Mayacine Camara, coordonnateur de l’unité de suivi et de coordination de la politique économique : « Les acteurs de la mise en œuvre du Pse doivent être aux aguets et réagir face aux contraintes »
Coordonnateur de l’Unité de suivi et de coordination de la politique économique, Mayacine Camara assure que la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent se fera avec un suivi régulier. Le déroulement de cette stratégie de développement doit être conforme à ce qui a été planifié, de même que ses acteurs devront réagir à temps face aux contraintes éventuelles.
Comment se fera le suivi régulier de la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent ?
D’abord, il faut préciser que le suivi du Pse risque d’être très différent de ce qui se passait. Parce que cette fois-ci, nous partons avec un avantage comparatif, qui est l’appropriation de ce plan par le président de la République. Nous pensons que la difficulté du Sénégal, ce n’est pas de formuler un document ni de proposer des mécanismes de suivi, mais c’est le respect strict des activités de suivi qui pose problème. Avec l’appropriation des plus hautes autorités, je pense que la régularité va s’imposer. Ce sera l’occasion de faire des rencontres imbriquées, périodiques, mensuelles, trimestrielles, semestrielles et annuelles qui permettront de suivre l’ensemble des projets phares mais aussi la stratégie de manière globale et faire en sorte qu’un compte-rendu régulier soit fait aux plus hautes autorités du ministère de l’Economie et des Finances, de la Primature, de la présidence de la République.
Quels seront les principes directeurs du suivi de la mise en œuvre du Pse ?
Les principes directeurs sont importants. C’est eux qui montrent le visage et la qualité de ce dispositif de suivi qui va accompagner le Pse. Le premier principe dans le cadre du suivi, c’est le leadership et l’appropriation. Il faudra faire de sorte que ce leadership soit assuré et que toute la population et tous les acteurs s’approprient ce document. Ce premier principe est à respecter à tout prix. L’autre principe, c’est la participation et l’inclusion. Qui dit participation et inclusion dit prise en compte des efforts qui sont faits à tous les niveaux, dans une comptabilité large et très inclusive. Du côté de la mise en œuvre, ce principe permettra de créer suffisamment d’emplois décents à tous les niveaux et sur tout le territoire national. Il doit permettre aux acteurs du milieu rural et urbain, des entreprises formelles et informelles, ainsi que de la société civile de donner leurs points de vue et de pouvoir évaluer et faire connaître leurs opinions sur ce qui se fait. Il y a aussi le principe de conformité, très utile et qui renvoie au respect de la planification et de la programmation par rapport à l’exécution. Tout ce que nous faisons doit être conforme à ce que nous programmons et planifions. Il faut aussi rester conforme aux normes de genre, surtout aux droits humains. Le Pse va venir avec des projets phares qui auront un impact fort sur la croissance économique. Pour que l’impact soit bénéfique aux populations, il faudra nécessairement que ce principe (respect des droits humains) soit respecté, de telle sorte que les femmes, à tous les niveaux, mais aussi d’autres couches vulnérables, puissent participer et bénéficier largement des fruits de cette croissance.
Est-ce qu’il y a un dispositif institutionnel prévu pour le suivi ?
Oui, le dispositif institutionnel va intégrer naturellement la présidence de la République et les ministères sectoriels, en passant par le département de l’Economie et des Finances, la Primature et les ministères techniques. Chacun, en ce qui le concerne, va suivre, en termes d’indicateurs, les actions les plus importantes suivant le principe de gestion axée sur les résultats.
Et quelle sera la place de cette gestion axée sur les résultats ?
C’est vrai que la gestion axée sur les résultats est une démarche, mais c’est aussi un état d’esprit. Il faut que nous nous l’appropriions, mais que nous l’appliquions à tous les niveaux de suivi. Le gestionnaire de projet, ceux de politique sectorielle et de stratégie nationale doivent appliquer la gestion axée sur les résultats. Le président de la République doit aussi être impliqué dans la gestion axée sur les résultats. Le point fondamental de cette dernière, c’est le fait de pouvoir boucler la boucle en programmant, planifiant et exécutant, mais aussi en évaluant. Si l’évaluation est faite, les recommandations doivent être utilisées à la programmation suivante. C’est cela qui doit nous amener à aller directement vers le succès du Pse. Bien évidemment, cela va impliquer la participation et le contrôle citoyen, lesquels sont aussi important. C’est un dispositif manquant que nous allons essayer de mettre en place pour permettre l’implication des populations.
