Le Forum économique de la Francophonie de Paris a permis de se faire une idée sur les orientations stratégiques de plusieurs chefs d’Etat, les attentes et projets des chefs d’entreprises, le point de vue d’économistes, d’entrepreneurs, d’investisseurs des collectivités. Il a été aussi question : des initiatives concrètes qui peuvent être multipliées pour renforcer les liens économiques au sein de l’espace francophone. Des annonces fortes ont été faites, et des ébauches de réponses entrevues.
« Le partage de la langue française est une chance pour nos économies. Mais ce potentiel est encore insuffisamment exploité ». De ce constat et ces regrets de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, le deuxième Forum économique de la Francophonie, qui s’est tenu hier à Paris, a essayé d’apporter des solutions. Le chef de la diplomatie française a rappelé qu’autour de ces deux idées, « il y a la base de ce qu’a fait le président Macky Sall, lors du forum de Dakar ». Après les fondamentaux posés, lors du Sommet de Dakar de 2014, Paris a pris le relais pour formaliser encore un peu plus les contours d’une économie commune dans l’espace ayant le français comme langue commune. Evoquant un partenariat gagnant-gagnant, le président sénégalais Macky Sall a insisté sur le fait que « la seule relation linguistique ne suffit pas pour donner un espoir à la jeunesse en particulier, il faut la présence d’une relation économique au sein de l’espace francophone. Parler de la francophonie économique, c’est également parler de la mobilité. On ne peut pas développer une communauté dans laquelle les acteurs ne peuvent pas circuler ». Un véritable plaidoyer pour la mobilité des hommes et des biens qui a eu un écho favorable. « Les chefs d’entreprise, les chercheurs, les étudiants doivent pouvoir circuler d’une façon tout à fait libre, a reconnu le ministre français. Pour leur faciliter la venue, nous avons allégé les procédures, réduit les délais, allongé la durée de validité des visas et, avec le visa de circulation à multiples entrées. La création d’un « passeport talent » va permettre aux investisseurs et hommes d’affaires de bénéficier d’une carte de séjour de quatre ans après un parcours administratif extrêmement simplifié ». De grandes annonces favorablement accueillies, sans toutefois, connaître la date de leurs entrées en vigueur. Michaëlle Jean, la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, a annoncé le lancement d’un « programme entièrement consacré à l’emploi, à la création d’emploi, à l’entrepreneuriat et aux initiatives économiques des jeunes et des femmes ».
Avec 12 millions de nouveaux jeunes chômeurs par an, ce programme devrait profiter, en majorité, à l’Afrique. De même que « l’institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation lancé à Dakar le 5 octobre dernier ». C’est un centre d’excellence qui rassemblera les jeunes avec un objectif de former 100 000 professeurs, cadres et formateurs dans les prochaines années. Les président Hery, de Madagascar et Ondimba du Gabon représentants, avec Macky Sall, l’Afrique sur le principal atelier, ainsi que le Premier ministre belge Charles Michel, ont mis l’accent sur le désir du concret. « La Francophonie, c’est bien beau, mais les jeunes veulent savoir qu’est-ce qu’elle apporte à l’assiette ? », s’interroge le président Gabonais. Une interrogation partagée par l’homme d’affaires français Richard Attias, organisateur du forum sous l’égide de l’Oif, qui avait ouvert la cérémonie, suivi, par la suite, par Anne Hidalgo, maire de Paris. Tous les participants avaient l’ambition de montrer que le Forum économique de la Francophonie 2015 devait accélérer la mise en œuvre de la stratégie économique adoptée à Dakar. Les décideurs politiques et économiques ambitionnent de transformer les idées et les propositions en actions concrètes avec l’implication des acteurs des secteurs privé et public.
Macky Sall : « La liberté de circuler est un enjeu pour la Francophonie »
Après son allocution et une participation remarquée au principal atelier du Forum économique de la Francophonie Macky Sall, a répondu aux questions du Soleil sur l’économie en zone francophone.
