A seulement deux mois et quelques jours de la fin de l’année budgétaire, la commune de Kaolack titube dans la réalisation de ses objectifs d’investissement. La ville est à 36,46% de taux d’exécution global du budget, les investissements sont coincés à 8% à la date du 30 septembre, quoique les caisses de la mairie soient bien renflouées par les services de la perception municipale qui sont à 54,52% de taux de recouvrement des recettes. Selon les autorités municipales, une telle situation s’explique par les lourdeurs des procédures d’appel d’offre et le retard accusé dans l’approbation du budget. Un avis que ne partagent pas les conseillers de l’opposition qui attribuent le faible niveau d’exécution du budget, et particulièrement des investissements, au style de management «solitaire et discriminatoire» du maire Mariama Sarr, par ailleurs ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance, et à la carence du bureau municipal.
La mairie de Mariama Sarr, ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance, a du mal à absorber son budget de 2015. En effet, le niveau d’exécution des investissements municipaux, au 9ème mois de l’année budgétaire, c’est à dire à la date du 30 septembre, est limité à 36,46%, soit 928.771.939 F Cfa en valeur relative sur un montant global de 2.547.274.213 F Cfa, indiquent des sources au niveau de la municipalité.
«Avec un taux de recouvrement de 54,52%, soit 1.388.679.184 F Cfa, un trésor de 459.907.245 F Cfa (la différence entre les montants recouverts et les dépenses déjà exécutées) dort encore dans les caisses du trésor public». Ces statistiques globales, ajoutent nos sources, sont l’arbre qui cache la forêt. Si le budget de fonctionnement a connu un niveau de réalisation évalué à 43%, celui d’investissement stagne encore à 8% malgré la bonne santé des finances de l’institution municipale.
RETARD DE L’APPROBATION DU BUDGET
Le constat étant unanime et de fait, les difficultés rencontrées dans l’exécution du budget d’investissement constituent un sujet de controverse à Kaolack. Les facteurs à l’origine d’une telle situation sont divers, selon l’appartenance à un camp ou un autre : proche collaborateur du maire ou conseiller de l’opposition. Mamadou Saliou Diallo, 2ème adjoint au maire, par ailleurs membre de l’Alliance pour la République (APR) et directeur de l’Agence nationale des pupilles de la nation, joint au téléphone, estime que les lenteurs dans l’exécution du budget sont consécutives à la tenue tardive de l’examen du budget.
En effet, explique-t-il, les débats d’orientation budgétaire bouclés en fin janvier 2015 ont impacté sur la tenue de la session du vote du budget le 10 février de la même année. Par conséquent, le document a été approuvé à la date du 31 mars, indique-t-il. « Pour que pareille situation ne se reproduise et pour prendre les devants dans l’exécution du budget 2016, souligne M. Diallo, Madame le maire a donné des directives pour que les débats d’orientation budgétaire débutent au courant du mois de novembre prochain.
FAIBLESSE DES TEXTES SUR LA DECENTRALISATION
Le préfet de Kaolack, interrogé sur l’approbation tardive du budget, dégage toute responsabilité. «Le budget de la commune de Kaolack a été approuvé dans les délais, sans même que les 30 jours conférés par la loi à l’autorité ne soient épuisés. Au-delà de ce délai, explique le préfet, le budget est approuvé tacitement et la commune concernée peut commencer à exécuter ses dépenses». Toutefois, il considère que des faiblesses subsistent dans le Code depuis l’avènement de la décentralisation. Pour le préfet, «une fois le budget approuvé, il est dessaisi et n’a plus les moyens de suivi sur le rythme de l’exécution du budget».
CARENCE DU BUREAU MUNICIPAL ET DEFAUTS DE METHODE
Selon les propres termes de Mbaye Sarr, de Rewmi, les lenteurs dans la réalisation des objectifs de la mairie sont l’expression de «l’amateurisme, de la méconnaissance du déroulement des affaires municipales», dont font montre les actuels gouvernants locaux, qui, pour l’essentiel, ne comprennent pas encore les rouages de l’institution.
En outre, un problème d’organisation et de méthode se pose, selon Ndèye Sokhna Guèye, présidente de la Commission femme, entreprenariat féminin et micro finance. «Les activités des différentes commissions devraient être centralisées dans la Commission planification, afin de disposer d’un tableau de bord pour un meilleur suivi de l’exécution des activités inscrites dans le budget». Ces adversaires du maire considèrent aussi que le non-respect du calendrier des sessions ordinaires (tous les trois mois) a impacté sur l’exécution du budget. Seules 2 sessions, à ce jour, ont été tenues au courant de l’année 2015.
Or, en plus des 4 sessions, il est opportun d’organiser des sessions extraordinaires, pense pourtant Mapathé Ba président de la Commission des finances et du budget. Seulement, ajoutera Mbaye Sarr. le maire qui est par ailleurs ministre de la République est constamment absent du territoire communal.
Se faisant plus mordante, Ndèye Sokhna Guèye dira par suite : «Les conseillers, toutes obédiences confondues, ont manqué à leur mission». «Ils (conseillers) auraient dû, en effet, à temps, interpeller le maire, l’autorité pour le respect du calendrier des sessions ordinaires, et, à l’occasion, alerter sur le rythme trop lent dans l’exécution du budget ». Ce qui poussera Mbaye Sarr à fulminer : «Pour la gouvernance locale, il ne s’agit pas seulement de distribuer de l’argent, venir en appoint aux populations lors des fêtes de Korité et de Tabaski».
