Des opérateurs économiques décrient le mode de fonctionnement du Cosec et les passe-droits qui y ont cours. A travers plusieurs plaintes déposées sur la table du Président de l’Union nationale des chambres de commerce, ils ont pointé du doigt certains manquements et dérives. Mais de l’avis de la direction du Conseil sénégalais des chargeurs, l’arrêté qui régit le fonctionnement de l’institution est toujours en vigueur et fait foi.
L’union nationale des Chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture, que préside Serigne Mboup, est submergée depuis son installation de plaintes et de complaintes contre le Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec). A l’origine de ces plaintes, des acteurs du secteur privé qui dénoncent le caractère discriminatoire du mode de fonctionnement du cette structure, le détournement d’objectifs et autres passe-droits.
En effet, si dans les textes réglementaires notamment la loi du 03 avril 1975 portant création du Cosec, il est expressément mentionné qu'il ‘’a pour mission de définir et de promouvoir une politique de protection des intérêts des exportateurs et des importateurs du Sénégal, au regard des problèmes de transport de marchandises par voie terrestre’’, la réalité est tout autre. Ici, il est question des intérêts exclusifs de quatre organisations patronales notamment le CNP, l’UNACOIS, le GES, et le CNES. Ce qui a conduit plusieurs opérateurs économiques à saisir l’Union nationale des Chambres de commerce pour se plaindre de la répartition des 41 sièges réservés au secteur privé dans la composition de l’Assemblée générale du Cosec. Ces opérateurs disent ne pas comprendre que 40 représentants soient désignés par quatre organisations patronales. Pour eux, une telle répartition ne repose sur aucune base objective d’autant plus qu’une centaine d’organisations voire plus a été oubliée ou ignorée. A titre d’exemple, l’on cite le regroupement des femmes du Cocoges qui compte en son sein les plus grands importateurs et exportateurs féminins et le syndicat des transitaires.
’Disposition légale mais obsolète’’
En réalité, pour un pays qui compte plus d’une centaine d’organisations patronales, seules quatre siègent au Cosec et agissent au nom et pour le compte de toutes les autres organisations patronales qui ne sont ni associées ni impliquées. ‘‘L’arrêté interministériel du 1er février 1995 fixe la liste des organisations professionnelles habilitées à siéger au sein de l’Assemblée générale, à savoir la CNES, le CNP, le GES et l’UNACOIS, à raison de 10 membres par organisation. Le président de la CCIA-Dakar est également membre de cette assemblée. Au total, l’Assemblée générale regroupe 46 membres, dont 41 représentants du secteur privé et 5 de l’Etat’’, explique le directeur de l’administration générale et des ressources humaines du Cosec, Daouda Dia qui estime que c’est une question de légalité. Poursuivant son argumentaire, M. Dia estime que le Cosec n’est pas une société de droit privé et par conséquent, il n’a pas été créé par devant notaire.
‘’L’arrêté est toujours en vigueur et fait foi. Les autres organisations ne sont pas membres de l’Ag. Si elles veulent en faire partie, elles n’ont qu’à demander à l’Etat de modifier l’arrêté. Il n’a jamais été abrogé. Ce sont ces 4 organisations professionnelles qui siègent à l’Ag. Donc elle est convoquée dans les règles de l’art, conformément aux textes qui régissent le Cosec’’, poursuit-il.
Lésé par cette configuration qui date de plus de deux décennies, le collectif des femmes commerçantes affiliées au groupement des économistes sénégalais (Cocoges) secoue le cocotier pour une redistribution des cartes. Mouhamed Sarr, son secrétaire permanent et rapporteur de la commission douanes, fiscalité, transit du Cosec, est d’avis que cet arrêté est une disposition certes légale, mais obsolète. ‘‘Ça n’a pas changé depuis que cela a été institué en 1995 et l’environnement économique a beaucoup évolué. Depuis que Souleymane Ndéné Ndiaye est ministre de l’Economie maritime, nous portons ce combat. Pour faire partie du conseil d’administration, il faut au préalable participer à l’Assemblée générale.
Nous avons saisi le président de la République d’un courrier pour l’abrogation de cet arrêté, avec ampliation au Premier ministre, mais c’est resté sans suite’’, déplore-t-il. Plus grave, selon lui, est le fait ‘‘qu’aucune femme ne siège au Cosec’’. En outre, Mouhamed Sarr estime que la transparence doit être de mise sur chaque déclaration de marchandises au port, dont 0,4% atterrissent dans les caisses du Cosec. Dans cette même veine, il ajoute aussi que la commercialisation du bordereau de suivi de cargaison sur les conteneurs de 20 pieds à 11 mille 800 F CFA, et à 23 mille 600 pour ceux de 40 pieds, doit faire l’objet d’un suivi clair.
Manne financière
Pour ceux qui veulent contester ce statu quo, c’est une hérésie qui explique les détournements d’objectifs et de mission notamment en ce qui concerne les fonds du Conseil des chargeurs, initialement prévus pour l’amélioration des conditions du transport maritime et qui n’ont pas été correctement utilisés au cours de ces dernières années. Cette manne financière de plus de 10 milliards par année est tirée des cotisations des opérateurs, des prélèvements et taxes et enfin sur les bordereaux de suivi des cargaisons. L’utilisation de cette manne financière du Cosec est aussi objet de plaintes auprès de l’Union nationale des Chambres de commerce parce que le Cosec verse des milliards à ces organisations patronales. Des versements qui s’apparentent plus à des passe-droits et de la corruption passive, à en croire un opérateur économique.
L’on se rappelle que c’est dans cette manne financière détournée de son objectif et mal utilisée que Karim Wade avait puisé 85% pour financer son fameux plan Takkal.
Aujourd’hui, les opérateurs économiques qui ont saisi l’UNCCIAS exigent dans leur requête que les administrateurs du Cosec fassent la lumière sur l’utilisation de l’argent du contribuable notamment le secteur privé puisque mis à part les frais de fonctionnement, l’achat des bateaux taxis et la construction d’édifices, il n’y a pas grand-chose à signaler.
Interpellé sur la question, le président de l’Union nationale des Chambres de commerce, Serigne Mboup, précise que son organisation reste fidèle ‘‘à sa mission de représenter les intérêts des opérateurs économiques’’. Dans ce cadre, dit-il, pour éviter tout contentieux inutile entre les opérateurs économiques, il a saisi le ministre par voie épistolaire pour l’avertir. Surtout qu’à ses yeux, ‘’la création du Cosec émane des Chambres de commerce, c’est pourquoi, c’est un problème qui peut être réglé entre les acteurs du secteur privé’’. Ainsi il demande que les règles de gestion en la matière soient respectées parce qu’il ne ménagera aucun effort pour que justice et transparence soient apportées dans le traitement de ce dossier puisqu’en dernier ressort, c’est le consommateur final qui en pâtit.
M. Mboup n’a pas aussi manqué de relever le fait que le Cosec ouvre des bureaux dans les différents ports d’exportations en Guanzou et à Dubaï dans le but de faciliter les importations qui grée notre balance économique. Pour ensuite appeler les pouvoirs publics et l’instance communautaire des Chambres de commerce, d’apporter des correctifs à ces manquements.
Créé par une loi du 3 avril 1975 à l’Assemblée nationale, modifiée en 1978 et 1987, les règles d’organisation et de fonctionnement du Cosec sont régies par le décret n°94 - 606 du 9 juin 1994 fixant la constitution du conseil d’administration. Celui-ci est composé de 12 membres dont 9 émanant du secteur privé les autres étant des représentants de l’Etat.