Quel sens donnez-vous au deuxième forum économique de la Francophonie de Paris ?
C’est une rencontre qui est le soubassement de la relation au sein de la communauté francophone. C’est le sens donné au deuxième forum de la Francophonie de Paris, après celui de Dakar de l’année dernière. Il permet de voir les mécanismes par lesquels nos entreprises du Nord et du Sud doivent travailler dans un type de partenariat gagnant – gagnant, mais aussi de participer au rapprochement et à la présence des entreprises. La seule relation linguistique ne suffit pas pour donner un espoir à la jeunesse en particulier, il faut la présence d’une relation économique au sein de l’espace francophone. Parler de la Francophonie économique, c’est également parler de la mobilité. On ne peut pas développer une communauté dans laquelle les acteurs ne peuvent pas circuler. J’ai reçu des assurances sur ce que le gouvernement français entend faire afin de faciliter la mobilité des hommes d’affaires, des acteurs économiques et étudiants dans l’espace francophone. Tous les pays doivent travailler dans cette direction.
Quel est le défi de la compétitivité que la francophonie doit relever ?
C’est surtout dans le domaine du climat. Dans un peu plus d’un mois, se tiendra à Paris, la COP21. L’accord contraignant qui devra pousser les Etats pollueurs et le monde entier à aller vers l’atténuation et la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Mais aussi cela passe par la réussite de la transition énergétique. Les pays les plus pollueurs doivent réduire leur mode de consommation. Les pays en développement et en croissance doivent éviter d’emprunter les mêmes voies. Ainsi, pour recourir aux énergies propres, il faudrait compenser les pertes de compétitivité. Ce qui veut dire l’impératif du renforcement du fond vert climat qui passe par la compensation sur cette perte de revenue. C’est nécessaire si la planète veut que tous les pays, en quête de croissance, puissent utiliser des énergies plus propres. L’enjeu se situe à ce niveau. Il faut payer ce qu’il faut et cela passe nécessairement par la contribution des plus grands pollueurs.
Qu’est-ce que la Francophonie peut apporter au Plan Sénégal émergent ?
La Francophonie pourra apporter une contribution déterminante, positive dans les opportunités qu’offre le Pse. Dans ce plan, nous avons un volet infrastructures extrêmement important. Il en est de même pour le secteur agricole. Pour ces deux parties, le secteur privé a toute sa place et ce sont des opportunités d’affaires.
Ministre français des Affaires etrangeres : Laurent Fabius : « Les hommes d’Affaires francophones vont désormais bénéficier d’un titre de séjour de quatre ans »
« Le dynamisme de l’Afrique qui représente plus de la moitié des Francophones va multiplier les échanges économiques », a déclaré Laurent Fabius au cours de forum. Il a appelé à mieux exploiter ce potentiel afin de faire de la communauté linguistique française une communauté économique et d’intérêt. Pour faire avancer la Francophonie économique, le chef de la diplomatie française a cité quatre points essentiels : l’éducation et la jeunesse ; la mobilité ; l’harmonisation du droit des affaires et, enfin ; la transition écologique.
Au sujet de l’éducation et la jeunesse, le ministre français des Affaires étrangères français a souligné qu’elles sont au cœur des priorités, notamment en Afrique. Car jeunesse et formation vont ensemble de même que la nécessité d’emploi. Selon lui, « les forums des affaires permettent une meilleure adéquation entre l’offre de formation et celle de travail des entreprises ».
« La Francophonie économique se construit à partir d’expériences concrètes : des femmes et des hommes qui étudient, qui travaillent et qui séjournent dans les différents espaces francophones. Nous voulons et nous devons faciliter cette mobilité dans les deux sens. Les Français vers les pays francophones dans leur diversité ; et les Francophones vers la France. C’est pourquoi nous allons développer le dispositif VIE (volontaires internationaux en entreprise), en particulier dans l’espace francophone. Ce sont plusieurs milliers de jeunes Français qui sont concernés avec, en général, des réussites manifestes », a-t-il déclaré.