Nonobstant ces diverses critiques, le chef comptable de la municipalité de Kaolack, Amath Ba, est resté optimiste. Il a ainsi informé que les 17 marchés d’investissement lancés au courant du mois d’octobre, avec des exemplaires de copie sur son bureau, porteront le taux d’exécution à 70%, avant la fin de l’année budgétaire.
Toutefois, alors que Mariama Sarr ambitionne de porter le budget 2016 à 3 milliards de F Cfa, la majorité des personnes interrogées émettent des réserves. Pis, ces dernières craignent que l’autorité ne revoie à la baisse le budget 2016 par rapport à celui en cours arrêté à un peu plus de 2,547 milliards, vu le faible taux d’exécution et la non-atteinte des objectifs initialement fixés.
CODE DES MARCHES, INERTIE DU BUREAU MUNICIPAL, ABSENCE REPETEE DE L’ORDONNATEUR DES CREDITS...: Pro et anti-Mariama Sarr situent les responsabilités
Les lourdeurs dans les procédures de passation de marchés publics constituent le point d’orgue, renseignent Amath Ba, chef comptable, Mapathé Ba, président de la Commission des finances et du budget et Mamadou Saliou Diallo, 2ème adjoint au maire. Ils soutiennent en effet que le faible niveau d’exécution du budget est grandement lié à ces lourdeurs. L’élaboration et la préparation des dossiers d’appel d’offre ou de demande de renseignement et de prix (DRP) prennent beaucoup plus de temps », nous dit de fait le président de la Commission des finances et du budget. En plus, les commissions n’ont pas fonctionné aussi correctement, ajoute-t-il.
Cependant, vouloir se refugier derrières les lourdeurs des procédures d’appel d’offre alors que c’est le même Code partout au Sénégal, est un aveu d’impuissance. Qui plus est, «c’est un mea-culpa», a dit Mbaye Sarr du parti Rewmi. La léthargie du bureau municipal, consécutive à l’arrêt de la Cour suprême infirmant le jugement de la Cour d’appel qui avait débouté les femmes dans leur recours pour le respect de la parité dans la constitution du bureau municipal, est aussi un autre facteur de blocage, d’après Mapathé Ba. Pour rappel, la décision de la dernière juridiction du pays n’est toujours pas respectée : c’est le même bureau qui continue de présider aux destinées de l’institution municipale.
« En outre, des ressources humaines de qualité capables d’élaborer des cahiers de charge, de définir les caractéristiques techniques des appels d’offre, font défaut », renseigne une source qui a préféré taire son identité. Le chef comptable de la municipalité, Amath Ba, rencontré dans son bureau, le mercredi 21 septembre, semble bien corroborer cet avis quand il affirme que, parfois, c’est lui qui s’en charge. «Et ces compétences, s’il en existe, sont mal utilisées et pas responsabilisées dans la préparation des cahiers de charge», se désole-t-il.
DISPONIBILITE DE L’ORDONNATEUR DES CREDITS ET DU COORDONNATEUR DU BUDGET
Les longues absences du maire, administratrice et ordonnatrice des crédits et du secrétaire général, chef de l’administration chargé du suivi et de la coordination du budget, sont aussi une raison des difficultés dont soufre la municipalité, nous souffle une source très au fait du l’exécution du budget. Le chef comptable de la mairie, nous dit toujours cette même source, a interpellé à plusieurs reprises le maire sur le rythme trop lent de l’exécution du budget, en vain. Ce qui a ralenti d’avantage, selon toujours notre source, l’exécution du budget.
Interpellé, le secrétaire général absent de Kaolack se dédouane en considérant simplement que sa responsabilité ne saurait être engagée dans la mesure où il n’est ni ordonnateur ni exécuteur des dépenses.
MANQUE DE VOLONTE POLITIQUE ET GOUVERNANCE «SOLITAIRE»
Les conseillers de l’opposition voient enfin, dans cette affaire, un manque de volonté politique du maire. Mbaye Sarr du parti Rewmi, par ailleurs président de la Commission planification, communication, Tic et populations, attribue les lenteurs dans l’exécution du budget au manque de volonté du bureau municipal, et, particulièrement au maire Mariama Sarr, ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance. Selon ce responsable du parti d’Idrissa Seck, le première femme mairesse de la commune de Kaolack agit plus sur le fonctionnement que sur l’investissement.
«Les commissions ont élaboré et planifié leurs programmes, lesquels programmes ont été discutés et amendés en inter-commission avant d’être validés par le vote du budget», nous dit Ndéye Sokhna Guèye, présidente de la Commission femme, entreprenariat féminin et micro finance. «Si les activités des commissions retenues n’ont pas été exécutés, c’est parce que le maire n’a pas voulu accompagner les présidents de commission».
D’ailleurs, «sur 4 activités de la Commission femme, entreprenariat féminin et micro finances, seule la célébration de la Journée de la femme a été organisée le 8 mars». Les commissions n’ont pas été associées, derechef, dans la mise en œuvre du budget, renchérissent Mbaye Sarr et Ndèye Sokhna Guèye. Les commissions, bras techniques du maire, officiellement mises en pace par le Code des collectivités locales, sont isolées et court-circuitées, hormis celles qui mettent en exergue l’action du maire, précise pour finir Ndèye Sokhna Guèye.