La société civile sera-t-elle impliquée ?
Oui, mais au sens large. Nous reconnaissons aujourd’hui en la société civile les syndicats, les Ong, les associations, les partis politiques. Mais aussi, il faut aller au-delà et voir même les religieux.
Y aura-t-il des indicateurs de performances.
Effectivement. Comme nous le disions, les performances se mesurent d’abord sur l’exécution de la programmation mais aussi sur la production en termes d’efficacité des résultats et de leur utilité. Les indicateurs de performances seront calibrés pour qu’à chaque étape de la démarche, de la programmation, jusqu’à l’évaluation, nous puissions détenir des indicateurs qui pourront mesurer les performances. L’essentiel, c’est de pouvoir faire des recommandations qui pourront améliorer les résultats. Evidemment, le dispositif devrait aussi comporter le suivi des réformes. Cet aspect nous a toujours manqué. Alors, il faut mettre l’accent sur ce point, de manière à ce que la mise en œuvre des réformes ne puisse pas connaître de retard. Il est utile que nous démarrions par la planification et l’exécution rigoureuse de ces réformes.
Peut-on s’attendre à une réactivité consistant à prendre les dispositions nécessaires à temps au cas où un projet ou programme battrait de l’aile ?
Tout à fait, c’est le dispositif qui doit le permettre. Il faut que nous puissions faire la formulation, la programmation, la budgétisation, la mise en œuvre et l’évaluation à mi-parcours et finale des projets. Il faut suivre, de manière rigoureuse, comme du lait sur le feu, à chaque étape, les retards qui pourraient être enregistrés et mettre en place un dispositif de réaction rapide. Si nous voulons réussir ces projets, il faudra que les acteurs de la mise en œuvre aient une capacité de réaction. Ils doivent être réactifs dans le sens de pouvoir être aux aguets et prêts à réagir sur tout ce qui va advenir comme contrainte. Ils doivent aussi être réactifs en cas de surprise et proactifs, et également anticiper les actions. Ces trois notions résument le succès : la pré-activité, la réactivité et la pro-activité. Si les gestionnaires sont dans ces dispositions, les projets seront mis en œuvre de manière efficace et les résultats attendus seront au rendez-vous.
Le Sénégal va à son septième Groupe consultatif. Qu’est-ce qui différencie celui-ci des six précédents ?
Le septième Groupe consultatif est très différent. D’abord, c’est la première fois que nous allons avec la plus haute autorité : le président de la République. Cela change tout. Que ce soit dans la préparation, la démarche, les discours ou la participation. Nous avons les plus grosses pointures au niveau national, dans toutes les structures et organisations locales et internationales. C’est déjà un changement. Le deuxième changement, c’est la participation du privé dans le sens où nous ne l’avons jamais fait. Cette fois-ci, c’est un forum que nous allons organiser pour le privé qui va forcément impacter notre projet phare de développement. Aussi, la présence du président de la République marque le changement. Nous avons eu la chance de suivre les cinquième et sixième Groupes consultatifs, ils n’ont rien à voir en termes d’organisation avec celui-ci. Nous avons choisi d’aller à Paris, mais c’est Dakar qui devrait abriter ce Groupe consultatif. Mais le fait d’impliquer le privé nous impose d’être dans un endroit où la logistique est là et que les gens puissent, en une journée, faire un voyage aller-retour. Peut-être le prochain Groupe consultatif sera fait sous forme de forum. Avec l’aéroport Blaise Diagne et avec des hôtels et infrastructures que nous allons développer, nous pourrons valablement organiser une rencontre au Sénégal.
Etes-vous optimiste selon les dernières informations dont vous disposez sur le Groupe consultatif ?
Oui, je suis optimiste. Le ministère de l’Economie et des Finances a abattu un travail énorme. Pour le défi de la préparation, je peux dire qu’il est presque relevé. Reste celui de l’organisation. Nous avons beaucoup espoir pour la mobilisation des ressources publiques et privées, compte tenu des premiers échanges que nous avons. Nous attendons du monde, cela nous inquiète un peu, mais si nous nous mobilisons tous derrière le ministre de l’Economie et des Finances, avec un esprit fort, nous pourrons relever ce défi. Le travail qui a été déjà fait est énorme et nous avons bon espoir. Avec l’aide de Dieu, nous pourrons y arriver.