Située à la Médina sur la Corniche ouest, la baie de Soumbédioune est aussi un lieu touristique, avec son village artisanal créé en 1961. Bel endroit, à la fois animé et très coloré, le site abrite une belle brochette d’artistes et d’artisans. En témoignent les œuvres de haute qualité qu’on y trouve. Cependant, il n’est plus autant fréquenté par les touristes.
Le secteur de l’artisanat mobilise directement plus de 600 000 personnes entre 150 corps de métiers, avec un apport sur le PIB supérieur à 10 %. Ce souci de développer le made in Sénégal et de conserver son identité avec tout son charme et son authenticité sera également la garantie de la sauvegarde et de la pérennisation de ce patrimoine. Regroupés par catégorie professionnelle, les artisans y exposent un large choix d’œuvres sculptées (statues, objets utiles en bois…).
On y trouve également divers produits de maroquinerie (sacs, porte-documents, porte-monnaie, sous-mains de bureau…), à base de peau de vache, serpent, chèvre, crocodile… Aussi, on y expose des bijoux, colliers, boucles d’oreilles en bois d’ébène, en or, argent... Le village présente également des objets de décoration à base de matières de récupération, symbolisant le quotidien au Sénégal, notamment le "car rapide" (minibus du transport urbain en couleurs jaune et bleu). En effet, il hausse l’économie du pays et participe à la visibilité de ce dernier par le biais de leurs œuvres originales qui attirent les touristes.
Cependant, depuis un bon moment, le village artisanal de Soumbédioune rencontre des problèmes. Les artisans ne manquent pas d’inspiration, bien au contraire, ils produisent de plus en plus d’objets d’arts beaux et originaux. Néanmoins, ça va de mal en pis. Que de problèmes rencontrés par ces pauvres artisans qui ne trouvent aucune solution face à la rareté des clients et à l’accessibilité du site !
Les facteurs du mal
Au cours d’une visite effectuée le vendredi 2 octobre 2015 sur le site, nous avons eu à poser la question aux concernés. Parmi eux, Abdoulaye Diallo, artisan et élu de la Chambre des métiers du village comme président de la presse et information. Un homme dans la quarantaine, vêtu d’une chemise en wax multicolore et d’un pantalon kaki, bien assis sur une chaise en bois, une machine à coudre devant lui, à l’abri dans un magasin peu spacieux. ‘’D’abord les travaux de l’ANOCI ont eu à causer beaucoup de problèmes sur la visibilité du village. Mais après les travaux, nous avions fait des manifestations pour faire revivre le village. Aussi, ce qui a le plus causé la rareté des touristes, c’est le manque d’une campagne de communication pour attirer les touristes, mais aussi aménager le parking pour permettre aux touristes d’avoir un espace pour garer leurs voitures afin d’accéder au site’’.
Mourtalla Babou, secrétaire général de la direction de la Chambre de métiers, partage son avis. Selon lui, les touristes oublient même l’existence de ce village, à cause du tunnel. ‘’De plus, dit-il, l’Etat installe dans le peu d’espace qui leur reste des pots de fleurs en guise de décoration. Aussi, la crise économique qui a frappé le monde en est une cause, car les touristes, après avoir payé l’hôtel et la nourriture, il ne leur reste presque rien, tellement la vie est chère…. Et pour couronner le tout, maintenant les gens ouvrent de petites galeries partout dans le pays et y vendent la même chose qu’ils trouvent dans le village. De ce fait, les touristes ne vont pas se fatiguer pour venir jusqu’au village, s’ils peuvent l’avoir près d’eux, juste là où ils sont.’’
De même, bon nombre d’artisans ont souligné que les hôteliers sont les seuls « à leur causer des problèmes ». Il y a aussi des rabatteurs qui contribuent à la détérioration de leurs conditions de travail. Il suffit de faire un tour dans les hôtels pour constater la présence des rabatteurs postés devant les hôtels et aux alentours pour détourner les touristes afin de pouvoir leur livrer leurs marchandises. «Cette pratique ne nous plaît pas du tout, car elle entraîne un manque à gagner.
Nous payons des loyers, des factures d’eau et d’électricité, etc. », soutient le président de la coopérative des sculpteurs du Village artisanal de Soumbédioune. Mais d’autre part, le manque de cohésion des artisans du village de Soumbédioune favorise également la concurrence déloyale, selon Mamadou Baba Sy. « Certains artisans ont scellé leur partenariat avec les propriétaires des hôtels pour écouler leurs produits. Dans cette situation, il nous est très difficile de contrecarrer la concurrence », dit-il.
Ainsi, pour mettre fin à cette pratique, les artisans demandent la création d’une commission regroupant des artisans, des responsables des hôtels et des membres de la Chambre des métiers de Dakar. ‘’Vous ne trouverez pas au Sénégal, au sein des maisons, des sculptures traditionnelles, des statuettes et des masques rituels comme vous pourrez en voir dans d’autres pays d’Afrique Noire, hormis dans les galeries d’art ou les marchés artisanaux où ils sont importés. Par contre, vous y découvrirez un artisanat spécifique très varié’’.
Cette situation difficile que vivent ces artisans talentueux n’est-elle pas un cri du cœur appelant les Sénégalais à plus de considération pour le savoir-faire local ? Ne doit-on pas ouvrir les yeux et savoir apprécier les symboles de notre culture plus que d’autres ?