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Grève de la faim des détenus de la MAC de Rebeuss, longues détentions préventives ...: Des recettes pour une sortie de crise
Publié le vendredi 30 octobre 2015  |  Sud Quotidien
Maison
© Autre presse par DR
Maison d`arrêt de Rebeuss




Alors que le Sénégal abrite depuis hier le 5ème congrès de l’Association francophone des Commissions nationales des droits de l’homme (Afcndh), notre pays s’illustre par une grève de la faim de détenus de la Maison d’arrêt de Rebeuss dénonçant de mauvaises conditions et les longues détentions préventives. Ce qui n’est pas pour arranger les choses dans le combat du Comité sénégalais des droits de l’homme pour retrouver son statut A, auprès des Nations unies, perdu en 2012. Ce mouvement d’humeur des pensionnaires de Rebeuss est diversement apprécié. Défenseurs des droits de l’homme, autorités politiques et judiciaires donnent des recettes pour mettre fin aux longues détentions avant jugement et améliorer les conditions de vie dans les lieux de privation de liberté.

BOUBA DIOUF TALL, PRESIDENT DE L’OBSERVATOIRE NATIONALE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE (ONLPL) : «Privilégier des peines autres que la prison pour les infractions mineures»

Le président de l’Observatoire nationale des lieux de privation de liberté (Onlpl), Bouba Diouf Tall, juge que pour éviter les longues détentions préventives, les magistrats doivent recourir à des peines alternatives au mandat de dépôt. Hier, mercredi, il a pris part au congrès de l’Association francophone des commissions nationales des droits de l’homme (Afcndh).

La mise sous mandat de dépôt doit être évitée pour les délits mineurs. C’est entre autres solutions préconisées par le président de l’Observatoire national des lieux de privation de liberté (Onlpl), le magistrat Bouba Diouf Tall, pour éviter les longues détentions et désengorger les prisons. «Des aménagements doivent être faits, des modifications doivent être apportées sur les comportement et attitude des magistrats pour privilégier des peines autres que la prison dans des infractions mineures». Eviter ces longues détentions préventives est nécessaire car, estime Bouba Diouf Tall, les détenus sont déjà vulnérables. «La personne privée de liberté en elle-même est vulnérable», soutient-il.

Parlant de la vulnérabilité des personnes détenues, le magistrat a souligné que «les mineures, les femmes, les personnes à orientation sexuelle, celles vivant avec un handicap» sont plus touchées. Ce problème est à lier, selon le président de l’Onlpl, à la «protection sociale qui n’existe pas dans les prisons sénégalaises». Ainsi, dit-t-il, «il faut tendre vers la formation des agents pénitentiaires et des acteurs d’exécution des lois pour qu’ils puissent connaitre les bonnes pratiques pour bien gérer ces catégories de personnes».

SIDI KABA, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE : «Les audiences seront bientôt ouvertes»

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Sidiki Kaba, a annoncé hier, mercredi 28 octobre une batterie de mesures pour améliorer les conditions des détenus et lutter contre les longues détentions préventives, cause de la révolte des prisonniers de Rebeuss. Parmi celles-ci, figure l’ouverture des jugements dans les prochains mois. Sidiki Kaba était à l’ouverture des Journées portes ouvertes de la Chambre des notaires.

En réponse à la grève de la faim des pensionnaires de la maison d’arrêt de Rebeuss, dénonçant les longues détentions préventives et de meilleures conditions d’alimentation, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Sidiki Kaba annonce l’ouverture des jugements des prévenus en détention provisoire dans la prochaine audience des Chambres criminelles prévue les mois prochains. Aussi, parlant toujours des décisions prises par l’Etat, le Garde des Sceaux a relevé que le coût de la ration alimentaire, qui était à 630 F Cfa il y a deux ans et 721 F Cfa en ce moment, va passer à 1000 F Cfa.

Selon lui, cette hausse nécessite plusieurs millions et ne vise qu’à améliorer les conditions de restauration en milieu carcéral. Le Garde des Sceaux, accompagné du procureur de la République, du Secrétaire général du ministère, de la directrice de cabinet et du directeur de l’Administration pénitentiaire, est allé à la rencontre des détenus. Cette visite a également permis, avoue Sidiki Kaba, «de s’enquérir aussi des conditions de travail des gardes pénitentiaires».

ASSANE DRAME, SECRETAIRE GENERAL DU COMITE SENEGALAIS DES DROITS DE L’HOMME (CSDH) : «Recruter des magistrats pour combler le gap»

Les longues détentions préventives sont causées par un déficit de magistrats et de personnel judiciaire, selon Assane Dramé. De l’avis du secrétaire général du comité sénégalais des droits de l’homme (Csdh), l’Etat a fait des efforts, mais il importe de recruter des magistrats pour organiser plus de procès. Il s’est exprimé hier, mercredi 28 octobre, à l’ouverture du congrès d’Afcndh.

«Il y a un nombre insuffisant d’acteurs pour prendre en charge les longues détentions. On a un déficit de magistrats. Les cabinets d’instruction ont, en moyenne, 300 à 400 dossiers. Même s’il y avait le traitement d’un dossier par jour cela ne couvre pas l’année». Mieux, ajoute-t-il, «souvent aussi ce sont des dossiers complexes qui nécessitent un travail d’enquête approfondi. On ne peut pas être pressé de bâcler un dossier. C’est la liberté des individus qui est en jeu». Par ailleurs, Assane Dramé a salué les efforts entrepris par l’Etat, avec la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénal.

Les longues détentions préventives ne sont pas les seuls maux des personnes privées de liberté. Selon Assane Dramé, les abus aux droits humains se manifestent par plusieurs autres formes dont les tortures, les sévices corporels et moraux, mais aussi les mesures vexatoires et humiliantes. Le surpeuplement des prisons et la mauvaise alimentation en font aussi partis. Ces manquements sont perceptibles dans tous les lieux de détention, trouve Assane Dramé. «Les personnes détenues dans les centres psychiatriques, les centres de détention pour migrants, les lieux de garde-à-vue à la Police ou la Gendarmerie sont particulièrement vulnérables car étant exposées éventuellement aux violations des droits de l’homme les plus élémentaires», a-t-il indiqué. Ces manquements doivent être corrigés car, estime le secrétaire exécutif de la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh), le sentiment d’oppression peut inciter à la violence.

LA LSDH DEMANDE LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES PRISONS

La Lsdh s’est dite préoccupée par ces longues détentions préventives. A travers un communiqué parvenu à notre rédaction hier, mercredi 28 octobre, son secrétaire exécutif, Alassane Seck, fait état de son indignation. «Les longues détentions préventives, dans des conditions inacceptables, à la limite, de la déshumanisation, heurtent la morale et ne permettent pas de croire que nous sommes dans un Etat de droit», déplore-t-il.

Par ailleurs, le secrétaire exécutif de la Lsdh a salué l’augmentation de la ration journalière des détenus et tient, toutefois, à rappeler que les détenus sont seulement privés de liberté. Ainsi, la Lsdh demande à l’Etat du Sénégal de mettre en œuvre très rapidement ses engagements et ses promesses de construire de nouvelles prisons et aussi de prendre des mesures d’urgence pour désengorger les maisons d’arrêt et de correction en appliquant les réformes du Code pénal et du Code de procédure pénal.
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