Landing Savané reconnaît sa «responsabilité unique» dans la rupture avec Mamadou Diop Decroix et l’assume. Dans cet entretien, il dit avoir tourné la «page douloureuse» de And jëf et se projette vers l’avenir avec la création prochaine d’un grand ensemble sous un autre nom.
Landing Savané est-il toujours dans Benno bokk yaakaar ?
Nous sommes tous dans Benno bokk yaakaar. Il n’y a aucune raison, à nos yeux, pour l’instant, de rompre la dynamique dans laquelle nous nous sommes installés nous-mêmes, qui était la lutte pour le départ de Abdoulaye Wade et du Pds. Cet objectif a été atteint. Pour le moment, la coalition reste ce qu’elle est malgré ses limites et d’autres nouvelles formes de coalition vont exister. Donc, nous estimons qu’il n’y a pas matière vraiment à polémiquer. C’est vrai que la coalition ne fonctionne pas comme elle le devrait. Mais, bon, nous sommes quand même dans l’esprit Benno bokk yaakaar qui consiste à combattre ce qui était là et de faire en sorte que les choses changent. C’est ce qui est important.
Vous êtes dans l’esprit de Benno bokk yaakaar, mais êtes-vous dans la coalition Benno bokk yaakaar ?
Cela ne change rien. Etre dans la coalition Benno bokk yaakaar signifie que si on convoque des réunions on y va. Mais, personnellement, depuis l’installation de Macky Sall, je n’ai jamais été convoqué à une réunion de Benno bokk yaakaar. C’est cela la vérité. Mais nos camarades vont dans les rencontres de jeunes et de femmes.
Donc, je ne peux pas dire que nous sommes toujours dans la coalition Benno bokk yaakaar. Pour moi, c’est plus un esprit aujourd’hui de consolider et de contribuer à des changements à partir de notre parti. Nous ne pouvons le faire qu’à partir, évidemment, des opportunités qui sont pour l’instant limitées. Mais l’avenir est devant nous.
Les jeunes et les femmes sont impliqués. Est-ce que c’est la personne de Landing qui pose problème ?
Je ne crois pas. Landing n’est pas un homme pressé et qui se bat pour des positions. Je rencontre le Président de temps en temps et discute avec lui. Ma priorité actuellement, c’est moins d’être dans une position que de régler les problèmes du parti. And jëf, vous le savez, a dû faire face à une situation difficile sous le régime libéral. Cette situation n’a pas été corrigée depuis qu’il y a eu le changement et ma préoccupation, c’est de faire en sorte que notre situation administrative soit normale.
Notre parti fonctionne normalement et ses communiqués passent dans la presse. Mais il faut un plan administratif pour retrouver une situation normale.
Or, avec ce qui s’est passé aux dernières Législatives, cela a compliqué la situation. Mais nous sommes en train d’étudier une issue avec le pouvoir en place, avec le ministère de l’Intérieur et le président de la République que j’ai saisi. Je pense que dans les prochaines semaines, il y aura une solution administrative et nous serons tous plus à l’aise. Le parti, nos jeunes, nos femmes, nos cadres sont en contact avec ceux de l’Apr et discutent.
Vous êtes dans Benno bokk yaakaar en tant que Benno ak Tanor ou en tant que And jëf ?
Non. Nous n’y sommes pas en tant que Benno ak Tanor. Il y a eu des coalitions primaires. Benno ak Tanor n’existe plus en ce qui nous concerne parce qu’après les élections et ce qui s’est passé…
Est-ce que vous en avez parlé avec Tanor ?
Non, je n’en ai pas parlé avec Tanor. On a vu que ce n’était plus pertinent. Maintenant, dans Benno bokk yaakaar, nous apportons notre modeste contribution à l’œuvre collective. Et c’est ce qui est important.
Comment a été cette expérience avec Benno ak Tanor ?
