Toutes les politiques d’emplois menées avant et après 2000, ont été impertinentes au regard des moyens financiers déployés à cette fin, en terme de création de la richesse nationale. Ceci, faute de données statistiques adéquates aux enjeux de l’emploi. C’est ce que soutient l’économiste Ndongo Samba Sylla, chargé de programme et de recherche à la Fondation Rosa Luxembourg.
De tous les Etats et en toutes circonstances, la question de l’emploi des jeunes s’est posée comme une épine dorsale et en même temps comme un piédestal aux politiques pour conquérir le pouvoir. Mais, à quelques exceptions près, seuls quelques uns ont réussi à résorber de façon significative la question du chômage notamment les pays développés.
En Afrique, en général et au Sénégal en particulier beaucoup d’ «initiatives ont été prises dans ce sens, mais le problème reste entier. Parce qu’il n’existe pas de référentiel adapté (enquête emploi) prenant en compte toutes les catégories socioprofessionnelles secteur par secteur de la vie active au Sénégal. L’unique enquête d’envergure nationale menée, en date, remonte de 1991. En clair, depuis 24 ans aucune enquête emploi digne de nom n’a été menée au Sénégal. L’on est loin de discerner les concepts emploi, chômage, sous-emploi visible et invisible, secteur non structuré. Et au même moment la demande s’accroit d’année en année. Nos gouvernants piochent l’ère en cherchant à résorber l’emploi. Par ce qu’il n’existe aucune base de données fiable et viable pour mener la politique de l’emploi. Par conséquent, toute initiative visant à résoudre cette question est vaine», analyse Ndongo Samaba Sylla, économiste chargé de programme et de recherche à la Fondation Rosa Luxembourg.
Selon l’économiste «la donnée statistique (le chiffre statistique) est une décision politique». Subséquemment, lorsqu’on veut mener une politique économique pour son pays, la donnée statistique s’impose en viatique pour bâtir une bonne politique socioéconomique à même de créer de la richesse, de rétribuer le dividende (Pib) et ainsi propulser l’émergence tant aspirée. La jeunesse c’est l’espoir de tout un pays, d’un peuple d’une nation. Par conséquent, toute politique entreprise doit ipso facto prendre en compte les besoins de celle-ci (jeunesse) sans quoi point de développement. Or, poursuit-il «dans ce pays, les politiques, une fois aux affaires se dédouanent facilement de la question de l’emploi, en soutenant que l’offre est inadéquate à la demande». Mais à ce niveau, dira-t-il «tant que nous continuerons à agir de la sorte, nous n’en sortirons pas de la dèche», a-t-il expliqué.
La seule question qui vaille à la résorption de l’emploi c’est de réaliser une enquête emploi sérieuse sur l’ensemble du territoire national à travers l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd). Laquelle (enquête) va structurer en catégorisant le niveau d’étude des uns et des autres, et en charpentant secteur par secteur de la vie active pour avoir une idée de ce qu’est un emploi temporaire, emploi précaire, emploi avec contrat à durée déterminée (Cdd), emploi à durée indéterminée (Cdi). Car, selon lui: «la transposition de la structure du marché du travail tel que conçu par l’Organisation international du travail (Oit) dans les pays développés est inadaptable à nos pays en quête d’émergence (pays pauvre). Parce que dans nos pays, le monde du travail est dominé par l’informel.
En clair, les statuts dominants ce sont les auto-entrepreneurs, les tacherons, les aides familiaux, les apprentis entre autres qui dominent le marché du travail. Par conséquent, ceci a forcément une incidence sur la manière dont-on mesure les concepts d’emploi», a-t-il développé. Or, dans l’analyse économique ou statistique une heure de temps de travail fait durant la période de référence (une semaine avant l’enquête) est considérée comme un emploi. Adapter cette définition dans nos pays où beaucoup de jeunes font des activités économiques similaires, c’est fausser le jeu. Car, cette conception du travail ne s’applique pas.
Pour ce faire, «il faut à partir de ces données scientifiques, réinterroger et réorienter ces concepts précités pour mettre en place une véritable politique d’emploi», préconise t-il. Même si par ailleurs, il relève qu’une enquête emploi est en court.