Le premier vol retour affrété par le Commissariat général au pèlerinage est arrivé dans la nuit du lundi au mardi. Traumatisés, certains des passagers ont raconté le calvaire qu’ils ont vécu, les minutes qui ont suivi la bousculade de Mina.
Le vol XY8442 a atterri mardi à 00h 10 sur le tarmac de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Il avait à son bord 375 passagers complètement traumatisés par la durée du voyage et la bousculade de Mina. A 00h 30, les premiers pèlerins franchissaient le seuil du hangar qui devait les accueillir. Les signes des lieux saints ornent leurs silhouettes : turban sur la tête, bidons dorés entre les mains, ils sont aussi encombrés de leur passeport, badge autour du cou, sac de voyage à la main. C’est la partie visible.
Malgré la joie du retour, les signes de fatigue se lisaient sur certains visages. D’autres pétillent de joie après être rentrés sains et saufs du pèlerinage le plus meurtrier de l’histoire de la Mecque. Si ces pèlerins ont eu cette chance, certains de leurs compatriotes ne l’ont pas eue. Le Premier ministre qui était à leur accueil glace davantage les pèlerins qui sont secoués par la succession d’évènements tragiques depuis le début du Hajj : «Je suis au regret de vous apprendre que le bilan qui était jusqu’à ce matin (lundi) porté à 14 morts s’est tristement alourdi. 19 nouveaux cas de décès sont confirmés. Cela porte le bilan à 33 ce soir (mardi). Il s’y ajoute que 10 autres corps sont dans les hôpitaux à l’heure où je vous parle. Mais puisqu’ils ne sont pas encore identifiés, on ne peut pas les intégrer dans le décompte.»
La tragédie de Mina a secoué plusieurs pèlerins qui sont traumatisés. Dans ce premier vol retour, il y a 7 blessés de la bousculade qui savourent ce retour au pays natal. Drapée d’une tenue immaculée, Charlotte Fatou Dieng, de forte corpulence, quinqua, visiblement secouée par le drame, raconte l’affolement qu’il y a eu après l’incident les larmes aux yeux : «On ne savait pas au début ce qui s’était réellement passé. On nous disait juste que c’est un mur qui est tombé sur eux. On apprendra par la suite que c’est une bousculade qu’il y a eu lors du rituel de lapidation : Sanni jamra.» Elle n’était pas sur les lieux de la bousculade, mais les échos qu’elle en a eus l’ont terrifiée. «C’est triste, tous les Sénégalais ont été consternés de l’apprendre. On a pleuré. Et le plus dur, c’est que la plupart des pertes que le Sénégal a enregistrées sont surtout des jeunes. Il y a paraît-il un jeune imam des Parcelles Assainies qui y a laissé sa vie. Il y a un des pèlerins qui a dû s’occuper de toutes les affaires de l’une de ses voisines qui y est restée.» Consternée par la multiplication des morts, elle déplore le manque de soutien moral des autorités en charge du pèlerinage. «Nous n’avons pas eu la prise en charge psychologique qu’il fallait. Deux d’entre nous sont d’ailleurs revenus avec des défaillances psychiques», regrette-t-elle.
En face d’elle, une dame est pressée de quitter le hangar des pèlerins. S’approchant d’elle pour une interview, son voisin soutient qu’elle est malade. En apercevant une bouteille de jus, une pèlerine craque : «Vous n’avez pas d’eau à m’offrir ? Depuis que nous sommes arrivés, nous n’avons pas bu une gorgée d’eau. Je vous en prie, apportez-moi de l’eau. Même à la Mecque, c’était pareil. On est resté des jours à attendre notre vol.»