Il n’y en a pas eu. C’était juste des expériences pour les élections. On l’avait soutenu pour l’élection présidentielle. Après, il y a eu Benno bokk yaakaar. Pour ce qui concerne notre parti, les acquis ont été limités. Vous le savez, tout le monde le sait. Mais ce qui est fait est fait. Il ne faut pas créer des problèmes là où il n’y en a pas.
Beaucoup n’ont pas compris pourquoi Landing Savané n’a pas eu son quota dans le gouvernement au nom de Benno ak Tanor…
Encore une fois, la préoccupation de Landing Savané, ce n’est pas d’avoir des quotas dans le gouvernement ou ailleurs. Tout ce qu’on a fait et ce qu’on fait, c’est sur la base de principes et d’une analyse politique et idéologique. S’il y a des dividendes, ce n’est que justice, s’il n’y en a pas, nous considérons que nous avons accompli notre travail. C’est l’approche que j’ai des questions. Bon, l’avenir est là et de toute façon, les gens ont plus besoin de nous, que nous n’avons besoin d’eux aujourd’hui parce que nous ne sommes pas dans une position de pouvoir. Nous sommes prêts à examiner avec le Président et l’Apr les perspectives d’avenir.
Quelles sont vos relations justement avec l’Apr et le Président Sall ?
J’ai des relations fraternelles avec le Président Macky Sall. Franchement, à ce niveau, il n’y a pas de problème. Maintenant, c’est le Président d’un parti et le chef de l’Etat qui a aussi ses contraintes. Deux choses caractérisent Landing Savané : liberté de ton et servir le pays.
Est-ce cette liberté de ton qui vous a valu une certaine mise à l’écart ?
Oh ! Non. Non. Je ne crois pas franchement. Je pence que ce sont d’autres contraintes qui sont entrées en jeu et cela ne me gêne pas, pour être honnête, de ne pas être dans le gouvernement. Mais je considère que des camarades du parti devaient trouver leurs justes places dans le dispositif des institutions. Ce qui n’a pas été le cas. C’est une situation qui est anormale et j’ai demandé au Président de la corriger parce que c’est dans son intérêt et dans celui du pays.
Est-ce que le Président vous a promis de corriger cette situation ?
Oui. Je pence que ça se fera. Je ne demande pas au Président des promesses.
J’ai dit ce que je pense et je le laisse décider en tant que chef de l’Etat.
Vous disiez dans L’As que les gens sont «fatigués» et «stressés». Est-ce toujours le cas ?
Oui. Bien sûr. Vous êtes dans le pays comme nous. Vous-même vous m’avez l’air stressé. (Rires)
Vous l’aviez dit alors que c’était Abdoul Mbaye qui était Premier ministre. Donc cela n’a pas changé aujourd’hui avec Mimi Touré.
Non. Mimi vient à peine de s’installer. On ne peut pas dire qu’elle va changer le pays quand même en trois mois.
Est-ce qu’elle pourra enlever le «stress» des Sénégalais, comme vous le dites ?
Je ne sais pas. Peut-être. Vous savez, les femmes, parfois, ont des feem (astuces), comme on le dit, que nous, les hommes, nous n’avons pas.
Souhaitons-lui d’enlever le stress. Je souhaite simplement que le Sénégal ne soit plus stressé. Je le vis tous les jours parce que les gens viennent me voir avec leurs problèmes. Le pays est fatigué et le Premier ministre, comme le Président, en sont conscients. Je pence qu’ils veulent en tout cas alléger ce stress et cette fatigue. Et le discours de Mimi Touré (dans sa Déclaration de politique générale) va dans ce sens-là, tout comme les interventions du Président. Donc, j’encourage ceux qui peuvent les accompagner.
Ceux qui sont sollicités pour ceci ou cela peuvent, de bonne foi, s’engager à leurs cotés pour que cela change. Je ne crois pas qu’on a intérêt à ce que le Président Macky Sall échoue dans sa mission. Au contraire, il faut l’aider à la réussir. Maintenant, chacun le fait à sa manière. And Jëf a un style qui est le sien. Je connais le Premier ministre Aminata Touré qui connaît aussi notre style. Donc, le moment venu, nous ferons ce que nous avons à faire. Nous le faisons d’ailleurs à tout moment.
