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Police nationale: Ce qui a perdu Anna Sémou Faye
Publié le vendredi 16 octobre 2015  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
La Directrice Générale de la Police Nationale, Anna Sémou Faye




Le terrain a toujours été glissant à la Police nationale. Les peaux de bananes ne manquent jamais, mais Anna Sémou Faye semblait les provoquer, tant l’ex-directrice générale de la Police nationale avait réussi à se mettre à dos la quasi-totalité de la haute hiérarchie policière et de la troupe.



Mardi 13 août 2013 - Mercredi 14 octobre 2015. Deux ans, deux mois, c’est le temps qu’aura duré le commissaire divisionnaire Anna Sémou Faye à la tête de la police nationale. Contestée dès le départ, elle aura toutefois passé deux années à la tête de la Direction générale de la Police nationale. Sa nomination, faut-il le rappeler, a été consécutive à la crise née dans la police après l'éclatement de l'affaire de la cocaïne à l'Ocrtis. Un choix qui n'avait pas été discuté avec les gros bonnets de la Police nationale, donc non concerté, qui avait très vite suscité des grincements de dents au sein de la hiérarchie policière. Principalement, on reprochait à Anna Sémou Faye de ne pas être sociable avec ses collègues.

Malgré tout, le désormais ex-DGPN avait poursuivi sa mission, contre vents et marées, jusqu’aux jets de pierres essuyés par le président de la République lors de sa visite vendredi 31 juillet à l’Ucad. Considéré comme un véritable camouflet, cet incident avait remis au goût du jour la gestion de la sécurité publique. Dès lors, quelqu’un devait payer pour cette grave défaillance des forces de sécurité. Car ce caillassage du cortège présidentiel remettait en cause l’efficacité des dispositifs de maintien de l’ordre et du système de remontée d’informations, de renseignements au profit de l’autorité.

Le syndrome…de l’Université

Il est évident que ‘’le danger n’a pas été évalué à sa juste dimension’’. Qu’on a ‘’minimisé une situation alors que le cocktail que représente déjà l’université Cheikh Anta Diop est lourd de tous les dangers’’. On aurait pu prendre ‘’des dispositions plus pointues, plus intelligentes, vu l’ambiance qui prévaut à l’Université de Dakar depuis deux ans’’, selon les confidences de gradés de la Police nationale, interrogés à l’époque par EnQuête. Cet épisode douloureux faisant suite à une série de flops au sein de la Sûreté nationale, l’ambiance était devenue délétère. Dans la mesure où les inimitiés et les contestations envers la légitimité de la patronne de la Police nationale, Anna Sémou Faye, avaient pris un nouveau souffle. ‘’Les évènements de l’Université montrent au moins une chose : ce n’est pas parce qu’on mobilise toutes les forces de Police que l’efficacité est garantie.

Ce n’est pas le nombre qui assure le succès, mais la qualité du commandement’’, disait-on. Ce ‘’couac’’ avait été précédé d’un autre, encore plus grave, vu sous l’angle de la déstabilisation occasionnée au cœur de la Sécurité publique. Il s’agit de la mort, au cours d’une manifestation, d’un étudiant, Bassirou Faye ( ?). Pour beaucoup de spécialistes, ce fait était beaucoup plus dû à une sorte de grève de zèle de hauts gradés de la Police qui se sont dit : ‘’On se croise les bras pour qu’elle se casse les dents.’’ C’est en effet à une forte ‘’coalition’’ de gradés qu’Anna Sémou Faye devait faire face. Ces derniers disposent de liens et de réseaux, même en dehors de la Police.

La désormais ex-patronne de la Police n’a jamais pu s’accommoder à ces fortes têtes. On lui a en tout cas reproché d’avoir orienté l’essentiel de son énergie à combattre ses adversaires au sein de la Police au lieu de se concentrer sur les questions de sécurité. Sa hiérarchie, précisément son ministre Abdoulaye Daouda Diallo, ne pouvait donc pas continuer à s’accommoder de cette situation, lourde de tous les dangers pour lui et pour l’Etat. Ce d’autant plus que le temps de patience était programmé pour être long. Anna Sémou Faye ne doit aller à la retraite que dans quatre ans au moins. ‘’Quatre ans de galère’’, se sont dit certains divisionnaires qui ont jeté toutes leurs forces dans la bataille.

Rancœurs, marginalisation et règlements de comptes…

En vérité, Anna Sémou Faye a même duré à son poste plus longtemps que prévu. C’est un peu l’histoire d’un intérimaire qui a fait long feu. Dès son installation, le climat est délétère. Le poste est important mais la toute nouvelle Directrice générale de la Police nationale ne tremble pas. Au contraire, elle en profite pour mettre un coup de pied dans la fourmilière. Cette réaction était d’ailleurs attendue au niveau de la haute hiérarchie policière. Les règlements de comptes prennent le dessus sur la nécessité de faire fonctionner la machine. Des directions comme celle de la Police judiciaire dirigée par le commissaire Yague se braquent. Le climat est délétère, proche du sabotage. ‘’Les policiers ne font plus la grève depuis le traumatisant mouvement de 1987, mais ils peuvent bloquer s’ils le veulent la machine, sans en donner l’air.’’ Et c’est ce qu’ils vont continuer à faire, y compris en distillant les rumeurs les plus folles. Son passage à la Police aura donc été marqué par un mécontentement sans égal. Les plus anciens de la Police avaient fin par ‘’prendre leur retraite avant l’heure’’, selon les termes d’un divisionnaire.

Oumar Maal, ‘’homme de terrain et de renseignement’’

Le nouveau Directeur général de la Police nationale (DGPN) aura d’abord la lourde tâche de fédérer la troupe. Les divisions sont telles que cela ne sera pas du tout facile même pour un homme de terrain comme Oumar Maal qui a roulé sa bosse un peu partout à l’intérieur du pays. Il connaît la Police d’en bas comme celle d’en haut pour avoir ‘’escaladé’’ un à un les grades, en sillonnant le pays (Tambacounda, Kaolack, Matam, etc.). ‘’Il connaît la sécurité publique et le renseignement, il reste surtout humble, mais efficace’’, renseigne une source policière proche de lui. A environ deux ans de la retraite, les policiers retiennent son passage à la Direction de la surveillance du territoire (DST).

Le dernier poste qu’il a occupé avant d’atterrir à la tête de la Police, celui de Directeur de la Sécurité publique (DSP), n’a pas été facile à remplir du fait de la ‘’coexistence pacifique’’ avec Anna Sémou Faye. Mais Maal, patient et surtout serein, a su étouffer sa colère, même dans les moments les plus critiques. Il hérite du reste d’un portefeuille difficile. Et sans doute devra-t-il bien arbitrer pour prendre les décisions les mieux éclairées. Pour le moment, on parle beaucoup de postes laissés vacants pour des raisons de retraite comme la Direction des Passeports, l’Ecole de Police et de bien d’autres directions comme celles du Personnel, de l’Inspection ou de la Sécurité publique qui était occupée par l’actuel Dg de la Police. Il faudra bien mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Et surtout faire travailler la bonne matière grise, même vieillissante de la Police.
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