes. La société devrait éduquer ses femmes à s’habiller décemment, elle doit également inculquer aux hommes la vertu de respecter les femmes, de les protéger et les honorer. Les hommes doivent comprendre qu’il faut travailler pour les mériter. Tant qu’il n’y a pas cette éducation, ils continueront à violer les femmes, à les engrosser et à refuser leur paternité», dit-il. «Cette situation va s’intensifier à l’avenir car il faut comprendre que Dieu peut pardonner les péchés commis mais il ne nous donnera jamais raison en se dédisant. Quand on écarte l’Islam et ses principes en s’accrochant à la laïcité, on ne peut pas vivre en paix», décrète-t-il.
La faillite du modèle éducatif
Selon l’Islamologue l’école a aussi une part de responsabilité dans la situation. «L’école a failli à sa mission d’éducation des masses. Le modèle qu’il nous sert n’est pas approprié à nos réalités. Alors que nous avons hérité plusieurs dettes de l’aide au développement, on nous construit des cités avec des jardins publics pour servir de lieux de repos. Or, nous devons travailler», rappelle-t-il. «L’école, la rue et la télévision, associées à la liberté de faire ont fini de déshumaniser les rapports sociaux. La base est la famille. Il faut que les parents reprennent leur responsabilité et éduquent leurs enfants. Il y a trop de laisser-aller. Les enfants vont à l’école avec des téléphones portables et se connectent aux réseaux sociaux comme ils veulent», fait-il remarquer. «Il faut que les parents revoient l’éducation de leurs enfants. Quand tu observes les comportements des enfants qui vont à l’école, tu as l’impression que tu vois des animaux. Comment pouvez-vous qualifier que des étudiants caillassent un président de la République ? C’est inimaginable, mais ça s’est passé au Sénégal. C’est un problème», souligne-t-il.