Récemment, dans un communiqué vous exprimiez votre volonté de «contribuer aux efforts» du Président Sall. Comment ?
Ce n’est pas dans le communiqué seulement, c’est une attitude. C’est la disponibilité du parti à l’égard du Président et du pouvoir. On n’est pas dans l’opposition ; on n’a aucune raison d’y être et on n’a rien à voir avec l’opposition. En tout cas, ma priorité actuellement, c’est de m’occuper du parti, de le remettre en place. Les bureaux politiques, les instances du parti fonctionnent même dans les régions. Mais comme je l’ai dit au Président, chaque fois qu’il aura besoin d’un cadre du parti pour telle ou telle autre chose, qu’il nous le dise. Si le cadre est disponible, le profil correspond à ce qu’il peut faire de ce cadre-là, nous n’hésiterons pas à l’accompagner volontiers.
Beaucoup ont l’impression que ça ne marche pas entre vous et l’Apr parce que le Président, qui vous avait promis «votre Aj» et «votre récépissé authentique», ne l’a pas fait. Est-ce le cas ?
Absolument pas. Il n’y a pas eu problème parce que je n’ai pas reçu mon récépissé. Au début, franchement, ce n’était pas un problème pour moi. C’est l’entrée de l’autre groupe à l’Assemblée qui y a créé ce problème. S’il n’y avait pas eu ça, franchement, il n’y aurait pas de problème.
Mais le problème du parti doit être réglé, je pense que c’est une maladresse au niveau du gouvernement qui a retardé cela. Mais à mon avis, ça va se régler et ça n’a jamais créé de notre côté un sujet de colère ou de frustration violente à l’égard du pouvoir. On pourrait bien être frustré parce que ça ne nous a pas plu mais on a jamais eu de problème avec le pouvoir ou qui que ce soit.
Je comprends les gens. Si on ne te voit pas entièrement dans le dispositif, on estime qu’il y a conflit ou divergence. Entre l’Apr et And jëf/Pads, il n’y a aucun conflit. Maintenant, à un moment donné, le président de la République peut estimer, pour des raisons qui lui sont propres, que, pour le moment, il doit fonctionner de cette manière. Je l’ai rencontré il n’y a pas si longtemps que ça et il a manifesté beaucoup de respect à l’égard du parti et de son secrétaire général. Encore une fois, nous sommes un parti qui a ses priorités. Peut-être que nous n’avons pas suffisamment insisté pour entrer dans les institutions.
Et on vous a fait des propositions…
Si, on nous a proposé des choses.
De quel genre ?
(Large sourire) Bon, je ne vais pas rentrer dans des détails. On nous a proposé des choses pour une raison ou pour une autre.Notre camarade Amadou Guiro est recteur de l’Université du Sine Saloum. Donc, ça prouve que nous ne sommes pas hors des choses.
Cela vous satisfait ?
Ça va lui permettre de jouer un rôle, même si on pourrait jouer un rôle plus important, et c’est naturellement l’aspiration des camarades. Mais bon, on ne va pas en faire un cas sismique. On va attendre que les circonstances permettent au gouvernement de recourir davantage aux cadres du parti.
Est-ce que vous n’êtes pas victime des coalitions, de ce que Idrissa Seck appelle «la bande des quatre».
Cette bande, comme je ne la fréquente pas…
Vous étiez dans une des «bandes», Benno ak Tanor.
Non, je n’étais même pas dans une bande. Pour être honnête, j’étais chez moi. Il y a des bandes qu’on a identifiées. Je ne sais pas comment fonctionnent ces affaires. Honnêtement, ce n’est pas mon problème. Je ne transferts pas mes problèmes à d’autres. Je ne suis victime de personne. Je suis victime de moi-même peut-être, dans la manière de voir les choses. Je suis responsable de tout ce qui m’arrive. C’est la responsabilité.
