La sortie de l'Union des magistrats du Sénégal (UMS), dénonçant les conditions dans lesquelles des libérations conditionnelles ont été accordées récemment à certaines personnalités, continue de susciter des réactions, notamment chez les défenseurs des droits de l'homme. Alors qu'Amnesty International, section Sénégal, salue l'initiative du ministère de Justice, la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) est en phase avec l'UMS pour certains cas.
Depuis un certain temps, des personnalités (célébrités) sont libérées des prisons sous condition alors que, pour certaines, toutes les conditions prévues par la loi en la matière ne sont pas réunies. Interrogé par nos confrères de Sud Fm, Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) précise que des critères sont déjà établis par la loi pour bénéficier de liberté conditionnelle notamment, faire l’objet d’une condamnation ferme et définitive, purger la moitié de la peine et être crédité d’une conduite irréprochable en prison.
«La condition, c’est d’abord que nous soyons en face d’une condamnation définitive, c’est-à-dire une condamnation qui n’a pas fait l’objet d’appel, de recours, ni d’un pourvoi en cassation». Or, relève le droit de «l’hommiste», «si l’on se réfère au dernier cas (la libération de Luc Nicolaï-ndlr) qui semble avoir été la goûte d’eau qui a fait déborder le vase, cette condition n’était pas réunie parce que la décision est frappée d’appel aussi bien de la personne intéressée que du parquet».
En dehors de cette condition (la condamnation définitive), «il faudrait que la personne ait purgé la moitié de sa peine, ça c’est la deuxième condition. La troisième, c’est que la personne ait fait preuve d’une conduite irréprochable pendent sa détention», a fait remarquer Me Assane Dioma Ndiaye. Et pour vérifier cela, une commission est mise en place dans laquelle siège des magistrats, l’administration pénitentiaire, entre autres, en plus du juge d’application des peines.
Suffisant pour qu’il soit en phase avec l’UMS qui a dénoncé, à travers un communiqué publié avant-hier, la méthode «singulière» de la chancellerie. «Nous sommes d’accord avec l’Union des magistrats. Cette mise en œuvre doit se faire dans les conditions strictes de la loi, c’est-à-dire que les conditions soient réunies et que cette liberté conditionnelle ne dépende ni de la richesse d’un citoyen, ni de sa notoriété. Que tous les détenus soient traités de façon égale et qu’il n’y ait pas de privilège. Je crois que nous comprenons leur préoccupation si on sait que certaine personnes ont bénéficié de cette libération conditionnelle alors que manifestement les conditions exigées par la loi n’étaient pas réunies», a soutenu Me Assane Dioma Ndiaye.
La LSDH en phase avec l’UMS, Amnesty rame à contre-courant
A l’opposé du patron de la LSDH, Amnesty International, section Sénégal, rame à contre-courant de l’UMS. Selon, Seydi Gassama, le président de cette organisation, la liberté conditionnelle accordée à ces ex-détenues célèbres est prévue par la loi et la mesure peut s’appliquer à toute personnalité pourvue qu’elle soit jugée et condamnée. Ce qui est le cas des personnes citées, a-t-il dit.
«Nous sommes parfaitement en phase avec le ministre de la Justice lorsqu’il accorde ces libertés conditionnelles. Ce que demande Amnesty, c’est uniquement que justice soit rendue lorsque les gens commettent des crimes ou délits. Mieux, quelque que soit leur statut social, il faut qu’ils soient jugés et condamnés. Et lorsque ce préalable est fait, la liberté conditionnelle étant une mesure prévue par la loi tout comme la grâce présidentielle ou l’amnistie peut être prise», a souligné Seydi Gassama, soulignant qu’il n’y a pas péril en la demeure dans la mesure où une loi, quelle soit bonne ou mauvaise, on doit-être appliquée.
Depuis quelques semaines, de célèbres personnalités ont bénéficié de liberté conditionnelle. Il s’agit, entre autres, des journalistes Cheikh Yérim Seck et Tamsir Jupiter Ndiaye, du promoteur de lutte Luc Nicolaï. Suite à ces décisions, l’Union des magistrats du Sénégal s’est fendue, avant-hier jeudi 20 février 2014, d'un communiqué pour fustiger les conditions dans lesquelles ces libérations conditionnelles ont été accordées.
Pour l’UMS, le fait que la chancellerie n’ait pas pris le soin, d’observer les règles en la matière avant d’élargir de prison ce nombre important de détenus bénéficiant d’une libération conditionnelle. Cela est d’autant plus alarmant que certains parmi ces anciens prisonniers, bénéficiant d’une notoriété, sont impliqués dans des affaires d’une extrême gravité et ne remplissent pas les conditions requises.