« Nous avons défini une nouvelle politique de visa afin de rompre avec une attitude extrêmement restrictive par le passé. Je dirai même doublement restrictive car elle l’était au niveau des visas en général, et à l’égard de la possibilité pour les détenteurs de visas de travailler en France, en particulier. Ces temps-là sont heureusement révolus », a ajouté M. Fabius. « Les chefs d’entreprises, les chercheurs, les étudiants doivent pouvoir circuler d’une façon tout à fait libre. Pour leur faciliter la venue, nous avons allégé les procédures, réduis les délais, allonger la durée de validité des visas avec le visa de circulation à multiples entrées », a-t-il justifié, notant que « la création d’un passeport talent va permettre aux investisseurs et hommes d’affaires de bénéficier d’une carte de séjour de quatre ans après un parcours administratif extrêmement simplifié ».
Il faut, selon lui, « créer un environnement favorable aux investissements étrangers avec les progrès de l’intégration régionale. Nous soutenons l’Ohada ». Il a annoncé que la France va accueillir le sommet sur le climat (COP21 du 30 novembre au 11 décembre 2015). Il a également assuré que la « transition écologique, réservée hier aux experts, apparaît aujourd’hui comme une évidence ». « Les pays africains sont victimes d’une double injustice en termes d’émission de gaz à effets de serre », a-t-il souligné.
Secrétaire generale de l’Oif
Michaelle Jean : « La Francophonie se tourne vers le soutien aux Pme et à la formation »
Mme Jean a rappelé qu’à Dakar, lors du premier forum économique de la Francophonie, « 80 chefs d’Etat et de gouvernement avaient adopté la stratégie économique de la Francophonie ». Elle s’est satisfaite que « l’idée de rassembler les décideurs politiques et acteurs économiques ait prospéré ». Il était temps, selon Mme Jean car la responsabilité de la Francophonie est de porter « cette ambition ensemble en lui donnant des assises robustes, multilatérales, inclusives et intégrées en partenariat avec les entreprises. C’est un enjeu de prospérité et sécurité pour la Francophonie et pour le monde ».
« La Francophonie économique existe et elle attire, avec un marché de 800 millions de personnes. Des portails et des débouchés stratégiques sur les cinq continents. Un vaste réservoir de ressources humaines de qualité. Un vaste territoire d’immenses ressources naturelles à développer et à conserver. Une langue qui rassemble dans la diversité des cultures. Le français est la troisième langue des affaires. Aucun décideur économique ne peut ignorer les opportunités qu’offre l’espace francophone ».
Michäelle Jean a évoqué « les énergies constructives des jeunes et des femmes (qui) doivent être un relais et un multiplicateur dans l’espace francophone ». Ainsi, elle a lancé « un programme entièrement consacré à l’emploi, à la création d’emploi, à l’entrepreneuriat et aux initiatives économiques des jeunes et des femmes. L’Oif s’apprête aussi à déployer des incubateurs et des accélérateurs de Pme et Pmi dans différents types d’activités. « Ces dispositifs incluront la formation professionnelle, des appuis techniques et structurants y compris en normalisation et certification. Ils favoriseront aussi des maillages régionaux et des soutiens à l’innovation. Le continent africain a 12 millions de nouveaux jeunes chômeurs par an. 245 millions de jeunes dans la Francophonie, la formation devient plus que nécessaire. L’institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation lancé à Dakar le 5 octobre dernier a été rappelé par Mme Jean. « C’est un centre d’excellence qui rassemblait les jeunes avec un objectif de former 100 000 professeurs, cadres et formateurs dans les prochaines années. Ces deux initiatives (incubateurs - accélérateurs d’entreprises et la formation) touchent l’essence de la Francophonie économique.