Il vous arrive de faire cette introspection ?
Ma ligne d’introspection, c’est que je suis responsable de tout ce qui m’arrive. Donc, je dois maîtriser mon destin, corriger mes insuffisances dans mon travail pour mieux servir le Sénégal. C’est une orientation qui vous permet de ne pas chercher la responsabilité dans l’attitude des autres, mais de la chercher peut-être dans la façon dont vous conduisez vous-même vos affaires.
Vous assumez votre responsabilité même dans la rupture Landing-Decroix ?
C’est clair que j’ai une responsabilité unique dans cette rupture.
Pouvez-vous nous expliquer un peu ?
Je ne veux pas rentrer dans les détails parce que c’est une page tournée. Et, les camarades préfèrent que je n’évoque même plus cette question. Et ils ont raison parce que cette page tournée est douloureuse, pour moi en particulier.
L’évoquer ne nous apportera rien. Les Sénégalais l’ont tous suivi et ils ont un point de vue sur cette affaire. Donc, je tourne cette page et je regarde vers l’avenir, mais je reconnais ma responsabilité. J’ai ce défaut de faire confiance à une personne jusqu’à la preuve du contraire. Maintenant, je ne fais plus confiance entièrement aux gens, je prends mes précautions.
Cette page n’est pas tournée par les journalistes qui ont du mal à identifier les communiqués des deux Aj…
Je comprends. Maintenant, je pense qu’il ne reste que quelques semaines de souffrance pour les journalistes que vous êtes.
Quand une page est tournée, une autre s’ouvre. Laquelle pour vous ?
Ça veut dire qu’il n’y a plus de confusion.
Mais ça pose toujours problème.
Un petit problème. Mais ça sera réglé dans les prochains mois.
Envisagez-vous un nouveau parti ?
Pourquoi pas ? Pour vous dire la vérité, au-delà de Aj, je crois à la création d’un grand ensemble dans l’avenir.
Qui ne s’appellera pas Aj ?
Certainement pas. Aj a vécu son temps. Nous avons vécu dans la clandestinité sans Aj. Ensuite, nous avons vécu avec Aj/Mrdn. Donc, il faut tourner cette page et s’ouvrir à d’autres forces politiques.
En changeant le nom de Aj, est-ce que ce n’est pas donné raison à Decroix ou capituler ?
Nous, si on décide de regarder de l’avant, on peut le faire en laissant un nom en allant vers un autre. Ça, nous l’avons toujours fait.
Pour être clair, vous allez abandonner Aj pour créer un autre parti.
Non, je n’ai pas dit ça. J’ai dit qu’à l’avenir, c’est une possibilité que nous avons envisagée. Il y a des débats sur la Gauche dans ce pays. Elle envisage de se retrouver ; elle ne va pas se retrouver dans Aj. Ça n’aurait pas de sens. Et nous, en tant que leaders de Gauche, si les gens peuvent se retrouver dans un cadre plus large pour travailler ensemble, nous ne pouvons pas ne pas être partie prenante. Donc, l’avenir est ouvert, toutes les perspectives sont possibles.
Est-ce possible que vous vous retrouviez dans une grande alliance, comme vous l’appelez, avec Decroix lui-même.
(Un peu énervé) Franchement, ne me posez pas cette question, parce que je n’y crois pas.
Landing-Decroix, c’est fini ?
Je ne dis pas que c’est fini. Je dis que je n’y crois pas.
Sauf que dans cette réunification de la Gauche, il y a Decroix. Vous vous retrouveriez là-bas…
Aujourd’hui, je vous dis ce en quoi je crois, ce en quoi je ne crois pas. L’avenir, je ne le décris pas, il s’écrit. Et je ne suis pas le seul partenaire, nous sommes tous des acteurs.
Comment appréciez-vous cette réunification de la Gauche qui a été initiée par Madièye Mbodj et Cie ?
Il y a plusieurs initiatives. Elles sont toutes belles. Maintenant, nous attendons de voir ce que tout cela va donner parce que ce n’est pas la première fois que des gens parlent d’unité de la Gauche. Il y avait plusieurs tentatives qui ont avorté. Est-ce que celles d’aujourd’hui vont aboutir ? Seul l’avenir nous le dira. Dans le principe, nous sommes favorables à une réunification de toutes les forces de Gauche pour soutenir les efforts de transformation sociale dans ce pays.
De l’autre côté, il y a Mamadou Ndoye qui multiplie les rencontres avec d’autres forces politiques. Est-ce qu’il y a possibilité d’alliance entre la Ld et Aj ?
Nous n’avons aucun problème avec la Ld, surtout avec Mamadou Ndoye. Dans une de ses interventions, il montrait même qu’il était en contact avec moi. Donc, c’est la sérénité. Je pense qu’on a eu deux périodes difficiles, mais elles sont dépassées parce que nous ne sommes pas dans cette logique de rivalité. Nous pensons que nous sommes tous complémentaires et nous espérons qu’un jour ou l’autre, nous nous retrouverons pour faire ensemble le travail.
Est-ce possible que vous vous retrouviez dans ce grand ensemble autour du Président dont on parle ces derniers temps ?
Dans le principe, c’est possible. Nous sommes dans Benno bokk yaakaar et encore aux côtés du Président pour l’accompagner. Nous ne connaissons pas encore le profil du rassemblement qui est envisagé, mais dans le principe, il n’y a pas de raison pour que nous ne soutenions pas le Président dans le cadre qu’il faut définir.
Et pour les Locales. Qu’allez-vous faire ?
On ne sait pas encore. Mais, nous allons y participer, mais je vois mal un parti y aller seul. A mon avis, d’une manière ou d’une autre, tous les partis seront dans des coalitions. Maintenant, dans quelle coalition nous serons ? Je ne peux pas le dire pour le moment. Nous ne savons même pas la date des Locales.
Encore une fois, comme nous sommes dans Benno bokk yaakaar et nous restons dans son esprit, notre préoccupation sera quand même que la coalition puisse gagner le maximum de collectivités locales. Mais, dans cette logique, nous avons aussi nos intérêts de parti. Cette fois ci, ce sont des élections locales et nous veillerons pour que nos intérêts de parti soient dûment pris en compte. Dans les années «90», nous avons participé à des élections locales dans le département de Bignona. A l’époque, nous avions gagné 11 communautés rurales sur les 15. Je crois que c’était un cas unique pour un parti qui était dans l’opposition.
Et il en reste combien ?
On a tout perdu dans l’intervalle.
Pourquoi ?
Parce que les rapports de force ont changé. Et, une fois que vous gagnez, la première chose à faire, vous supprimez le pouvoir en place. Ensuite, ils travaillent pour que vous ne puissiez pas regagner ces collectivités.
Mais notre base est prête à se battre si c’est nécessaire. Au-delà des collectivités que l’on gagne, le rôle que l’on joue dans le développement local est quelque chose de très important. Et nous voulons être une force dirigeante dans le processus de développement local, dans le pays en général et dans les départements où nous sommes relativement forts en particulier.
Que pensez-vous du report annoncé des Locales à juin ?
Ce n’est pas le premier report dans l’histoire du pays. Un report n’est pas une tragédie à nos yeux.
Sauf que sous Wade, l’opposition a toujours exigé le respect du calendrier républicain qui est un principe aussi.
C’est un principe tangible. Si, c’est un report limité, on ne doit pas en faire un cas gravissime. Je sais que le pouvoir avait des problèmes pour respecter ce calendrier. Il propose un report dans l’année, ça me paraît raisonnable. L’essentiel, c’est que les choses se passent dans les règles de l’art. Ce n’est pas en trois ou six mois que les opinions vont changer dans telle ou telle autre collectivité.
L’explication officielle, c’est la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation
Je ne sais pas si c’est cette explication, mais je suis sûr qu’il y avait des raisons objectives à ce report. En tout cas, ça ne me gêne pas et l’essentiel, c’est que les élections se passent et de façon démocratique.
Dites-nous votre opinion sur l’Acte 3 de la décentralisation ?
L’Acte 3 a fait l’objet de beaucoup d’intérêt pour le gouvernement. Mais il est clair que la décentralisation, telle qu’elle était, présente d’énormes lacunes. Franchement, jusqu’ici les collectivités locales n’ont pas réussi à jouir de leur pouvoir réel en matière de gouvernance. Si l’Acte 3 débouche, comme on nous le dit, sur une meilleure appropriation des responsabilités par les collectivités locales, ce sera une avancée. La décentralisation n’est pas un processus qui s’arrête, mais qui doit être approfondi en permanence.
Et vous souscrivez justement à cet appel du Président par des concertations
Ma religion en politique, ce sont les concertations. Gouverner, c’est se concerter, s’exposer à des difficultés très sérieuses. Wade en sait quelque chose et tous les pouvoirs doivent le savoir.
Vous avez salué la Déclaration de politique générale de Mimi Touré. Qu’est-ce qui vous a convaincu ?
Je pense globalement qu’elle a donné des délais raisonnables ; elle a soulevé des questions et donner des réponses. Je pense qu’à ce stade, c’est ce qu’elle pouvait faire. Maintenant, évidemment, nous allons la juger sur les résultats. Mais, il faut reconnaître que les intentions sont bonnes et lui souhaiter une réussite qui sera celle de tous encore une fois. Pour être honnête, nous avons une sympathie naturelle pour elle.
Ça, c’est son passé de camarade de parti qui lui vaut cette «sympathie»…
C’est son passé de camarade et sa vie. Le Président Macky Sall, aussi. Donc, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise d’autre.
Peut-on en déduire que c’est la Gauche qui est au pouvoir aujourd’hui ?
Non. Ce n’est pas la Gauche, mais des hommes qui sont sensibles aux problèmes des Sénégalais qui sont au pouvoir. Le Président Macky dit qu’il n’est plus dans cette logique et je le comprends.
Il est pour un «compromis historique»…
Quelque part, je le comprends. Il n’a pas tort pour être honnête. Tout le monde m’appelait le Maoïste. C’est un compromis historique qui a permis à la Chine de sortir de la situation dogmatique qu’était le Bloc de l’Est qui a conduit à la chute de l’Union soviétique pour investir des voies plus souples qui permettent à la Chine d’aller de l’avant. Moi qui suis connu comme un homme de Gauche, si j’étais au pouvoir aujourd’hui, je serais obligé de faire des compromis avec des Libéraux.
On est dans un monde qui est dominé par le Libéralisme. Je disais à des amis ivoiriens que mon ami Gbagbo a été trop dogmatique sur certaines questions et ça lui a valu ce qu’il est. L’Afrique n’a pas les moyens d’une position dogmatique sur les grandes questions politiques, économiques et sociales. Nous devons faire preuve de lucidité pour prendre en compte les intérêts mondiaux qui nous entourent et définir notre voie pour aller de l’avant.
La politique de Macky Sall est-elle socialiste ou libérale en partant de la Dpg du Premier ministre ?
C’est vrai que sa politique correspond sur beaucoup d’aspects à ce que nous sommes. Quand on parle de la santé pour tous,- Obama se bat depuis un certain moment pour ça sans avoir gain de cause- du développement de l’agriculture et de l’autosuffisance alimentaire, de l’emploi pour tous, etc., qu’est-ce que j’ai dit d’autre ? Je ne peux qu’applaudir.
Maintenant, il s’agit de mettre en œuvre ces ambitions-là. Mais, ce n’est pas facile parce qu’il y aura des forces qui s’opposeront toujours à ce que l’on ne mette pas ces choses-là en avant. Si la volonté politique est là, on peut y parvenir.
